Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 18 mars 2013 à 16h00
Prorogation du mandat des membres de l'assemblée des français de l'étranger – représentation des français établis hors de france. — Discussion en procédure accélérée de deux projets de loi dans les textes de la commission

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la réforme dont nous débattons aujourd'hui me paraît apporter, sous une apparence séduisante, une série de réponses hâtives et inadaptées à de vraies questions.

C'est à partir d'un diagnostic posé depuis de longues années par l'Assemblée des Français de l'étranger elle-même que le Gouvernement justifie cette réforme.

Oui, il faut renforcer la démocratie de proximité et accroître le rôle des élus de terrain ! Oui, il faut élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France – c'est une nécessité absolue ! Oui, il faut lutter contre l'abstention !

Mais, semble-t-il, le Gouvernement cherche moins à répondre à ces questions qu'à imposer, à la va-vite, des objectifs électoraux, quitte à aller à l'encontre des intentions officiellement énoncées. Comment expliquer, sinon, la précipitation actuelle ? Au lieu de se laisser un peu de temps pour organiser une réforme ambitieuse et concertée, le Gouvernement opte pour le passage en force, avec pour principal objectif de remodeler le collège des grands électeurs avant les sénatoriales de 2014.

Il est d'ailleurs intéressant de constater le flou avec lequel on essaie de dissimuler ce déni de démocratie, sans doute dans le vain espoir que les électeurs ne comprennent pas que leur vote a été trahi. S'il ne s'agissait que d'accélérer le rythme de mise en œuvre d'une réforme, certes électoraliste, mais par ailleurs utile, pourquoi pas ? Mais tel n'est pas le cas. Tentons donc d'évaluer cette réforme à l'aune des objectifs énoncés par le Gouvernement.

Le premier but affiché est de développer la démocratie de proximité et d'améliorer la représentativité des élus au niveau local, mais le Gouvernement ne fixe aucun objectif et ne prévoit nullement de renforcer les moyens accordés aux élus.

La multiplication par trois du nombre d'élus de terrain à budget constant se traduira mathématiquement par une importante diminution des moyens qui leur seront alloués, sans pour autant donner le gage d'une meilleure proximité. Les consulats à gestion simplifiée n'auront ainsi pas de conseiller consulaire. À l'inverse, on pourra compter jusqu'à neuf conseillers rattachés à un seul et même consulat, parfois là même où les Français ont le moins besoin d'aide.

Le silence assourdissant du projet de loi quant aux missions dévolues aux futurs conseillers consulaires est de mauvais augures : aucune compétence nouvelle ne leur est dévolue et la principale fonction qui leur est assignée consiste à participer aux réunions, forcément rares, d'un conseil consulaire dépourvu de pouvoir décisionnel réel, le tout sur fond d'isolement des élus.

En effet, la force des actuels conseillers à l'AFE réside dans leur capacité à travailler collectivement avec des élus d'autres zones géographiques et en interaction avec les ministères et les responsables des administrations à Paris. Les nouveaux conseillers consulaires, eux, seront cantonnés au face à face avec le consul de leur circonscription et auront bien du mal à jouer un rôle de contrepoids face à l'administration consulaire. C'est sans doute là l'un des objectifs à peine cachés du Gouvernement...

Le deuxième objectif était l'élargissement du collège électoral des sénateurs.

Sans cette réforme, en 2014, 166 grands électeurs éliraient 6 sénateurs, soit une moyenne de 28 voix par sénateur : c'est évidemment trop peu. Avec la réforme, environ 520 élus éliraient les 12 sénateurs, soit une quarantaine de voix par sénateur : c'est mieux, mais guère mieux ! Un résultat similaire, et même meilleur, aurait été obtenu si le Gouvernement avait suivi les préconisations de la commission des lois de l'AFE, afin que les suivants de liste des élus à l'AFE soient intégrés au collège électoral.

C'est même un véritable recul démocratique qui est proposé, avec la possibilité pour les grands électeurs de remettre leurs bulletins de vote directement aux ambassadeurs et consuls. L'Antiquité grecque a inventé les urnes ; la gauche française invente le vote de la main à la main !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion