J'entends dire que les choses avancent très ou trop lentement. Mais d'autres observateurs parlent d'une régression. Aussi, la mise en place d'un Observatoire, notamment au sein de ministère de la Culture et de la Communication, qui fournit des chiffres objectifs est, à mon sens, une avancée essentielle.
A ce sujet, la lettre adressée par Aurélie Filippetti aux directeurs d'établissements culturels a déjà ébranlé certains bastions.
La saison 2013-2014 étant bouclée, nous verrons si elle favorise une ouverture à la mixité dans les saisons programmées en 2014-2015.
J'entendais récemment la philosophe Geneviève Fraisse, sur France Culture, dire que la mise en scène était un acte politique, que la production avait un rapport direct avec la jouissance et que les hommes avaient du mal à laisser les femmes venir sur ce terrain-là.
J'en profite pour revenir sur l'idée suivant laquelle nous serions passées « entre les gouttes ». Mon expérience d'artiste m'oblige à dire que, pour ouvrir les portes et se faire une place, une femme doit souvent combattre, avoir plus d'ambition, plus de détermination, plus d'autorité, non seulement pour aller chercher les moyens de production, mais aussi pour s'imposer face aux autres artistes qu'elle est amenée à diriger.
En tant que cheffe d'orchestre, je suis plutôt confrontée à des réactions de machisme ordinaire - venant autant des femmes musiciennes que des hommes, d'ailleurs - et au conservatisme du public. J'en veux pour preuve l'accueil qu'a reçu le Collectif « la Barbe », intervenant à l'Opéra de Paris ou à la Salle Pleyel, pour dénoncer l'absence de mixité : huées par le public et par les journalistes, elles ont eu droit à des réactions qui venaient aussi des femmes présentes dans le public !
S'agissant des mesures volontaristes, je suis heureuse d'avoir entendu Sylvie Pierre-Brossolette reprendre, dans un récent comité interministériel, une expression que j'avais moi-même utilisée, visant à demander une « juste proportion » entre les hommes et les femmes dans les médias.
Une recommandation européenne de 2009 va dans ce sens, qui demande un tiers de femmes dans toutes les branches du secteur culturel. Je pense que nous pourrions appliquer cette exigence au spectacle vivant, car on sent bien que la situation actuelle dans la programmation artistique n'est plus en résonnance avec la société.
Je crois que nous évoluons, dans ce secteur, dans un système fatigué et replié sur lui-même. J'ai bien peur que nous soyons proches de l'implosion si les choses n'évoluent pas.
Je terminerai en citant Aurélie Filippetti qui a récemment rappelé que « la liberté de programmer n'induit pas la liberté de ne pas programmer les femmes ».