Le Sénat est longtemps demeuré masculin : à la veille du renouvellement de 2001, on ne comptait encore que 20 sénatrices pour 321 sièges, à peine 6,5 %. Grâce aux obligations de parité prévues par la loi du 6 juin 2000, leur nombre a été multiplié par quatre puisqu'à la veille du renouvellement de 2011 on comptait 80 sénatrices, occupant 23,3 % des 343 sièges. Avec la même efficacité, cette loi a permis aux femmes de représenter 48% des membres des conseils régionaux, 48,5% des membres des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants et 44,4% de notre représentation au Parlement européen. En 2001 et 2008, période au cours de laquelle le Sénat a été entièrement renouvelé, 61 sénatrices ont été élues au scrutin proportionnel contre seulement 10 au scrutin majoritaire.
Si les élections sénatoriales de 2011 ont confirmé le rôle déterminant du scrutin proportionnel dans la progression de la parité, le nombre de femmes au Sénat a enregistré un léger tassement, de 80 à 77. Un nouvel élan est donc nécessaire pour reprendre le chemin d'une parité effective. Le projet de loi peut-il y contribuer ?
Nous sommes favorables à l'abaissement à trois sièges du seuil du scrutin proportionnel : ceci devrait avoir un effet positif sur le nombre des sénatrices. Sa portée sera cependant très limitée si les têtes de listes continuent à être presque toujours des hommes et si des listes dissidentes sont formées pour contourner la parité. Dans les départements comportant trois sièges, ces deux facteurs pourraient même jouer un rôle déterminant. Comment renforcer les effets de cette timide réforme ? Fallait-il aller plus loin et recommander d'abaisser à deux sièges le seuil de la proportionnelle ? Avant de nous prononcer, nous demandons une étude sur l'impact de la mesure sur la parité et la diversité politique - car les responsables des partis politiques sont inquiets...
Avec la réforme, 93 sénateurs continueront d'être élus au scrutin majoritaire, y compris outre-mer. Nous ne devons pas nous résigner à ce que ceux-ci soient dispensés de toute obligation paritaire. Aussi notre recommandation n°4 suggère-t-elle que dans ce cas, le candidat et son remplaçant soient de sexes différents.
Notre recommandation n°5 porte sur le remplacement, à l'occasion d'une prochaine révision de la Constitution, du verbe « favorise » par « garantit » dans la fameuse formule relative à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
Quant à la recommandation n°1, elle a une portée symbolique. Il s'agit, dans l'intitulé de ce texte dont l'objectif est de favoriser l'accès des femmes au mandat sénatorial, de réparer le regrettable oubli des sénatrices après les mots « l'élection des sénateurs ».
A propos de l'augmentation le nombre de délégués supplémentaires représentant les communes de plus de 30 000 habitants, l'étude d'impact indique - naïvement ! - que « l'obligation de parité ne s'impose pas dans la désignation des délégués supplémentaires ». Il faut y remédier. Ce sera d'autant plus facile que nombre de délégués composant le collège sénatorial sont élus au scrutin de liste.
La composition paritaire de ce collège ne suffira évidemment pas à garantir l'élection d'un plus grand nombre de candidates, elle pourrait en revanche avoir un effet dissuasif sur le dépôt des listes dissidentes conçues pour contourner la parité. Le ministère de l'intérieur ne disposant pas, de façon étonnante, de données genrées sur la composition du collège sénatorial...