Intervention de Bernard Frois

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 19 mars 2013 : 1ère réunion
Deuxième Audition publique ouverte à la presse sur « les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques »

Bernard Frois, président, Comité des États membres du JTI FCH (expérience européenne de déploiement des infrastructures hydrogène) :

L'hydrogène, c'est un sujet vraiment très amusant, parce qu'en France, on voit tout de suite qu'on est sur un terrain qui n'est pas du tout sûr. Quand on en parle, on se demande si on va se faire fusiller ou si on est pris pour un rigolo. Je vous dis cela, maintenant que dans la grande presse, on sait que Toyota va sortir ses véhicules en 2015, et on commence à savoir qu'au Japon il y a 30 000 installations domestiques à hydrogène.

L'hydrogène est maintenant dans une réalité. En tant que parlementaires, vous savez très bien que le problème est économique. C'est un problème de poule et de l'oeuf. Comment est-ce que cela va démarrer ? La Commission européenne se place dans un horizon différent, en soutenant une préparation du futur à long terme, tout en voyant quand même que l'hydrogène, c'est quelque chose qui peut aider dans les questions du climat et de la santé.

On sait que ce qui est rentable dans l'automobile, c'est 1 million de véhicules, 100 000 par an. L'hydrogène n'est pas du tout dans cette optique. L'hydrogène est dans un processus de démarrage. Je vous rappelle qu'il y a un tas de technologies qui ont démarré il y a cent ans et l'on ne s'est pas arrêté à des concepts en disant : c'est infaisable. La question est donc : Comment est-ce que cela va démarrer ?

La Commission européenne met au point un nouveau programme cadre qui va démarrer l'année prochaine. L'hydrogène est inclus dans la partie Énergie et Transport. Donc c'est ciblé. On va renouveler la plateforme technologique hydrogène, qui est une organisation externe à la Commission et qui fonctionne par appel à projets.

Le projet de directive déclenche assez les passions. Tous les États-membres sont d'accord pour qu'il y ait une directive, mais la question est de savoir qui paie et qui gouverne. Vous l'avez parfaitement vu. À Bruxelles, c'est vu comme un élément visant à déclencher chez les gens un intérêt pour la question. Nous sentons bien que, quelque part, il y a des moments où l'on part en avant sans avoir assuré ses arrières. On sait que l'intendance doit suivre, et là, la Commission se préoccupe de poser la question aux États : comment est-ce que vous mettez en place des recharges électriques et des stations hydrogène ?

Pour l'hydrogène, c'est beaucoup moins compliqué, étant donné que le parcours d'un véhicule hydrogène est beaucoup moins limité. Aujourd'hui une voiture standard à hydrogène a une autonomie de 400 kilomètres. On a moins besoin de points de recharges. Et ce qui est prévu par la Commission, c'est de l'ordre d'une centaine de stations en Europe. Ce n'est donc pas très contraignant. C'est une incitation.

Vu de Bruxelles, le soutien des États membres et des élus est extrêmement important, parce que c'est un élément fondamental de décision. Autrement dit, je m'adresse aux parlementaires que vous êtes, c'est vraiment là que sera prise la décision. Est-ce qu'on y va ou pas ? Le Parlement européen se prononcera. Le problème s'annonce politique. Il n'y a pas de discussion au niveau du déploiement. L'Allemagne, le Royaume-Uni et les pays nordiques, comme l'a dit mon collègue Paul Lucchese, sont déjà partis. L'Allemagne met quand même 1,4 milliard d'euros jusqu'en 2016 pour financer des études, des déploiements. Et je pense que de ce point de vue-là, il n'y a pas de problème, l'industrie part. Elle part, qu'on soit avec elle ou sans elle. L'endroit où elle va se déployer va dépendre de qui l'accompagne. Pour ne pas la nommer, Toyota mise sur l'Allemagne et sur l'Angleterre, parce que ce sont des pays amis de l'hydrogène.

La France est bien placée, parce que nous avons des acteurs qui techniquement sont bien placés : Air Liquide, Areva, CEA, CNRS, SymbioFCell, McAfee, Solvay,... Ce sont des industriels ou des instituts de recherche qui sont très qualifiés et très bien vus à Bruxelles. Quel est le problème ? C'est un souhait. À Bruxelles, on souhaiterait que la France, dans un domaine innovant, soit présente aux cotés des grands de l'innovation, parce qu'à trop regarder les risques, on ne s'avance pas, et on attend que les autres s'installent. Et ça, c'est un problème philosophique, ce n'est pas du tout un problème économique. Il y a une certaine déception de ne pas voir la France à certains endroits où on l'attend.

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