Intervention de Yves Daudigny

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Refondation de l'école de la république — Examen du rapport pour avis

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny, rapporteur pour avis :

en remplacement de Mme Claire-Lise Campion, rapporteur pour avis. - Claire-Lise Campion vous remercie, madame la présidente, d'avoir souhaité que nous nous saisissions pour avis du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République sur la question plus spécifique de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Notre commission s'est toujours beaucoup impliquée sur ce sujet majeur qui nécessite d'être approfondi à l'occasion de ce texte.

Ce rapport s'inscrit dans la continuité du travail effectué l'année dernière par notre collègue avec Isabelle Debré, dans le cadre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sur l'évaluation de la loi « Handicap » du 11 février 2005. Celle-ci reconnaît à tout enfant en situation de handicap le droit d'être scolarisé dans l'école de son quartier : la scolarisation en milieu ordinaire constitue désormais le droit commun. Elle peut être individuelle dans les classes ordinaires avec accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire (AVS), ou collective dans les classes adaptées. Le parcours de scolarisation repose sur une approche globale et pluridisciplinaire mise en oeuvre par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) à travers le projet personnalisé de scolarisation (PPS).

Sept ans après son entrée en vigueur, la loi a enclenché un réel mouvement d'ouverture de l'école de la République sur le monde du handicap. Le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a progressé d'un tiers depuis 2006, soit 55 000 enfants supplémentaires accueillis.

Toutefois, on estime encore à 20 000 le nombre d'enfants en situation de handicap sans solution de scolarisation. En outre, cette avancée quantitative ne s'est pas accompagnée d'une amélioration qualitative de même ampleur.

Ainsi, les situations vécues par les familles selon les départements sont très diverses : les temps hebdomadaires de scolarisation sont très aléatoires, les PPS sont de qualité hétérogène voire inexistants ; la difficulté à poursuivre la scolarité en milieu ordinaire dans le second degré et l'accès encore très limité à l'enseignement supérieur créent des ruptures dans les parcours de scolarisation ; l'accompagnement en milieu ordinaire échoue parfois : le recours croissant aux AVS, insuffisamment formés et recrutés sur des contrats précaires, ne répond pas de manière pertinente aux besoins ; les personnels enseignants et les personnels d'éducation sont insuffisamment formés à la prise en charge du handicap à l'école ; la coopération entre le médico-social et l'éducation nationale est faible ; le cloisonnement des filières est préjudiciable à la qualité de la prise en charge.

Ce bilan en demi-teinte a conduit Claire-Lise Campion et Isabelle Debré à formuler plusieurs recommandations, parmi lesquelles la réactivation du groupe de travail sur les AVS, le renforcement de la problématique du handicap dans la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale, la promotion de la coopération entre les sphères médico-sociale et éducative.

Sous l'impulsion de Marie-Arlette Carlotti, le Gouvernement, qui a pris la mesure de la situation, a lancé plusieurs chantiers correspondant aux priorités identifiées par le rapport sénatorial. Premier chantier : la mise en place d'un groupe de travail sur la professionnalisation du métier d'accompagnant, dont l'objectif est de définir une nouvelle profession qui englobe toutes les formes d'accompagnement, scolaire et périscolaire. Ses conclusions seront rendues publiques très prochainement. Dans l'attente de la création de ce nouveau métier, le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, a annoncé le recrutement de 1 500 AVS supplémentaires à la rentrée 2013.

Deuxième chantier : le dossier de l'accessibilité, auquel la mission confiée à Claire-Lise Campion l'automne 2012 a donné une nouvelle impulsion. Le rapport qu'elle a remis au Premier ministre le 1er mars dernier préconise de mettre en oeuvre de manière concertée un principe d'accessibilité raisonnée aux établissements recevant du public (ERP), c'est-à-dire d'ajuster la réglementation aux difficultés existantes.

Troisième chantier : le lancement d'un troisième plan autisme, dont la scolarisation constitue un axe fort. Sont notamment prévus le développement des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad), à hauteur de 550 places, et la mise en place à la rentrée 2014 de trente unités d'enseignement dédiées à l'autisme en école maternelle. La ministre, que nous auditionnerons la semaine prochaine, reviendra sans doute sur ces mesures.

Enfin, dernier chantier : l'intégration à la rentrée 2013, dans la formation initiale des enseignants, d'un module de sensibilité obligatoire à la question du handicap à l'école.

La version initiale du projet ne comporte pas, dans le corps même des articles, de disposition relative à la scolarisation des enfants en situation de handicap. En revanche, le rapport définissant la programmation des moyens et les orientations de la refondation de l'école de la République, annexé au projet de loi, la mentionne à plusieurs reprises. 60 000 emplois seront créés au cours de la législature pour répondre aux besoins du système éducatif, au rang desquels la scolarisation des élèves en situation de handicap ; des emplois d'AVS seront créés dans l'enseignement agricole ; la formation initiale et continue des enseignants prendra davantage en compte la problématique du handicap ; la participation des parents et du secteur associatif, particulièrement engagés dans le monde du handicap, est considérée comme un facteur de réussite du système scolaire. Surtout, le paragraphe que le rapport annexé consacre à la scolarisation des enfants en situation de handicap, met l'accent sur l'importance de l'accompagnement humain.

Face à l'augmentation continue des demandes et des prescriptions d'aides individuelles, il est préconisé de mettre en place une approche plus qualitative, c'est-à-dire d'améliorer la qualité de la prise en charge en formant les personnels accompagnants, en préparant mieux les enseignants aux besoins éducatifs particuliers de ces élèves, en finançant la diffusion de matériels pédagogiques adaptés .

En première lecture, l'Assemblée nationale a enrichi le rapport annexé de nouvelles références à la question du handicap. Elle a inséré l'amélioration de l'accès des élèves en situation de handicap à une scolarité ordinaire dans les objectifs fixés à l'école de la République. Elle a indiqué que les technologies numériques offrent de nouvelles possibilités d'apprentissage, notamment pour ces élèves. Elle a introduit la notion d'école inclusive, considérant que l'école de la République ne doit pas simplement accueillir les enfants en situation de handicap, mais aussi s'adapter à leurs spécificités et à leurs besoins. Enfin, elle a précisé que l'accompagnement des élèves en situation de handicap doit s'appuyer sur une meilleure coopération entre l'éducation nationale et le secteur médico-social.

Nos collègues députés ont ensuite introduit plusieurs dispositions de nature législative. A l'article 30, ils ont précisé que l'enseignement dispensé dans les écoles maternelles doit être adapté aux besoins des élèves en situation de handicap. Ces enfants doivent en effet être scolarisés en milieu ordinaire le plus tôt possible, non seulement pour qu'ils démarrent leur parcours scolaire dans de bonnes conditions, mais aussi pour sensibiliser les autres enfants à l'acceptation de la différence. A l'initiative du Gouvernement, ils ont introduit un article 3 bis pour ériger l'inclusion scolaire de tous les élèves, notamment des élèves en situation de handicap, au rang des missions du service public de l'éducation. Cette disposition donne force de loi à l'inclusion scolaire, à l'idée selon laquelle l'école de la République doit s'adapter aux besoins des enfants en situation de handicap et non l'inverse, comme dans l'approche intégrative.

Les députés ont également inséré un article 4 ter relatif à l'orientation des élèves en situation de handicap, qui a déclenché à juste titre la colère du monde associatif. Actuellement, l'équipe pédagogique peut, avec l'accord des parents, proposer à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) toute révision de l'orientation d'un enfant qu'elle jugerait utile. Remplacer l'accord des parents par une simple consultation reviendrait à les priver de la possibilité de décider du mode de scolarisation de leur enfant. Or l'accord des parents est fondamental, car il agit comme un garde-fou pour éviter que la demande de révision ne se traduise, comme c'est parfois le cas, par la fin de la scolarisation de l'enfant en milieu ordinaire. Cet article irait à l'encontre de l'objectif d'inclusion scolaire et de la volonté de construire un véritable partenariat avec les parents. Pour ces raisons, à l'initiative de sa rapporteure, Françoise Cartron, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a supprimé cet article, décision que Claire-Lise Campion approuve pleinement.

Enfin, à l'article 10, qui crée un service public du numérique éducatif, l'Assemblée nationale a précisé que la diffusion des technologies numériques dans les établissements scolaires s'adresse notamment aux élèves en situation de handicap, pour lesquels elle représente une véritable plus-value. Par exemple, certains instituts médico-éducatifs (IME) utilisent des tablettes tactiles comme outil facilitateur de communication pour des jeunes autistes ayant un déficit de langage.

Les dispositions relatives à la scolarisation des enfants en situation de handicap ne doivent pas être simplement traitées dans le rapport annexé au projet de loi, qui n'a pas de portée normative. Pour avancer sur la voie de l'inclusion scolaire, il faut que ses modalités soient inscrites dans la loi.

C'est pourquoi, dans la continuité du travail effectué par les députés, notre collègue propose neuf amendements portant sur plusieurs articles du texte. Le premier relance le chantier de la coopération entre l'éducation nationale et le secteur médico-social, actuellement au point mort, en inscrivant son principe dans la loi.

Les deuxième et troisième amendements rappellent que les départements et les régions, respectivement chargés de la construction, de l'équipement et du fonctionnement des collèges et des lycées, en assurent aussi l'accessibilité.

Les quatrième et cinquième amendements donnent au Conseil supérieur des programmes le pouvoir de proposer des adaptations et des aménagements, d'une part, des épreuves des examens du second degré pour les élèves en situation de handicap, d'autre part, des épreuves des concours de recrutement des enseignants des premier et second degrés pour les candidats en situation de handicap.

Le sixième amendement charge le nouveau Conseil national d'évaluation du système éducatif d'évaluer, dans son rapport annuel, les politiques publiques mises en oeuvre pour scolariser les élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.

Le septième amendement prévoit que la formation des élèves à l'utilisation des outils numériques soit aussi dispensée au sein des unités d'enseignement des établissements médico-sociaux et de santé.

Enfin, les huitième et neuvième amendements visent à ce que les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l'éducation utilisent des méthodes pédagogiques adaptées aux besoins des élèves en situation de handicap, et organisent des formations de sensibilisation à l'inclusion scolaire de ces enfants.

Ce projet de loi est l'occasion d'améliorer les conditions de scolarisation des enfants en situation de handicap et de faire de l'école de la République une école réellement inclusive.

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