La production de rhum est le dernier étage d'une filière canne sucre rhum qui comprend la production de canne à sucre, utilisée aussi bien pour produire du rhum que du sucre, la production de sucre, dont une partie des sous-produits est utilisée pour produire du « rhum de sucrerie », et enfin la production de rhum.
La production de canne à sucre occupe une place fondamentale dans les DOM.
En 2010, on comptait dans ces territoires près de 8 000 exploitations cannières et la culture de la canne occupait plus de 43 000 hectares, soit près de 35 % de la surface agricole utile des DOM. On observe d'ailleurs que la canne résiste bien à la pression foncière, particulièrement forte dans ces territoires.
La production annuelle de canne s'est élevée en 2011 à 2,8 millions de tonnes. Son niveau est relativement stable ces dernières années, avec une progression d'à peine 1,5 % en cinq ans.
La production de rhum quant à elle se partage entre deux types de produits : d'une part le « rhum agricole », obtenu par fermentation alcoolique et distillation du jus de canne à sucre, et d'autre part le « rhum de sucrerie », produit à partir de la mélasse, résidu du raffinage du sucre. 40 % environ du rhum produit dans les DOM est du rhum agricole, mais la part relative de chaque type de production varie fortement selon le département considéré.
La production de rhum est dynamique et a crû de près de 18 % ces cinq dernières années.
Cette production est inséparable de la production de canne et, dans les territoires qui produisent du rhum de sucrerie, de la production de sucre.
Cette intégration de la filière découle de la définition communautaire du rhum traditionnel, que nous allons aborder plus loin. Cette définition exige que le rhum soit produit exclusivement à partir de matières premières locales. Le dynamisme de la production de rhum est donc un moteur pour l'ensemble de la filière et tout soutien spécifique à ce produit se répercute également sur les autres productions.
L'importance de la filière canne-sucre-rhum pour les départements d'outre-mer est illustrée par la place qu'elle occupe dans leurs échanges.
Il faut rappeler que la balance commerciale de ces territoires est largement déséquilibrée, du fait notamment de l'éloignement et de l'insularité. Ainsi, le total des soldes de la balance commerciale de chaque DOM représente un déficit de plus de 10 milliards d'euros en 2011. Les taux de couverture des échanges varient d'un territoire à l'autre, mais sont globalement très bas : de 6 % à La Réunion à 11,4 % à la Martinique.
Les exportations des trois départements d'outre-mer où la production de rhum est significative, c'est-à-dire la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, s'élevaient en 2011 à 830 millions d'euros. Dès lors, la filière canne-sucre-rhum, avec un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros pour les quatre départements, contribue de façon importante à limiter le déséquilibre de la balance commerciale de ces territoires.
Avec la banane aux Antilles ou la pêche à La Réunion, le rhum et le sucre constituent la principale culture agricole d'exportation. Pour le seul département de La Réunion, les exportations de sucre de canne ont représenté, en 2011, 70 millions d'euros, soit 24 % du total des exportations.
En termes d'emplois, on peut estimer que cette filière représente environ 40 000 emplois, dont 22 000 emplois directs, parmi lesquels 15 000 emplois pour la seule filière rhum. Ces chiffres sont repris par la Commission européenne.
Au-delà de son importance économique, la canne participe à la préservation de l'environnement.
Ainsi, elle protège de l'érosion des sols et elle résiste relativement bien à la sécheresse : elle ne nécessite donc pas une irrigation systématique. Enfin ses sous-produits peuvent être utilisés comme fertilisants ou pour l'alimentation du bétail, ce qui réduit la nécessité d'importer des aliments, importantes sources d'émissions de gaz à effet de serre.
La filière canne contribue également à l'indépendance énergétique de ces territoires, à travers la bagasse. Ce résidu fibreux de la canne est utilisé comme source d'énergie dans la production d'électricité. On estime qu'elle permet de couvrir entre 30 % et 50 % des besoins en électricité des îles des DOM.
Enfin, on peut également ajouter que la production de rhum est un produit « phare » des DOM en termes d'image et de tourisme.
La plus grande partie du rhum des DOM est consommée localement, mais environ 25 % est expédié sur le marché européen, dont 70 % vers la métropole.
Le marché communautaire est dominé par deux groupes, produisant tous deux un rhum à 37,5°, vendu majoritairement par bouteilles de 70 cl : d'une part le groupe Bacardi, qui occupe le troisième rang mondial dans le secteur des spiritueux et commercialise notamment la marque de rhum éponyme, et d'autre part le groupe français Pernod-Ricard, deuxième producteur mondial de spiritueux derrière le groupe britannique Diageo, qui commercialise notamment la marque Havana Club.
Ces dernières années, le marché du rhum a également vu l'essor des rhums des pays tiers (Cuba, Venezuela, Brésil, États-Unis, Mexique) et des pays ACP (Barbade, Guyana, Trinité et Tobago, Jamaïque, République dominicaine).
La protection tarifaire à l'entrée sur le marché européen est un élément important pour les rhums des DOM, dans la mesure où le prix de revient du rhum de sucrerie des DOM est environ trois fois supérieur à celui d'un rhum d'un pays environnant.
Or les accords commerciaux conclus par l'Union européenne (UE) avec les pays d'Amérique centrale ou d'Amérique latine viennent renforcer la concurrence que doivent affronter les producteurs domiens.
Les producteurs de rhum des DOM sont confrontés à des contraintes particulières.
Celles-ci sont tout d'abord liées à la définition communautaire du rhum traditionnel des DOM, qui exige qu'il soit produit à partir de « produits alcooligènes exclusivement originaires du lieu de production considéré ».
Ainsi, les producteurs de rhum des DOM ne peuvent importer de la canne ou de la mélasse d'autres territoires, afin de profiter des évolutions à la baisse sur le marché mondial. À l'inverse, toute baisse du coût de ces produits entraine, relativement, un renchérissement du rhum des DOM.
Cette contrainte assure l'intégration de la filière, sécurise les emplois dans le secteur de la production de canne et participe à la qualité du produit. Elle aggrave néanmoins le différentiel de coûts de production avec les autres pays. Ainsi, on estime que le prix de la canne livré à une distillerie dans les DOM est de l'ordre de 60 à 85 euros la tonne, contre 14 euros au Brésil par exemple.
Par ailleurs, les producteurs de rhum des DOM doivent également appliquer une réglementation plus stricte en ce qui concerne la question du vieillissement.
À ces surcoûts s'ajoutent ceux liés aux intrants, c'est-à-dire les achats hors matières premières, comme le verre ou les cartons, qui doivent venir de la métropole.
Enfin, la nécessite de respecter les règles environnementales et sociales communautaires et françaises, plus exigeantes que celles des pays tiers, est une autre source de surcoûts. Le Smic réunionnais est de 1 400 euros, contre 200 euros à l'île Maurice et 50 euros à Madagascar.
Au final, il ressort des auditions menées par la délégation à l'outre mer que les coûts de production du rhum des DOM sont environ quatre fois supérieur à ceux des pays tiers.
Au-delà des coûts de production, les rhums des DOM sont commercialisés sous une forme qui entraine également des surcoûts.
Pour des raisons culturelles et historiques, ils sont vendus à un degré d'alcool plus élevé que les rhums des pays tiers, majoritairement commercialisés à 37,5°. 60 % de la production est à 40°, un quart est à 50° et même plus de 10 % à 55°.
De même, les rhums des DOM se caractérisent par un conditionnement différent : plus de la moitié de la production est vendue par bouteilles d'un litre. Le reste est commercialisé par bouteilles de 0,70 litre, comme c'est le cas pour la quasi-totalité des rhums des pays tiers.
Or ces différences, qui peuvent sembler anodines, ont un impact sur le prix de la bouteille, dans la mesure où la fiscalité sur les alcools - droit d'accise et vignette de sécurité sociale - porte sur le volume d'alcool pur contenu dans chaque bouteille. Ainsi, une bouteille de rhum d'un litre à 50° comportera environ deux fois plus d'alcool pur qu'une bouteille de rhum de 0,70 litre à 37,5°.
Le marché du rhum est en croissance, que ce soit au niveau communautaire ou au niveau métropolitain.
Entre 1996 et 2006, le volume du marché communautaire a été multiplié par 2,6.
Cependant, du fait des surcoûts mentionnés précédemment, on observe que la part du rhum des DOM a sensiblement diminué sur la même période. De plus de la moitié en 1986 elle passe à moins du tiers en 1996 et à peine un quart aujourd'hui.
Le marché français du rhum connait également un fort dynamisme, avec une croissance en moyenne de près de 10 % par an sur dix ans
Les chiffres de la grande distribution permettent une analyse plus fine : sur les sept dernières années, les rhums des DOM progressent de 28 % quand ceux des pays tiers ou des pays ACP connaissent une augmentation de 55 %. Si l'on considère les deux marques Bacardi et Havana Club, leur progression atteint même 238 %.
Cette divergence des croissances s'accélère encore sur la période 2008-2011 : les rhums des DOM progressent de 9 % contre 38,7 % pour les pays tiers et ACP.
De plus, ces chiffres sont probablement inférieurs à la réalité du marché du rhum dans son ensemble. En effet, les ventes en cafés, hôtels et restaurants ne sont pas comptabilisées dans les statistiques de la grande distribution. Or les ventes sur ce segment qui représente 5 millions de litres par an sont principalement réalisées par les marques précitées, grâce à leur puissance marketing.