Je vais peut-être apporter le point de vue décalé d'un chercheur. On parlait de l'emploi en France et des volumes de production en France. Nous avions constaté, en analysant l'évolution de l'industrie automobile française, que le déclin des volumes et de l'emploi était antérieur à la crise. À partir de 2004, les volumes de production en France se sont réduits de moitié dans les quatre années qui ont suivi. En 2008, on était à - 50 %.
Quelles étaient les raisons de cette diminution ? Il y a deux dynamiques. D'une part, c'est la stagnation du marché et l'augmentation de la productivité, qui fait que l'emploi va forcément diminuer si le marché ne se développe pas. D'autre part, les constructeurs français, et par conséquent les équipementiers français, avaient augmenté leurs capacités dans les pays d'Europe de l'est. Comme dans ces pays il n'y a pas eu le développement des marchés attendu, de manière presque mathématique, le volume de production s'est déplacé vers ces pays.
Deux questions se posent. L'une est politique, celle de l'architecture européenne, comment elle fonctionne et comment elle doit être régulée. Cette question dépasse d'ailleurs les acteurs automobiles et concerne davantage Bruxelles.
La deuxième question, c'est le marché. Cela a été dit, le marché chinois nous apporte une bonne nouvelle. Mais pourquoi les marchés automobiles européens devraient-ils être une fatalité ? Pourquoi vend-on mal ou peu de voitures en Europe ? Aujourd'hui, lorsqu'on regarde l'évolution du produit comme vous le disiez, il devient non seulement de plus en plus lourd, de plus en plus encombrant, de plus en plus rapide et efficace, mais aussi de plus en plus cher. Il ne faut pas se baser sur les données INSEE qui tiennent compte de l'évolution technologique. Lorsqu'on réfléchit en termes de mois de salaire nécessaires pour acheter une voiture, les voitures ne deviennent pas moins chères. Elles deviennent plutôt plus chères. Et donc le marché de l'occasion se développe énormément. Et on peut penser qu'une voiture écologique, plus légère, mais aussi moins chère, pourrait relancer le marché européen. Ce serait aussi une solution pour l'industrie française, avec sa capacité historique d'être innovante dans les véhicules moyens et petits. Il y a là peut-être une opportunité à saisir, que l'on voit peut-être à travers les modèles Dacia. La solution n'est pas forcément low cost, mais dans la façon de repenser l'architecture des modèles, leurs usages, et peut-être relancer le marché européen. Aujourd'hui il est à un niveau très bas, non seulement à cause de la crise, mais aussi à cause du prix des voitures.