Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 22 avril 2013 à 21h30
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au mali — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères :

Quand une chose est bonne et juste, nous la rappelons !

Cet acquis institue un équilibre républicain qui permet tout à la fois au Gouvernement d’agir et au Parlement de le contrôler. Avec un système « à l’allemande », dans lequel le Bundestag autorise les moindres faits et gestes du gouvernement en matière de défense, aurions-nous pu stopper comme nous l’avons fait, cinq heures après la décision présidentielle, l’avancée des groupes terroristes vers les deux points stratégiques, portes d’entrée vers le sud du Mali, le pont de Markala et l’aéroport de Sévaré ? Notre modèle, souple, préserve tout à la fois le pouvoir de contrôle du Sénat, et notamment, au premier rang, de sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et l’indispensable capacité du Président de la République, chef des armées, de décider souverainement dans les situations de crise.

Dès novembre, nous avons senti la menace monter au Sahel et nous avons mis en place un groupe de travail, coprésidé par Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, auquel ont participé des collègues très assidus, suivant une méthode qui peut parfois paraître un peu choquante, mais qui est notre « marque de fabrique » : dépasser les clivages partisans autour des sujets qui touchent à l’intérêt national et à la souveraineté de la France.

Mardi dernier, le rapport de ce groupe de travail a été adopté à l’unanimité, moins une abstention, sous un titre qui résume bien la tâche difficile qui est désormais devant nous : Mali : comment gagner la paix ?

Nous le savons – nous l’avons appris sur d’autres théâtres –, les interventions militaires n’apportent pas de réponses de long terme. La solution au Sahel est politique et économique autant que sécuritaire : il faut offrir des revenus à une jeunesse désœuvrée que l’envolée des trafics – la cocaïne représente 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel ! –, la faiblesse de l’État, la montée du radicalisme religieux ainsi que la déstructuration pastorale et agricole ont jetée dans les bras du terrorisme. Je sais le gouvernement de Jean-Marc Ayrault pleinement conscient de cet enjeu du « jour d’après ».

Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, le Président de la République présidera la conférence du 15 mai à Bruxelles, qui mobilisera la communauté internationale pour la reconstruction d’un pays en lambeaux et pour la stabilisation de toute une région menacée.

Je voudrais, après vous, rendre hommage aux cinq soldats qui ont laissé leur vie au Mali et aux nombreux blessés.

Nos forces ont fait un travail remarquable et remporté des succès éclatants. Face à la tyrannie du climat, de la géographie, de la logistique, du temps politique aussi, qui imposait d’aller vite et de frapper fort, face à un ennemi fanatisé prêt à mourir au combat, nous avons su imposer une guerre de mouvement, de surprise, combiner air et sol, précision et puissance de feu, pour casser la force de frappe d’AQMI et du MUJAO, et détruire leur base arrière dans le sanctuaire naturel de l’Adrar des Ifoghas et autour de Gao : 200 tonnes d’armes, 600 ennemis neutralisés, 150 dépôts et centres de commandements détruits, j’oserai dire que le bilan est exemplaire !

L’armée française doit désormais passer le relais aux forces africaines, puis aux casques bleus de la MINUSMA, avec la garantie d’un « Serval prolongé » de 700 hommes pour lutter contre le terrorisme résiduel. Cette « force parallèle » sera appuyée sur un cadre légal clair, car prévu par la résolution du Conseil de sécurité actuellement en discussion, mais nous conserverons la décision nationale de son emploi.

Ce passage de relais est une étape délicate qui doit nous inciter à avoir une réflexion approfondie sur notre coopération militaire, en Afrique et ailleurs, en bilatéral comme en multilatéral, puisque nous savons que la victoire militaire doit être suivie par une stabilisation et une sécurisation à plus long terme, ce qui suppose un quadrillage du terrain, et donc des troupes nombreuses et bien formées.

Capacité d’entrée en premier et maîtrise de l’ensemble du spectre capacitaire sont les deux piliers de notre liberté d’action. Ils seront préservés, nous le souhaitons, grâce aux arbitrages du Président de la République sur le maintien des crédits de la défense.

Comptez sur moi, comptez sur la commission que j’ai l’honneur de présider, monsieur le Premier ministre : nous veillerons à ce que la décision présidentielle soit déclinée dans son entier en termes budgétaires, …

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