Intervention de Jacqueline Gourault

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 28 mars 2013 : 1ère réunion

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault, présidente :

Notre délégation, représentée par cinq de ses membres, a fait un déplacement à Lyon le 28 mars dernier pour prendre connaissance, au contact des élus du Rhône, du contexte et des conditions de la création de la future euro métropole lyonnaise.

Cette visite s'est déroulée en trois temps. Dans la matinée, une séance de travail a eu lieu en compagnie, d'une part, d'une douzaine de membres du conseil de communauté urbaine, dont notre collègue Gérard Collomb, président de la communauté urbaine, d'autre part, d'une dizaine de conseillers généraux, dont Danielle Chuzeville, présidente du conseil général, et notre collègue Michel Mercier, vice-président. Nous avons ensuite été reçus par Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes. Enfin, en début d'après-midi, nous avons eu une discussion avec Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional.

Cette série de rencontres nous a permis d'acquérir un aperçu diversifié de l'ensemble des questions que pose la transformation en métropole sui generis de l'actuelle communauté urbaine.

Je rappelle, à titre liminaire, que la création de l'euro métropole lyonnaise n'aura pas lieu sur le fondement des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 relative aux métropoles, mais en application de dispositions spécifiques prévues dans le premier des trois projets de loi de décentralisation déposés sur le Bureau du Sénat la semaine dernière. L'euro métropole lyonnaise aura le statut de collectivité territoriale, bénéficiera de la clause de compétence générale et exercera sur son territoire, dont le périmètre restera inchangé, toutes les compétences du département. Le département du Rhône, maintenu, exercera, de son côté, les compétences départementales de droit commun sur le périmètre de son nouveau territoire.

Celui-ci, nous a précisé Michel Mercier, se situera dans la moyenne des départements français, avec 440 000 habitants - ce qui le place au 51e rang des départements français -, une croissance démographique de 1,1 % par an et une surface de 3 249 km².

Pour Gérard Collomb et Michel Mercier, qui sont les initiateurs du projet, l'idée de créer la métropole lyonnaise s'impose dans la perspective de faire du Grand Lyon, qui représente 30 % du PIB de la région Rhône-Alpes, 75 % de la population du département et 22 % de la population de la région, une entité capable d'entrer en compétition avec les grandes métropoles européennes et mondiales, autour desquelles s'organise aujourd'hui la croissance économique. Pour cela, il faut simplifier la carte administrative, en particulier la répartition des compétences. Certaines compétences sont exercées simultanément par le département et par le Grand Lyon, ce qui provoque des complexités inutiles dans les endroits où elles se juxtaposent. C'est le cas de la compétence voirie. En matière économique, le département met en oeuvre aujourd'hui des actions à l'intérieur de l'agglomération et concurremment avec elle, avec des taux d'aides différents. En matière de logement, une rationalisation est également attendue. La communauté urbaine crée, d'ores et déjà, 9 000 à 10 000 logements par an sur le Grand Lyon, et le fait que ce soit le conseil général qui gère le RSA, la politique du handicap et les actions à l'égard des personnes âgées ne permet pas de donner à cette action toute la rationalité souhaitable. Le transfert des compétences à la communauté urbaine permettra, par exemple, de construire immédiatement des logements destinés aux handicapés, au lieu d'avoir à réadapter à leur intention des logements qui avaient été construits sans que leurs besoins aient été pris en considération.

Nos interlocuteurs nous ont aussi fait valoir que les compétences sociales du département du Rhône, auxquelles celui-ci consacre plus de 52 % de son budget, concernent très largement des personnes résidant sur le territoire de la métropole. En ce qui concerne, par exemple, le budget des personnes handicapées, qui représente 240 millions d'euros, l'essentiel des intéressés résident dans l'agglomération de Lyon, ce qui est aussi le cas de 86 % des bénéficiaires de l'allocation du revenu de solidarité active. Si les élus et les services de l'agglomération auront à acquérir une culture nouvelle pour assumer les compétences transférées en matière sociale, ce transfert, du point de vue du département, présente l'avantage de le décharger de problèmes spécifiquement urbains. Le département maintenu sera très largement rural, tout en restant doté d'industries fortes et prospères. Il s'agira d'une collectivité territoriale parfaitement viable et susceptible de faire face à ses problématiques propres à côté du Grand Lyon.

Sur cet arrière-plan, qui ne semble pas susciter de polémiques ou de vives oppositions, les échanges que nous avons eus avec les élus ont fait apparaître deux grandes interrogations :

- la première porte sur l'avenir des communes. Notre collègue Élisabeth Lamure, présidente de l'Association des maires du Rhône, nous a indiqué à cet égard que si l'idée de métropole était plutôt bien reçue par les maires, ceux-ci ne s'en interrogeaient pas moins sur la préservation de l'indépendance des communes. Le projet de loi prévoit certes le maintien intégral des communes à l'intérieur de la métropole, mais qu'en sera-t-il en 2020, se demandent les maires ? Et, pour ce qui est des 230 communes qui appartiendront au futur département, de quels moyens celui-ci disposera-t-il pour assurer ses compétences dans son nouveau périmètre ? Plusieurs conseillers généraux ont insisté sur le fait que la métropole ne peut pas se construire sans un relais de proximité fort et que ces relais sont les communes. À cet égard, la possibilité, évoquée il y a quelques mois par la ministre Marylise Lebranchu, d'une élection au suffrage direct des conseillers métropolitains à partir de 2020 semble avoir cristallisé un certain nombre de craintes. Chacun pense au scrutin de 2020, nous a indiqué un élu. De même, l'éventuelle inscription dans la loi de l'actuelle conférence des maires du Grand Lyon semble considérée par beaucoup non seulement comme la création d'un échelon administratif supplémentaire inutile, mais aussi comme présentant le risque de dépouiller les communes d'une partie de leur rôle. L'avenir du pouvoir de police des maires de la métropole a aussi été évoqué. En dehors de la métropole, Michel Mercier nous a indiqué qu'il lui semblait nécessaire de revoir la carte de l'intercommunalité et de procéder à un mouvement de regroupement des communes, à l'instar de ce qu'il vient de réaliser dans sa propre commune nouvelle de Thizy : le futur département du Rhône restera un territoire innovant.

La deuxième interrogation porte sur le calendrier, qui reste flou alors que la mise en place de la nouvelle structure doit être rapide pour être efficace. Le préfet de région nous a indiqué qu'il est souhaitable de prévoir l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2015. L'échéance d'avril 2015 a aussi été évoquée. En tout état de cause, un délai sera nécessaire pour procéder au transfert des compétences. De son côté, Michel Mercier a insisté sur la nécessité de procéder rapidement. Pour les prochaines élections municipales, a-t-il indiqué, il faut que la population de l'agglomération et du département sache que les délégués communautaires deviendront des délégués métropolitains.

En ce qui concerne les relations de la future métropole avec la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne nous a indiqué, lors de l'entretien que nous avons eu avec lui au conseil régional, qu'il n'était pas défavorable au projet et que celui-ci pourrait avoir des effets positifs, notamment la simplification de l'organisation du territoire et le renforcement de la lisibilité des institutions. En effet, a-t-il estimé, le conseil général a actuellement peu de lisibilité sur le territoire lyonnais. Sur le fond, si les régions ont besoin de métropoles fortes, elles n'en doivent pas moins continuer à assumer pleinement leurs compétences économiques, a précisé Jean-Jack Queyranne, qui se déclare opposé au transfert de cette compétence à la région. Pour lui, eu égard au fait que les pôles de compétitivité de la région Rhône Alpes ne sont pas tous situés sur le territoire de la métropole, donner une compétence exclusive au Grand Lyon en matière d'aide économique aux entreprises créerait des distorsions. En outre, il existe une assez forte spécialisation des catégories de collectivités. Les communautés urbaines, à l'image du Grand Lyon, financent l'immobilier, l'aménagement et l'attractivité d'entreprise. Les régions, pour leur part, se concentrent de plus en plus sur le soutien à la recherche et l'investissement, l'ingénierie financière, notamment le montage financier. Les interventions des différentes collectivités peuvent se rapprocher, elles ne se superposent pas ; vouloir les superposer serait une erreur. Enfin, Jean Jack Queyranne s'est interrogé sur la possibilité de maintenir les 41 millions d'euros apportés par la région au Grand Lyon en 2012 si les compétences économiques sont transférées à la métropole.

À côté de ces questions de fond, un certain nombre d'autres problèmes de portée plus circonscrite ont été évoqués par les différents interlocuteurs. Il semble, par exemple, que la préfecture du département maintenu doive rester située à Lyon. Par ailleurs, l'aéroport de Lyon n'est pas sur le territoire de la métropole, or il s'agit d'un instrument important du développement économique. En ce qui concerne l'organisation des services de l'État, le préfet Jean-François Carenco a estimé qu'une seule administration pouvait couvrir à la fois le département et la métropole. En revanche, il ne lui semble ni possible ni souhaitable qu'un département soit dépourvu de tribunal de grande instance. Il en existe actuellement deux dans le Rhône, l'un à Lyon et l'autre à Villefranche-sur-Saône. Il semble aussi que se pose à la future métropole un problème de discontinuité territoriale.

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