Dans le cadre de nos travaux sur « la place des femmes dans le secteur de la culture », nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui quatre femmes qui assument chacune, dans le secteur artistique du spectacle vivant, d'importantes responsabilités : Mme Hortense Archambault, co-directrice du Festival d'Avignon, Mme Laurence Equilbey, cheffe d'orchestre, directrice musicale d'Accentus et d'Insula Orchestra, Mme Myriam Marzouki, metteure en scène, directrice artistique de la Compagnie du Dernier Soir et membre du Collectif H/F Ile-de-France, ainsi que Mme Caroline Sonrier, directrice de l'Opéra de Lille. Mesdames, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et de nous consacrer cette matinée, malgré des agendas que nous savons chargés.
Nous le savons bien, la représentation déséquilibrée des femmes dans le secteur culturel est particulièrement flagrante dans le secteur du spectacle vivant. La prise de conscience de ces inégalités, qui a émergé avec la publication des deux rapports de Reine Prat, en 2006 puis en 2009, n'a pourtant pas suscité de réaction suffisante pour amorcer un rééquilibrage en faveur des femmes.
La plaquette publiée en 2012 par la SACD, demandant « Où sont les femmes ? », a rappelé les chiffres que Reine Prat avait déjà signalés dans ses deux rapports précités : 82 % des postes dirigeants de l'administration culturelle sont occupés par des hommes ; 96 % des maisons d'opéras sont dirigées par des hommes ; 91 % des centres dramatiques nationaux, 67 % des théâtres nationaux et 70 % des centres dramatiques nationaux sont dirigés par des hommes.
Or, cette faible représentation a des conséquences pour l'emploi, notamment celui des auteures, des metteures en scène et des cheffes d'orchestre, comme nous le rappelait Claire Gibault, le 4 avril dernier.
En effet, 85 % des textes joués sont écrits par des hommes, 75 % des spectacles sont mis en scène par des hommes, 95 % des concerts sont dirigés par des hommes, enfin 87 % des techniciens sont des hommes.
Toutes, en tant que directrices d'établissements de création et de diffusion du spectacle vivant, en tant que metteure en scène ou cheffe d'orchestre, vous êtes confrontées à cette réalité.
Cette audition, que nous avons souhaitée publique et ouverte à la presse, doit nous permettre d'en analyser les causes, les effets et les solutions concrètes à envisager.
Pour orienter nos débats, je vous proposerai de structurer vos interventions autour de trois thèmes que nos précédentes auditions ont permis d'identifier comme des chantiers de travail.
En premier lieu, nous nous intéresserons au contenu des représentations, en particulier aux stéréotypes de genre.
En quoi les scènes représentées sur nos plateaux véhiculent-elles ces stéréotypes ? A cet égard, on entend parfois dire que le répertoire contemporain serait moins déséquilibré que le répertoire classique. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur ce point ?
Par ailleurs, Muriel Couton, que nous avons entendue en mars, insistait sur l'importance de rendre systématique un enseignement obligatoire sur le sujet dans les écoles de formation. Qu'en pensez-vous ?
Le second point que je vous propose d'aborder est la question de la visibilité créatrice des femmes.
Pourquoi y a-t-il si peu de femmes auteures ou metteures en scène ? Pour certains, c'est une question de talent, pour d'autres, une question de budget. Le lancement des « saisons de l'égalité » a été une tentative de réponse, mais avec quel succès ? Nous sommes très intéressés de connaître votre point de vue sur cette question.
A cet égard, on nous a suggéré que les « laboratoires de création » pour les femmes, sorte d'incubateurs de création féminine, pourraient être une réaction à l'invisibilité des créatrices : qu'en pensez-vous ?
Pour finir, nous aborderons les rapports de pouvoir.
Le milieu artistique, prompt à dénoncer les abus de pouvoir, n'en est-il pas lui-même la caricature ?
C'est à ce stade de notre réflexion que nous aborderons les questions délicates : des procédures de nomination des directeurs, de conventionnement des compagnies, de sélection des oeuvres...
A cet égard, depuis quelque temps, le ministère impose des « shorts lists » paritaires : mais est-ce suffisant ?
Afin de pouvoir envisager un temps d'échange avec la salle, je vous propose de consacrer environ 30 minutes à chacune de ces trois questions et de commencer vos interventions respectives par une rapide présentation de vos parcours. Je cède la parole à Mme Hortense Archambaud, co-directrice du Festival d'Avignon.