Intervention de Pascal Canfin

Réunion du 22 avril 2013 à 21h30
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au mali — Débat et vote sur une demande du gouvernement

Pascal Canfin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de l’heure tardive, j’irai à l’essentiel, en vous exposant la stratégie de notre politique de développement, au service d’un objectif qui nous est commun : gagner la paix.

Le premier élément de notre stratégie, c’est bien évidemment l’aide bilatérale. Certains d’entre vous l’ont mentionné, cette aide, qui avait été gelée en 2012 dans un contexte européen que chacun a en tête, a été reprise depuis la mi-février, pour assurer très concrètement le retour des services publics en matière de santé, d’éducation, d’eau, ou encore d’électricité.

Pour ne prendre qu’un exemple, le courant qui avait été tout simplement supprimé à Tombouctou, à Gao ou à Kidal est en train de revenir grâce aux travaux d’infrastructures qui sont progressivement mis en place. Aujourd'hui, il y a six heures d’électricité par jour à Tombouctou, contre zéro minute il y a plus d’un mois.

Le deuxième élément, c’est la mobilisation de la communauté internationale.

Plusieurs d’entre vous ont mentionné la conférence de Bruxelles du 15 mai prochain. Elle se fera sous coprésidence française et Union européenne. Avec Laurent Fabius, nous avons souhaité que cette conférence ait lieu à Bruxelles et non à Paris, afin de mobiliser l’Europe et, au-delà, la communauté internationale. Nous voulons en quelque sorte catalyser les énergies au service du développement du Mali.

À cet égard, je me suis rendu, la semaine dernière, à la Banque mondiale à Washington pour discuter de la capacité d’engagement de cette institution, et je me rendrai ce week-end à Bamako pour faire en sorte que la stratégie de mobilisation de la communauté internationale repose sur une stratégie de développement économique du Mali, débattue elle-même bien évidemment avec les autorités de transition, mais aussi avec les sociétés civiles, les forces vives du développement économique.

Dans le cadre d’une conférence spécifique, nous mobilisons le week-end prochain ces personnes pour alimenter le débat relatif à la stratégie de développement économique sur laquelle l’ensemble des parties prenantes, la communauté internationale, d’un côté, et les autorités de transition maliennes, de l’autre, se mettront d’accord dans quelques jours à Bruxelles.

Je tiens à préciser que cette conférence devrait réunir plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement, dont, bien évidemment, François Hollande, qui coprésidera cette journée de mobilisation pour le Mali.

Le troisième élément a trait au local. Les collectivités locales françaises constituent un canal exemplaire, puisque, comme vous le savez, plus de 160 collectivités locales françaises ont des coopérations décentralisées avec le Mali. Autrement dit, une ville malienne sur six a noué un partenariat avec une collectivité locale française.

C’est pourquoi notre aide doit passer davantage encore par ce canal, de façon à être la plus efficace possible et au plus près des territoires et des besoins des populations en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures. À cet égard, comme certains d’entre vous l’ont rappelé, nous avons mobilisé nos collectivités locales le 19 mars dernier à Lyon.

Le quatrième élément de notre stratégie, ce sont les diasporas. En effet, il y a en France entre 120 000 et 130 000 Maliens ou Franco-Maliens. Nous avons tenu à mobiliser ces diasporas plus encore qu’elles ne le sont aujourd'hui au service du développement économique du Mali. Dans certains territoires maliens, ces flux financiers représentent plus que l’aide publique au développement. Il est donc important d’innover, de trouver de nouveaux moyens afin d’augmenter ces flux. Si nous avons mobilisé la diaspora malienne en France, nous avons aussi mobilisé les diasporas maliennes en Côte d’Ivoire, en Belgique, au Canada, et ailleurs en Europe. Ce fut l’objet de la réunion qui s’est tenue le 10 avril dernier à Montreuil.

Le dernier élément, c’est bien évidemment l’Europe. Comme je l’ai indiqué, nous organisons une conférence franco-européenne à Bruxelles, mais, au-delà, nous travaillons avec l’ensemble des partenaires européens pour que l’Union européenne mobilise en tant que telle le maximum d’aide au développement.

À cet égard, je tiens à saluer le fait que, depuis le début de la crise, l’Europe a été présente sur le front du développement, même si l’on peut discuter pour les autres dimensions de la politique. La dernière preuve en est l’accord très rapide obtenu la semaine dernière pour une aide budgétaire de 225 millions d’euros, qui complète les montants qui avaient déjà été attribués, pour avoir aujourd’hui une enveloppe, qui pourrait augmenter encore d’ici au 15 mai, d’au moins 300 millions d’euros.

Voilà pour ce qui est des aspects quantitatifs.

Il faut aussi évoquer les aspects qualitatifs. À cet égard, comme plusieurs orateurs l’ont fait observer et comme MM. Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher le signalent dans leur rapport, il convient de faire le bilan de l’action qui a été menée depuis un certain nombre de décennies.

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : il y a eu des succès, mais aussi des échecs. C’est pourquoi, au-delà de la mobilisation quantitative, nous devons travailler, peut-être davantage que dans le passé, sur la qualité de notre action, par exemple sur la prise en compte du changement climatique, sur les questions agricoles ou sur les problèmes de gestion démographique. Tous ces sujets seront aussi au cœur de la grande conférence du 15 mai prochain ; ils sont déjà au cœur de sa phase préparatoire, qui est en cours. En effet, il ne faut pas raisonner simplement sur un chiffre, mais aussi sur un plan qualitatif.

Reste enfin la question du contrôle. De fait, comme de nombreux orateurs l’ont rappelé, le Mali n’a pas manqué d’aide publique au développement dans le passé, même s’il faut toujours faire plus. Là encore, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : on sait très bien qu’une partie de cette aide n’a pas bénéficié aux populations, comme cela aurait dû être le cas.

Il est donc impératif de mettre en place davantage de circuits pour assurer le contrôle et la traçabilité de cette aide, qu’il s’agisse de l’aide projets ou de l’aide budgétaire. Nous y travaillons et, le 15 mai prochain à Bruxelles, nous ferons des propositions innovantes pour garantir une traçabilité maximale au Mali de l’aide publique que nous allons attribuer.

C’est un devoir à l’égard des citoyens maliens, pour que l’aide leur parvienne, mais aussi une exigence envers les contribuables français, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous ; nous devons être solidaires, mais aussi efficaces et exigeants.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis par la conscience d’avoir devant nous une équation simple : pas de développement sans sécurité, pas de sécurité sans développement. C’est en gagnant les deux termes de cette équation que nous pourrons, ensemble, gagner la paix au Mali !

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