Intervention de Laurence Équilbey

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 avril 2013 : 1ère réunion
Femmes dans le secteur de la culture — Table ronde

Laurence Équilbey, cheffe d'orchestre, directrice musicale d'Accentus et d'Insula Orchestra :

Je suis cheffe d'orchestre et m'occupe de deux compagnies : Accentus et Insula. Je suis également en relation régulière avec plusieurs opéras, comme celui de Rouen, et des orchestres. En 2011, j'avais initié une réflexion avec des stagiaires qui travaillaient avec moi, dont l'un écrivait son mémoire sur la place des femmes dans le spectacle vivant. Je n'aurais jamais imaginé que les statistiques obtenues seraient aussi désastreuses concernant les métiers relevant de l'artistique, où la situation est encore pire que dans l'administratif. Alors même que j'étais déjà engagée dans la cause des femmes, les chiffres m'ont incroyablement choquée. Je me suis donc engagée dans cette cause. On a l'impression que les femmes artistes se sont évaporées dans la nature, alors qu'elles sont nombreuses et talentueuses. J'ai soutenu la SACD, le laboratoire de l'égalité et le mouvement H/F qui ont initié l'année dernière une brochure de « women pride ».

J'en viens à la question des stéréotypes. En théâtre, la bonne réponse, comme l'a dit Hortense Archambault, est de programmer des textes contemporains pour éviter d'avoir à adapter des textes anciens porteurs de stéréotypes. En musique, la situation est différente. On peut parfois « tricher » légèrement. J'ai par exemple dirigé « La Création », une oeuvre sublime de Haydn, dont le récitatif final comporte des phrases qui nous paraissent gênantes aujourd'hui. J'ai donc imperceptiblement modifié le discours d'Eve s'adressant à Adam en remplaçant par exemple « pour toi j'ai été créée» par « avec toi j'ai été créée ».

Le maquillage de quelques phrases du texte me permet donc de ne pas véhiculer des stéréotypes. De même, je travaille actuellement un Singspiel de Schubert, « les Conjurés » au texte savoureux (des épouses de chevaliers font la grève du sexe) mais à la chute impossible à dire aujourd'hui : j'ai légèrement transformé un mot de la fin pour universaliser l'oeuvre.

Je prête toujours une grande attention aux textes du répertoire lyrique et narratif notamment. Pour certains livrets, la cause est perdue d'avance, comme dans « le Vaisseau Fantôme » de Wagner : une femme attend un homme qu'elle ne connaît pas et dont elle tombe immédiatement amoureuse ! L'opéra est truffé de ce genre de stéréotypes. Je crois que sans aller jusqu'à produire des ouvrages féministes, il faut au moins équilibrer davantage les relations entre les personnages. Comme dans le théâtre classique, les personnages de femmes dans l'opéra sont souvent des épouses, donc n'existent que par leur lien avec un homme.

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