Intervention de Joël Pedessac

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 19 mars 2013 : 1ère réunion
Deuxième Audition publique ouverte à la presse sur « les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques »

Joël Pedessac, directeur général, Comité français butane propane :

En ce qui concerne la distribution de carburant en France, il y a environ 10 000 stations-service dans lesquelles les automobilistes ont l'habitude de faire leur plein, sachant que la grande distribution a 4 500 points de vente. Le maillage de la France, avec ces 4 500 stations, permettrait d'approvisionner une grande partie du territoire. Le GPL a peut-être l'avantage, par rapport à l'hydrogène et aux autres énergies, d'être un carburant facile à mettre en oeuvre dans une station-service. Le modèle économique est parfaitement connu en France et dans le monde. 1 litre de GPL, contenu dans le double de cette bouteille d'eau, est vendu environ 70 centimes / litre hors taxes, coûts de distribution et de station inclus. C'est une force vis-à-vis du consommateur final, parce que dans le modèle économique, les stations-service y sont déjà. En fait, la distribution des carburants liquides est assez facile à mettre en oeuvre. Une station GPL coûte entre 60 000 et 100 000 euros.

À propos des freins, je voudrais dire qu'en France nos distributeurs - les pétroliers, la grande distribution et les distributeurs de GPL - ont investi environ 200 millions d'euros entre 1996 et 2001 pour construire 2 000 stations. 150 ont fermé depuis, car chaque année il en ferme, et pas uniquement des stations GPL. Ces 200 millions d'euros en GPL ne s'amortissent que si 1 million de véhicules roulent avec ce gaz. Malheureusement, on n'a jamais dépassé les 200 000 véhicules en quinze ans. En 2013, on compte 180 000 véhicules GPL.

Nos freins ne se situent donc pas au niveau de la construction de stations-service. L'Allemagne a maillé tout le territoire en 5 ans en construisant 6 000 stations-service GPL, et le marché est en forte croissance. L'Italie est l'un des plus gros marchés de GPL, avec 2 200 stations-service. En France, avec 2 200 stations-service, le maillage serait convenable. L'autonomie d'un véhicule GPL est de 500 kilomètres, ce qui est comparable à l'hydrogène, et c'est ce qui dimensionne la taille d'un réseau.

Pour nous, il est clair que la diésélisation du parc français, et donc l'intérêt de vendre du diesel pour les constructeurs, est l'un des freins importants. Pour les consommateurs, c'est beaucoup plus simple, et l'on sait que la simplicité d'achat d'un véhicule diesel - voire essence -, est déterminante par rapport à tous les autres choix.

Acheter un véhicule GPL, même si c'est relativement simple quand il y en a dans les concessions, cela reste une façon de rouler différemment et donc nécessite un effort. Il n'y a pas de stations partout, il n'y a pas 11 000 stations-service qui le distribuent. Quand on se positionne sur un marché grand public, la distribution est un enjeu clé. Pourtant, avec 2 000 points de vente en France sur un territoire national de 550 000 km2, des véhicules GPL qui ont 550 kilomètres d'autonomie peuvent répondre aux usages de personnes qui partent au travail, en week-end ou en vacances.

Le frein malheureusement se situe plus dans la visibilité que nous donnent les réglementations et les lois sur les investissements. Sur les quinze dernières années, il y a eu cinq modèles. Il y en a un qui a bien marché, c'est le bonus-malus en 2008. Mais comme je l'avais expliqué au cabinet de M. Borloo, mettre un bonus de 2 000 euros pour l'achat de véhicules GPL, cela risquait de coûter très cher, parce que les véhicules GPL existent déjà sur le marché et ce n'est pas une technologie à développer. La preuve, c'est que plusieurs constructeurs se sont engouffrés là-dessus en voyant dans ce bonus une opportunité. Il s'est vendu 75 000 véhicules GPL en 2010. Cela a coûté 150 millions d'euros dans le système bonus-malus qui était normalement prévu jusqu'à fin 2012. Mais quand Bercy a vu ces chiffres, ils ont décidé, dès octobre 2010, la suppression de ce bonus au 1er janvier 2011. Le marché est passé de 8 000 véhicules GPL vendus par mois par les constructeurs automobiles à 1 500 par an, l'année dernière.

Ce cadre fiscal est bien sûr déterminant pour les acteurs. Et je ne parle pas d'une constante de la visibilité. Si l'on nous dit que ça va changer dans cinq ans, c'est notre rôle d'acteur économique de nous assurer que le modèle économique peut être viable et qu'il aura dépassé son niveau de point mort à un certain moment. Pour le GPL, le point mort par rapport à la taille du réseau est à 1 million de véhicules. On en est à 200 000 aujourd'hui. Notre réseau est structuré. Toute notre supply-chain est construite pour alimenter plus d'un million de véhicules. On a la place pour en accueillir 800 000 nouveaux avant de réinvestir dans des stations.

Concernant le bonus écologique, s'il est maintenu, il est clair que pour les énergies alternatives il faut envoyer un signal pour savoir s'il y aura un nouveau bonus GPL. En août dernier, quand le bonus sur les véhicules hybrides a été fixé à 3 500 euros, le texte du décret a spécifié uniquement les véhicules hybrides diesel et essence, ce qui exclut toutes les autres énergies alternatives. Un hybride peut aussi être électrique, GNV, biocarburants, E85 et GPL.

Par ailleurs, on peut utiliser la parole publique « gratuite » pour dire quelles sont les solutions qui existent. Il est évident que lorsque le Premier ministre ou le président de la République déclarent que le carburant c'est cher, le gazole et l'essence, c'est cher, ils doivent pourvoir dire qu'il existe du GNV, du GPL, de l'électrique ou des systèmes hybrides pour rouler différemment. C'est engageant politiquement, mais ce n'est pas très coûteux. Ensuite, il y a la fiscalité des carburants. Je pense que des comités vont travailler sur le sujet.

En conclusion, je dirais que pour le GPL, la visibilité du système doit être maintenue au travers du bonus-malus, et qu'il sorte du seul critère d'émissions de CO2. Il faut prendre en compte le système des hybrides, la parole publique, et puis stabiliser peut-être dans le temps le différentiel entre la TIPP (Taxe intérieure sur les produits pétroliers), la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) du GPL et celle de l'essence et du gasoil.

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