Madame Garriaud-Maylam, cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité permet de mettre les points sur les « i » à propos d'une question de droit qui mérite d'être précisée. Par conséquent, je vous remercie de l'avoir déposée ! Après l'avoir examinée avec attention, la commission des lois a émis un avis défavorable, ce qui ne vous surprendra pas.
Comme vous l'avez rappelé et comme je l'ai moi-même indiqué dans le rapport que j'ai établi au nom de la commission, la prorogation tout comme l'abréviation des mandats électifs sont encadrées par des règles constitutionnelles. En abrégeant ou en prorogeant un mandat, la loi en détermine « en creux » la durée ; cette faculté est donc réservée au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution.
Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la prorogation ou l'abréviation des mandats doivent être exceptionnelles, transitoires et limitées, car est en jeu le respect de l'article 3 de la Constitution. Aussi doivent-elles être fondées sur un motif d'intérêt général.
Ma chère collègue, vous soulignez que la prorogation du mandat des conseillers à l'AFE de la série B intervient après celle de 2011 qui ne portait que sur une année. J'attire votre attention sur le fait que cette nouvelle prorogation ne fixe pas mécaniquement un délai d'un an : il s'agit d'une durée maximale ! Plus tôt ces élections interviendront, mieux la jurisprudence constitutionnelle sera respectée. Au lieu d'un mandat de six ans, les élus de la série B exerceront exceptionnellement un mandat de plus de sept ans, lequel ne pourra cependant pas excéder huit ans.
Par ailleurs, les débats que nous avons eus au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger, voilà deux ou trois ans, sur le couplage entre les élections législatives et le renouvellement de l'AFE nous avaient conduits à nous interroger sur la date de ce renouvellement. Fallait-il simplement découpler les deux élections et reporter au mois de juin 2013 le renouvellement de l'AFE ou se donner le temps d'élaborer une réforme d'ampleur ? Votre majorité n'a pas choisi cette dernière option. Aujourd'hui, il est nécessaire de disposer de temps pour conduire cette réforme.
S'agissant de l'abréviation du mandat des conseillers à l'AFE de la série A, situation douloureuse pour certains d'entre eux, j'en conviens, je rappellerai que ce mandat avait été prorogé d'une année en 2011. De ce fait, le raccourcissement de deux ans proposé revient, in fine, à une réduction d'une seule année du mandat, ce que le Conseil constitutionnel a admis en 2007, par exemple, pour le mandat des membres de l'Assemblée de la Polynésie française.
Quant à la différence de traitement entre les deux séries, cette situation résulte mathématiquement du renouvellement partiel de l'AFE. Un tel cas de figure s'est déjà présenté en 2010, avec l'abréviation du mandat d'une seule série de conseillers généraux pour permettre le renouvellement intégral des conseils généraux, et il n'a pas donné lieu à une censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, la prorogation de mandat qui nous est soumise doit, de manière pragmatique, être adoptée au plus vite – cela justifie l'engagement de la procédure accélérée sur le présent projet de loi – afin d'écarter l'échéance électorale qui devrait avoir lieu, mais qui conduirait à élire des élus dont le mandat prendrait fin quelques mois plus tard. C'est cette situation qui serait inconstitutionnelle, en plus d'être absurde, car elle serait illisible pour les électeurs et incompréhensible pour les candidats. De surcroît, elle alourdirait la charge de notre réseau consulaire.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, la commission vous demande de ne pas adopter cette motion.