Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, qui est aujourd'hui soumis à la Haute Assemblée, mettra un terme, s'il est adopté, à l'une des plus belles réussites sociales et économiques au service de nos concitoyens depuis maintenant près de soixante ans.
La première étape de la fusion Suez-Gaz de France, annoncée par le Premier ministre le 25 février 2006, passe en effet par la privatisation de l'un des fleurons de notre industrie, Gaz de France, puisque la part détenue par l'État devrait passer d'environ 80 % à environ 34 %.
Au-delà des questions politiques que pose cette opération sur le rôle de la puissance publique dans un secteur aussi sensible que celui de l'énergie - en ces temps de crise énergétique mondiale -, mais aussi sur la construction politique de l'Europe de l'énergie, la privatisation de Gaz de France est en contradiction avec les principes fondamentaux de la Constitution française, ainsi qu'avec le droit public national qu'il m'appartient, au nom du groupe socialiste, de rappeler ici.
Première question : Gaz de France peut-elle perdre son statut de service public national afin d'être privatisée ? Au regard des législations antérieures, mais aussi et surtout, au regard du préambule de la Constitution de 1946, la réponse est très clairement : non.
La loi du 8 avril 1946 a, en effet, clairement établi la qualité de service public national conférée au secteur énergétique du gaz et de l'électricité en France, donc aux deux établissements publics à caractère industriel ou commercial EDF et GDF.
On le sait, GDF n'est pas un service public comme les autres : c'est un service public national. Il l'a été, il le reste aujourd'hui mais, bien entendu, avec votre projet de loi, il ne le sera plus demain.
Les lois du 10 février 2000, du 3 janvier 2003 et du 9 août 2004 ont pourtant confirmé ce statut de service public national de l'entreprise publique Gaz de France.
Je rappelle que deux des lois précitées sont le fait de votre majorité, monsieur le ministre délégué, et que, l'année dernière encore, la loi de programme du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, l'a réaffirmé dans son article 1er, dont je rappelle les termes : « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. »