Intervention de Éric Doligé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des départements d'outre-mer — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, rapporteur :

C'est pour compenser les surcoûts évoqués ci-dessus, et maintenir l'accès du rhum des DOM au marché national, qu'a été mis en place le régime fiscal dérogatoire pour cette production.

L'aide fiscale accordée aux rhums des DOM repose en premier lieu sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques portant, en particulier, sur la politique fiscale et les aides d'État, « en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires ».

Le régime dérogatoire est encadré par une décision du Conseil du 9 octobre 2007, complétée par une nouvelle décision du Conseil du 19 décembre 2011, et par une décision de la Commission européenne du 27 juin 2007, au titre des aides d'État.

Ces décisions prévoient, en particulier, que le différentiel maximum de droits d'accise entre le dispositif dérogatoire pour le rhum des DOM et celui applicable aux autres alcools ne peut être supérieur à 50 %.

Ce dispositif ne s'applique que dans la limite d'un certain contingent, fixé initialement à 90 000 hectolitres d'alcool pur (HAP), puis à 108 000 HAP en 2007 et à 120 000 HAP depuis 2011. Ce contingent est réparti entre les territoires puis entre les distilleries.

Le dispositif mis en place au niveau national porte sur les deux éléments de la fiscalité applicable aux alcools : d'une part le droit d'accise, prévu par l'article 403 du code général des impôts, et d'autre part la vignette de sécurité sociale (VSS), prévue aux articles L. 245-7 et suivants du code de la sécurité sociale.

Avant 2012, le droit d'accise était assis sur le volume d'alcool pur : il était inférieur de 655 euros par HAP pour les rhums des DOM. La vignette de sécurité sociale était pour sa part assise sur le volume de boisson et n'était pas différenciée selon le type d'alcool.

Le montant de l'aide s'élevait à 70,8 millions d'euros pour un volume de 108 000 HAP et à 78,6 millions en prenant en compte l'augmentation du contingent à 120 000 HAP.

La fiscalité applicable aux alcools a été modifiée de façon significative à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012.

Tout d'abord, le fonctionnement de la vignette de sécurité sociale a été revu. Son assiette a été modifiée et porte désormais sur la quantité d'alcool pur, comme le droit d'accise, et non plus sur le litre volume.

Mais un mécanisme de plafonnement a été mis en place, à 40 % du droit d'accise applicable à la boisson concernée, ce qui bénéficie au rhum des DOM.

D'autre part, les droits d'accise sur les alcools et celui spécifique au rhum des DOM ont été augmentés.

Au final, depuis 2012, le différentiel de fiscalité porte donc à la fois sur le droit d'accise et sur la vignette de sécurité sociale et s'élève donc à 929 euros par HAP.

Pour un contingent de 120 000 HAP par an, le montant de l'aide fiscale totale s'élève donc à 111,5 millions d'euros.

Or ce changement a des conséquences vis-à-vis des autorités communautaires.

Le montant de l'aide initialement notifié à la commission européenne s'élevait à 66,4 millions d'euros. La modification de la législation a donc conduit l'aide au-delà de la limite de 20 % fixée par la réglementation européenne. Une nouvelle notification était donc nécessaire, mais n'a pas eu lieu.

D'autre part, le plafonnement de la VSS à 40 % du taux d'accise pourrait être considéré comme une nouvelle aide d'État. Sans notification préalable, cette mesure pourrait donc être vue comme « illégale » depuis le 1er janvier 2012, au regard des règles européennes de la concurrence.

La notification a finalement été envoyée le 7 août 2012 à la Commission. Cependant, s'il s'avérait que l'aide était illégale, la Commission européenne pourrait demander à ce que les sommes accordées soient récupérées.

Enfin, la Commission remet en cause l'augmentation du montant de l'aide ainsi que les éléments avancés pour justifier cette augmentation.

Le 18 février dernier, le Gouvernement a transmis à la Commission européenne une proposition alternative.

Cette proposition prévoit tout d'abord le déplafonnement de la vignette de sécurité sociale, qui redeviendrait dès lors identique pour tous les alcools. D'autre part, elle propose la modification du taux d'accise de façon à ce que le différentiel soit porté au maximum autorisé par la décision du Conseil, c'est-à-dire 50 %. Enfin, serait mis en place un mécanisme spécifique pour les petites distilleries, qui seraient les plus touchées par la nouvelle vignette. Pour leur production, la vignette de sécurité sociale serait assise sur le litre volume, et non plus le litre d'alcool pur.

Ce dispositif aboutirait à un montant d'aide de 103 millions d'euros.

Cette proposition vise à résoudre la situation courant depuis le 1er janvier 2012. Une fois cette question résolue, les discussions pourront commencer pour le renouvellement du régime sur la période 2014-2020, étant entendu que « les autorités françaises présenteront la même mesure », comme l'a précisé la délégation générale à l'outre-mer.

La proposition du Gouvernement conduirait à une diminution du coût de ce dispositif, ramené de 111,5 millions d'euros à 103 millions.

De plus, il s'agit d'une dépense fiscale maîtrisée, puisqu'elle s'applique dans la limite d'un contingent, qui n'est d'ailleurs actuellement pas atteint.

D'autre part, il apparaît que ce dispositif est essentiel au maintien de la filière. Sur une bouteille de rhum d'un litre à 50°, l'aide représente 4,50 euros environ, sachant que les bouteilles sont commercialisées entre 15 et 17 euros environ.

Or, au-delà de 17 euros le litre, il n'y a plus d'acheteurs. La suppression de l'aide ferait donc en quelque sorte sortir du marché les rhums des DOM, comme l'ont précisé plusieurs interlocuteurs de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

Enfin, les auditions menées par la délégation ont également montré que la voix du Sénat pouvait s'avérer utile et était attendue.

Dès lors, au vu de la place fondamentale qu'occupe la filière canne sucre rhum dans l'économie de ces territoires et face à la concurrence à laquelle sont confrontés les rhums des DOM, nous vous proposons de soutenir la solution avancée par le Gouvernement et d'adopter sans modification la présente proposition de résolution européenne.

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