Peut-être n'ai-je pas été assez claire. Il y a toujours eu des metteuses en scène. Mais si on ne s'intéresse pas aux moyens de productions et des plateaux dont elles disposent, dans trente ans nous aurons le même débat. Par exemple, en peinture, nous découvrons des peintres femmes qui étaient aux côtés de leurs maris également peintres, et tout à coup, elles sont mises à l'honneur dans des expositions. Le problème du théâtre, c'est que cela se passe maintenant. Certes l'écriture reste, mais la chorégraphie, c'est maintenant, ou cela ne sera jamais. C'est pour ces sujets qu'il faut réfléchir à des incubateurs, de nouveaux projets, qui accompagneraient les femmes, notamment celles qui risquent d'interrompre leurs carrières pour avoir des enfants. Il faudrait quelques projets, faire des préconisations pour mettre en place des lieux institutionnels qui leur soient dédiés pendant dix ans, pour permettre à ces femmes du spectacle vivant de grandir et d'être accompagnées un peu plus que les hommes. Certes aujourd'hui il y a une volonté politique. Cela passe par les jurys qui doivent être désormais constitués de manière paritaire. Mais il s'agit également de nommer plus de femmes et donc de trouver des candidates et de les appuyer. Les femmes qui seront nommées dans les prochains mois et les prochaines années doivent être assurées de tout l'appui politique nécessaire à la réalisation de leurs projets. Il faut plus de femmes à la tête d'institutions culturelles pour montrer que cela est possible. Tout comme on réfléchit à la composition des jurys, il est également nécessaire de rouvrir des projets atypiques. A mon avis, la constitution de « collectifs » est un axe qu'il faut aborder. En outre, il me parait important de consacrer un ou deux lieux, pendant une durée limitée à aider les femmes à s'installer dans la vie artistique. Bien sûr, tout cela s'inscrit dans un contexte économique où il y a moins d'argent. Je vais me retrouver sur le marché du travail dans quelques mois et je sais que certains directeurs de théâtre se disent déjà que je vais prendre une place à laquelle ils peuvent aussi prétendre. Et c'est vrai. Nous souhaitons avancer en matière de parité, laquelle est nécessaire pour consolider la démocratie, et en même temps, les moyens dévolus à la culture sont en baisse. Je peux vous l'assurer, il y aura beaucoup de tensions. Si la France souhaite avoir une ambition en matière culturelle, la porter, alors un soutien politique est essentiel. Pour revenir sur l'idée d'incubateurs et de lieux dédiés pour permettre à des femmes artistes de s'installer dans le paysage artistique, je citerai l'exemple de la danse « hip hop ». Cette danse a été portée par des structures culturelles qui ont permis à des danseurs « hip hop » d'écrire et de se produire sur des grands plateaux. Il y a eu un acte volontaire fort. Et maintenant, il y a deux centres nationaux de chorégraphie qui sont dirigés par des danseurs « hip hop ». Mais cela nécessite un accompagnement dans la durée.