Intervention de André Reichardt

Réunion du 15 avril 2013 à 16h00
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux et modification du calendrier électorale — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié et adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Après deux lectures successives dans les deux chambres du Parlement, ce projet de loi de réforme électorale revient en nouvelle lecture, la commission mixte paritaire du 2 avril dernier ayant échoué.

Nous réaffirmons ce que nous avions indiqué lors des précédentes lectures : le Gouvernement cherche à atteindre un objectif électoraliste. En modifiant les lois électorales dans la première année suivant son arrivée au pouvoir, il ne fait qu’entretenir des soupçons de manipulation, jouant avec la confiance des Français.

Dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, une telle stratégie ne nous paraît guère opportune. Nos concitoyens attendent à n’en pas douter – le terme est à la mode – une plus grande transparence.

Selon nous, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale et amélioré par notre commission des lois présente deux problèmes majeurs : le mode de scrutin binominal pour les élections départementales, qui est assorti au report des élections régionales et cantonales, et le découpage cantonal, qui est, à tout le moins, un sujet de discussion…

Le principal désaccord entre les deux chambres réside dans l’instauration d’un nouveau mode de scrutin pour les élections départementales. Le mécanisme repose, cela a été largement évoqué, sur le principe d’un binôme homme-femme. Notons la créativité, qualifiée par certains de « « baroque », du Gouvernement en la matière.

Nous sommes fondamentalement opposés au scrutin binominal, système qui pose plus de problèmes qu’il n’en résout, même si j’ai bien entendu les difficultés auxquelles vous disiez être confronté, monsieur le ministre.

Qu’on le veuille ou non, en instaurant les cantons tels qu’ils sont prévus, nous perdrons en proximité. Or la proximité entre l’élu et le territoire ou entre l’élu départemental et le canton, c’est un principe essentiel. Nous estimons qu’il ne faut pas le négliger.

En outre, les deux conseillers départementaux seront soit des doublons, soit des concurrents, la solidarité entre les deux candidats risquant – nous avons déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises – de s’évanouir dès le lendemain de l’élection passée. Je vous laisse imaginer les problèmes qui ne manqueront pas d’en découler.

Quid du portage des projets ? Faudra-t-il procéder à un redécoupage géographique entre les deux co-conseillers ou engager une négociation permanente, stérile bien sûr, au risque, dans un cas comme dans l’autre, de fragiliser ces projets ? Nous verrons bien.

Si le binôme permet d’atteindre un objectif strict de parité, c’est au détriment du pluralisme et, j’ose même le dire, de la démocratie. Le mode de scrutin risque de favoriser le bipartisme. D’ailleurs, des élus d’autres groupes l’ont également relevé ; nous ne sommes donc pas les seuls à nous y opposer.

Le nouveau mode de scrutin délaisse considérablement les territoires ruraux ; mon collègue René-Paul Savary y reviendra plus longuement tout à l'heure. M. le ministre veut revoir la carte cantonale. Mais si l’élection dans les départements doit s’effectuer sur une base démographique, il faut absolument tenir compte de la représentation des territoires.

Certaines particularités propres aux zones rurales ne pourront pas être prises en compte si les cantons sont trop vastes. La réforme pourrait donc porter atteinte à un équilibre auquel les Français sont particulièrement attachés.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ai déjà fait connaître mon sentiment lors des précédentes lectures. À mon sens, ce projet de loi était une formidable occasion de rapprocher les électeurs de leurs représentants, rebaptisés « conseillers départementaux ». Nous sommes en train de passer à côté !

Le calendrier électoral constitue un autre motif de désaccord profond. Certes, les dispositions dont il s’agit ont fait l’objet d’un vote conforme. Mais, encore une fois, le report des élections départementales et régionales à 2015 n’est pas une bonne décision.

Loin de viser des objectifs d’intérêt général, comme l’impose le Conseil constitutionnel, vous organisez au contraire un calendrier de nature à porter atteinte au principe de sincérité du scrutin. Les relents électoralistes de vos motivations apparaissent encore mieux quand on songe aux conséquences futures des élections départementales et régionales sur le collège des grands électeurs aux sénatoriales, qui se dérouleront en 2014. Le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, se prononcera sur ce report, que rien ne justifie à nos yeux : les Français n’ont pas ce type de préoccupations en tête actuellement.

Le découpage cantonal a également donné lieu à une discussion intense entre nos deux assemblées. Monsieur le ministre, vous voulez diminuer le nombre de cantons pour le rendre égal, dans chaque département, à la moitié du nombre de cantons qui existaient au 1er janvier 2013. Ce faisant, vous figez des écarts de ratio entre le nombre d’habitants et le nombre d’élus et de cantons d’un département à l’autre, alors que, nous le savons, ils n’ont rigoureusement rien à voir.

L’Assemblée nationale n’a pas retenu le tunnel de 30 % que le Sénat avait adopté. Avec ce dispositif, la population d’un canton n’aurait pu être ni supérieure ni inférieure de plus de 30 % à la population moyenne des cantons du même département. Ce débat est extrêmement important, car il conditionne la représentation des différents territoires au sein des futurs conseils départementaux.

Nos collègues députés ont finalement prévu que les limites territoriales des cantons devraient être modifiées selon plusieurs règles. La commission des lois, dont je salue le travail approfondi, y a apporté sa pierre. En définitive, la rédaction ainsi établie nous semble acceptable.

Indépendamment de telles questions, qui sont particulièrement importantes pour notre groupe, nous sommes favorables à certaines mesures phares du projet de loi. Monsieur le ministre, nous vous donnons acte du respect des engagements que vous avez pris devant le Sénat.

Ainsi, nous sommes satisfaits que le seuil de 1 000 habitants ait été retenu pour l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste à deux tours. C’est la solution que nous soutenions. Certes, à l’origine, nous avions déposé un amendement tendant à fixer ce seuil à 2 000 habitants ; c’est le chiffre retenu par l’INSEE pour la définition des communes rurales. Un seuil de 500 habitants nous semblait trop bas. Mais, je vous le concède, le dosage est extrêmement complexe, les attentes des élus variant en fonction des contraintes locales. L’Association des maires de France s’est d’ailleurs ralliée au seuil de 1 000 habitants. Et nos concitoyens sont attachés au mode de scrutin actuel.

Par ailleurs, le nombre de suffrages nécessaires pour accéder au second tour des élections départementales est fixé à 12, 5 % des électeurs inscrits. Nous avions ardemment défendu cette position. Nous avons obtenu satisfaction.

Monsieur le ministre, malgré les avancées que je viens de signaler, nous attendons, pour déterminer notre position définitive, de connaître le sort qui sera réservé à nos nombreux amendements relatifs au scrutin binominal paritaire. Selon les circonstances, nous nous abstiendrons ou, si cette formule est retenue par la Haute Assemblée, nous voterons contre le projet de loi !

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