Je voudrais revenir sur les propos que tenaient Hortense Archambault et Bérénice Vincent sur la question des générations. L'une expliquait qu'il y avait un changement, une évolution normale, que les femmes arrivaient progressivement dans le milieu artistique. Il faut se méfier de ce genre de discours, car il y a toujours eu des femmes artistes, qui ont été ensuite effacées de l'histoire. En effet, l'histoire de l'art est écrite au masculin. C'est un fait dont il faut être conscient. En ce qui concerne les autrices - et je dis autrices car c'est un terme qui existait dans les registres de la Comédie française pour désigner les premières dramaturges, avant d'être supprimé du dictionnaire par Messieurs les Académiciens - je vous conseille les travaux d'Aurore Evain, que vous pourriez entendre en audition. Aurore Evain travaille sur les femmes autrices sous l'Ancien Régime. Il y en avait 100 sous l'Ancien régime, 350 au XIXème siècle et 1 500 au XXème. Ce qui fait un corpus de 2 000 autrices, dont on n'entend pratiquement jamais parler. C'est pareil pour les sciences. Je pense que pour les femmes metteuses en scène, c'est la même chose. Il y en a eu mais elles ont été effacées de l'histoire. On a tendance à dire « les femmes émergent dans le milieu de la culture ». Dans le cadre de la saison égalité, le collectif H/F a demandé aux 24 directeurs de théâtre qui se sont engagés avec H/F Ile-de-France d'écrire de petits textes pour dire ce qu'ils pensaient de cette initiative, et pourquoi ils se sont engagés dans cette action. Un directeur de théâtre a répondu que grâce aux trentenaires, il allait y avoir un changement, il allait enfin y avoir des metteuses en scène. Et bien non ! Les metteuses en scène existent depuis 10 ans, 20 ans. On s'attache toujours à l'émergence des jeunes femmes, jolies, mignonnes, fraîches. Mais une fois qu'elles sont devenues quadragénaires, on ne les soutient plus. On n'a pas donné aux quadragénaires d'hier les moyens de production dont elles avaient besoin. Elles n'ont pas eu de visibilité au niveau national et peuvent donc difficilement prétendre occuper la tête d'une grande institution.