Je vous remercie de votre accueil. C'est la première fois que je me trouve devant cette commission depuis que j'ai été nommé ministre délégué en charge du budget, et je tiens à vous dire ma disponibilité pour venir devant vous, aussi souvent que vous le jugerez nécessaire, évoquer tous les sujets qui relèvent de mon ministère, depuis les questions fiscales jusqu'à la préparation du budget, en passant par l'épargne.
Inscrit en effet dans le cadre du Semestre européen, le programme de stabilité met en oeuvre les procédures nouvelles de relations entre institutions européennes et institutions nationales, destinées à faire converger les politiques économiques et budgétaires. Programme national de réforme et programme de stabilité décrivent la stratégie économique du Gouvernement, ainsi que le scénario macroéconomique et la trajectoire de finances publiques qui la sous-tendent. Ces textes ont la même importance et la même portée symbolique, politique et juridique qu'un projet de loi de finances : c'est avec solennité que je les présente.
Le président de la République l'a rappelé récemment, le Gouvernement avait pour mission de redresser l'économie du pays, dans une approche équilibrée réconciliant redressement des finances publiques, réformes ambitieuses et recherche active de la croissance. C'est le sillon que nous nous traçons depuis notre arrivée aux responsabilités, avec pour boussole la justice, et pour ligne d'horizon l'inversion de la courbe du chômage.
Le contexte est particulièrement difficile. L'héritage est lourd : 600 milliards d'euros de dettes en plus au cours du précédent quinquennat (20 % de notre PIB), 1,8 point de PIB de déficit structurel en cinq ans. Le déficit nominal aurait été de 5,5 % du PIB si nous n'avions pas pris des dispositions correctrices. Nous souffrons également de lourdes faiblesses structurelles : une croissance nulle en moyenne au cours du précédent quinquennat, mais un million de chômeurs de plus ; 750 000 emplois perdus dans l'industrie en dix ans, la part du secteur secondaire dans la valeur ajoutée étant revenue de 18 % à 12,5 % entre 2000 et 2011. La perte de notre substance industrielle et l'affaiblissement considérable de notre compétitivité se traduisent par un déficit commercial supérieur à 65 milliards d'euros en 2012. Nous ne pouvons réparer en quelques mois un tel héritage.
La zone euro, désormais stabilisée, n'a pas pour autant retrouvé sa croissance d'avant la crise ; la dégradation de la situation économique s'est intensifiée fin 2012, et selon les dernières prévisions de la Commission européenne, la zone euro restera en récession, alors que le chômage touche 19 millions de personnes en Europe.
Des réformes sont indispensables. Pourquoi opposer croissance et redressement des comptes ? On ne peut réussir l'un sans l'autre. Bien sûr, en économie, tout est affaire de choix ; cependant le discours selon lequel nous pouvons laisser nos comptes dériver sans coûts et sans frais, s'il sonne doux à l'oreille, reste une absolue contre-vérité. Oui, nous pouvons laisser monter la dette, comme l'ont fait l'Italie ou la Grèce, si nous n'avons que faire de l'indépendance financière de notre pays, si nous ne craignons pas de nous voir imposer demain un redressement brutal. Oui, nous pouvons laisser se creuser les déficits, si nous estimons qu'il est juste de demander aux générations futures d'en assumer le fardeau. Oui, nous pouvons ignorer le poids de la dette, dès lors que nous trouvons naturel que les intérêts soient le premier poste budgétaire, devant l'éducation, devant les services publics, devant le soutien à l'emploi. Non, cette vérité ne fait pas plaisir à entendre, qui contraint les gouvernements à sortir de l'illusion confortable qu'un pays endetté est un pays fort, un pays en marche vers son futur. Voilà la réalité : un pays qui s'endette s'appauvrit, il s'affaiblit.
Ce débat a été tranché : la vraie question est celle du rythme du redressement, et de l'équilibre entre croissance et consolidation budgétaire. Ce gouvernement porte avec force la volonté de réussir à la fois la consolidation budgétaire et le rétablissement de notre économie : nous défendons depuis mai 2012 un rééquilibrage des politiques européennes en faveur de la croissance. Je le fais dans le cadre de nos relations bilatérales, Pierre Moscovici s'y emploie en particulier auprès de nos partenaires allemands, car la relation franco-allemande reste un moteur puissant, et l'Allemagne, dont les finances sont solides, est en mesure de donner plus de dynamisme à son économie. Pierre Moscovici la porte aussi dans les enceintes plus larges, au G 7 au G 20, au Fonds monétaire international (FMI) ou à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) : autant de lieux où nous défendons l'idée que pour la croissance européenne, il est aussi grave de ne pas faire de relance quand on pourrait le faire, que de ne pas faire l'ajustement des finances publiques quand on le doit.
L'objet du programme de stabilité et du programme national de réforme est précisément de tracer cette voie entre croissance et remise en ordre des comptes. Je suis convaincu que la voie que nos programmes dessinent est la bonne pour la France, mais aussi pour l'Europe. Agenda domestique et agenda européen sont étroitement liés : c'est parce que nous faisons les efforts nécessaires que nous serons entendus par nos partenaires européens. Si nous ne sommes pas crédibles, nous ne pèserons pas en Europe. Menons à notre façon les réformes qui sont attendues de nous. Nous le faisons déjà avec le pacte de compétitivité, ou l'accord sur la sécurisation de l'emploi. Poursuivons dans la voie du redressement des finances publiques, à un rythme économiquement efficace et socialement juste. Nous serons plus forts sur la scène internationale et, grâce aux évolutions attendues en Europe, nous pourrons faire évoluer notre stratégie.
Nous avons bâti ces programmes sur des prévisions de croissance réalistes, identiques, pour 2013 et 2014, à celles de la Commission européenne : 0,1 % en 2013, 1,2 % en 2014, puis 2,0 % par an entre 2015 et 2017. Le Haut Conseil des finances publiques a rendu son avis ; il estime que des aléas font peser un risque à la baisse sur les prévisions. Si nous reconnaissons l'existence de tels facteurs, nous confirmons nos prévisions. Compte tenu de l'ampleur des réformes engagées, un objectif de croissance plus prudent en 2014 ne serait pas justifié, et exigerait un ajustement excessif en 2014.
Nous en avons la conviction, l'Europe va progressivement redémarrer. Pour de nombreux pays, le plus gros des efforts est désormais passé. Avec le pacte de croissance adopté en juin, et les 10 milliards d'augmentation de capital de la BEI, soixante milliards d'euros de prêts seront engagés ; la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) restera durablement accommodante ; les pays sous tension bénéficieront de meilleures conditions de financement, grâce à la mise en oeuvre résolue de l'union bancaire.
Les réformes que nous menons en France vont porter leurs fruits : les 20 milliards d'euros du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la réforme du financement de l'économie, les 150 000 emplois d'avenir à horizon 2014, les contrats de génération, le renforcement des moyens de Pôle emploi, l'accord des partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi, et le plan d'urgence en faveur du logement vont soutenir notre activité. Oui, nos hypothèses de croissance sont réalistes et prudentes.
Le programme national de réforme est structuré autour de quatre axes : redresser les comptes publics, rétablir la compétitivité de notre tissu productif, préparer l'avenir et lutter contre le chômage et la précarité.
Nous avons fait plus en onze mois en matière de compétitivité que nos prédécesseurs en dix ans. Nous avons d'abord réorienté notre système fiscal pour encourager la compétitivité et l'innovation. Les 20 milliards d'euros du CICE relèveront l'activité de 0,5 point de PIB et créeront 300 000 emplois d'ici 2017. Pierre Moscovici travaille à ce que les entreprises se saisissent de ce dispositif, déjà opérationnel et qui va monter en puissance grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les petites et moyennes entreprises (PME). Au-delà de cette mesure puissante - un point de PIB ! - la nouvelle fiscalité des dividendes incite les entreprises à réinvestir leurs bénéfices, et le crédit d'impôt recherche (CIR) a été étendu. Nous avons également remis le secteur financier au service de l'économie réelle avec la création de la BPI, la loi bancaire, le plan « trésorerie », ou encore le soutien au financement de l'investissement des collectivités territoriales. Nous engagerons dans les mois à venir une réforme de la fiscalité de l'épargne, sur la base des conclusions des travaux remis Karine Berger et Dominique Lefebvre, pour utiliser plus efficacement l'épargne abondante des Français. La BPI parachèvera sa mue et proposera aux entreprises des solutions de financement globales et intégrées. Le plan pour la trésorerie des entreprises continuera à être déployé.
Nous mènerons en 2013 des réformes de structure majeures dans le secteur des services, de l'énergie et du logement, afin de faire baisser les prix, de réduire les coûts des entreprises et de soutenir le pouvoir d'achat des ménages. Pierre Moscovici et Benoît Hamon présenteront, début mai, un projet de loi sur la consommation renforçant les droits des consommateurs et luttant contre les rentes de situation. Une réforme du secteur ferroviaire, au premier semestre 2013, améliorera la qualité de son service et son efficacité industrielle tout en préparant les prochaines étapes de l'ouverture à la concurrence. Des réformes sont aussi envisagées dans le secteur de l'énergie : leurs contours seront précisés à l'issue du débat sur la transition énergétique de juillet 2013.
Toutes ces initiatives, auxquelles s'ajoute le « choc de simplification », font masse et font sens. Elles soulignent la cohérence des actions d'un gouvernement qui fait confiance aux entreprises, et dessine progressivement une politique de l'offre ambitieuse et innovante.
Nous préparons l'avenir en encourageant la structuration de l'économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d'investissements ciblés. Nous organiserons au premier semestre une consultation pour retenir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Celles-ci seront soutenues par un fonds « multisectoriel » doté de 590 millions d'euros et mis en place au sein de la BPI.
Nous déploierons parallèlement notre stratégie d'investissements de long terme dans les secteurs clefs du logement, de la rénovation thermique et du numérique. Nous renforcerons le potentiel de croissance du pays et dessinerons l'économie de demain sans peser sur nos finances publiques. Par exemple, le projet de loi sur le logement, qui sera présenté d'ici juin, dynamisera l'offre et freinera la hausse des prix de l'immobilier en soutenant le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité-coût des entreprises. Le lien entre réformes, croissance et redressement des comptes apparaît pleinement ici.
Nous travaillerons en 2013 au plein déploiement des mesures adoptées pour lutter contre le chômage et la précarité, et nous amplifierons les effets de nos politiques grâce à une grande réforme de la formation professionnelle. La réforme du marché du travail, d'abord : l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier a été identifié à l'étranger comme un signe absolument majeur de la volonté et de la capacité de la France à se réformer. Il facilitera l'adaptation des entreprises aux chocs structurels tout en accordant de nouveaux droits aux salariés : c'est la clef de voûte de la lutte contre le chômage. Ce volet sera complété, au second semestre, par la renégociation de la convention d'assurance chômage, et par la réforme la formation professionnelle, dès cette année, afin de l'orienter vers ceux qui en ont le plus besoin.
En économie, il n'y a pas d' « Immaculée conception » : la croissance reviendra parce que nous aurons fait les efforts nécessaires. Redressement des comptes publics et redressement productif sont les deux faces d'une même médaille : le désendettement est un facteur de compétitivité. Notre stratégie est dictée par un impératif : trouver le juste équilibre, le bon rythme, pour la remise en ordre de nos comptes. En 2013, nous ajusterons le rythme d'assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance ; en 2014 nous approfondirons notre effort structurel : ce sera une année de tournant, de basculement, dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses ; à partir de 2015 nous commencerons à réduire la part de l'endettement dans le PIB et nous progresserons vers l'équilibre structurel grâce à la montée en puissance de nos économies.
Comme l'a dit le président de la République, notre politique économique n'est pas une politique d'austérité, c'est une politique sérieuse et juste. En 2013, nous laisserons davantage jouer les stabilisateurs automatiques face à la récession qui menace, et le déficit public nominal s'établira à 3,7 %. Ce choix de ne pas trop serrer la vis en cours d'année est crucial. Si l'effort structurel de 1,9 point de PIB programmé en loi de finances est maintenu, nous ne sommes pas dans l'austérité, dans le fétichisme du chiffre. L'austérité, ce serait ne pas tenir compte de la dégradation de la conjoncture, faire des coupes aveugles dans nos dépenses, baisser les salaires des fonctionnaires ou diminuer uniformément les prestations sociales. Nous plongerions dans ce travers si nous nous obstinions à vouloir tenir l'objectif nominal des 3 % de déficit alors que l'économie européenne s'enfonce, et que nous avons déjà sollicité un effort majeur des Français. La préservation de la croissance commande de ne pas ajouter l'austérité à la récession. Nous avons donc demandé à la Commission européenne de reporter nos engagements européens. M. Moscovici mène ce débat avec force et avec conviction auprès de nos partenaires. Les conclusions de ce débat nécessaire ne sont pas acquises.
C'est en 2014 que nous nous donnerons les moyens d'atteindre un déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel d'un point de PIB. Aller au-delà ne serait pas raisonnable. L'effort structurel reposera pour 70 % sur des économies et pour 30 % sur des recettes. Ce sera une année charnière : reprise économique grâce aux réformes que nous aurons adoptées, retour sous 3 %, inflexion de l'endettement, grâce à la montée en puissance de la Modernisation de l'action publique (MAP).
Nous maintenons le cap de l'équilibre structurel en fin de mandat, et nous nous rapprochons de l'équilibre nominal en 2017. C'est l'engagement du président de la République, c'est l'objectif du Gouvernement.
Cette trajectoire est sous-tendue par une évolution vertueuse de nos prélèvements obligatoires. En 2014, le Gouvernement ne prévoit aucune hausse d'impôt générale sur les ménages, au-delà de la réforme des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour financer le CICE. Le président de la République l'a annoncé lors de son intervention télévisée, et c'est conforme aux orientations de la loi de programmation des finances publiques. Les prélèvements obligatoires passeront de 46,3 % à 46,5 %. Extrêmement limitée, cette hausse résultera avant tout de l'approfondissement de notre action contre les niches inefficaces et de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. A partir de 2015, le taux de prélèvements obligatoires se stabilisera, puis il baissera en fin de période.
Cette trajectoire d'ajustement budgétaire est enfin conçue pour soutenir la croissance potentielle de long terme, à travers une maîtrise de la dépense qui impliquera tous les acteurs, grâce à l'exercice ambitieux de la MAP. Le rythme d'évolution de la dépense publique sera divisé par quatre par rapport aux dix dernières années (0,5 % contre 2 %). Le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de 3 points sur la durée du quinquennat, (60 milliards d'euros), contre une augmentation de 4,6 points de PIB au cours de la dernière décennie. La montée en puissance du processus de MAP jouera un rôle crucial pour dégager dans cette optique, des économies pérennes. L'intégralité des politiques publiques seront évaluées d'ici 2017, en association étroite avec les usagers, les agents et les acteurs de ces politiques. A ce stade, 20 % de la dépense publique est couverte par ces évaluations.
Tous les acteurs de la dépense publique contribueront à l'effort de redressement des comptes. Les dépenses de l'Etat hors dette et pensions baisseront de 1,5 milliard d'euros en 2014. Elles se stabiliseront en valeur à partir de 2016, les priorités du Gouvernement étant alors financées par redéploiement. Les concours financiers aux collectivités locales seront réduits de 1,5 milliard d'euros en 2014 puis de 3 milliards d'euros en 2015, dans le cadre plus global d'une rénovation des relations entre l'Etat et les collectivités. Outre les efforts déjà programmés sur l'assurance maladie, les partenaires sociaux ont conclu un accord sur les régimes complémentaires de retraite. Ils renégocieront aussi la convention de l'assurance chômage fin 2013. Enfin, des travaux seront engagés pour assurer l'équilibre à moyen terme des branches vieillesse et famille de la sécurité sociale.
La MAP n'est pas un exercice punitif : réduire le poids des dépenses est une condition de notre croissance et de notre compétitivité futures. C'est réduire notre dette et, partant assurer des conditions de financements favorables aux entreprises, limiter les transferts intergénérationnels, garantir que nous pourrons financer dans de bonnes conditions une dette détenue pour près de 63 % par des non-résidents, garantir la souveraineté de notre pays, bref, c'est retrouver des marges de manoeuvre pour nos politiques publiques.
Ces programmes sont l'occasion de valider nos orientations de politique économique, que nous souhaitons responsables et équilibrées. Le Gouvernement entend associer crédibilité et ambition, ne pas pénaliser pas la croissance mais préparer l'avenir, pour que la France pèse davantage dans la réorientation nécessaire de la construction européenne. Ces choix réalistes et sérieux, ambitieux et responsables, refusent l'austérité dont les Français ne veulent pas. Je souhaite qu'ils reçoivent l'approbation de votre assemblée.