Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à débattre aujourd’hui en deuxième lecture d’une proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune.
Nous l’avons observé au fil des discussions qui ont eu lieu dans cet hémicycle en première lecture, pour les uns, les sections de commune sont un objet totalement inconnu. Pour les autres, au contraire, elles sont une réalité positive ou négative et, de fait, elles font parfois l’objet de débats passionnels.
Mme la ministre l’a rappelé, en octobre dernier le Sénat a fait sienne la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard et des membres du groupe du RDSE visant à moderniser et à faire évoluer le régime des sections de commune.
La France compte aujourd’hui un peu moins de 27 000 sections de commune, dont 200 seulement sont dotées d’un comité syndical. Rappeler ces chiffres, c’est poser l’enjeu de ce texte. En effet, comme M. le rapporteur l’a souligné, il n’est nullement question de supprimer les sections de commune qui vivent. D’ailleurs, si tel était le cas, nous nous y opposerions.
Certes, via cette proposition de loi, nous avons beaucoup évoqué les sections de commune qui n’ont pas d’existence, celles qui posent soucis ou questions non seulement aux élus locaux mais aussi parfois aux foyers qui habitent en leur sein. Ces sections ne fonctionnent pas pour diverses raisons que je n’énumérerai pas ici. Chacune et chacun d’entre nous a des cas très précis en tête : je ne les évoquerai pas par respect.
À l’opposé, là où les comités syndicaux vivent, là où tous les foyers sont pleinement associés aux décisions du comité syndical et sont tous bénéficiaires, il n’y a aucune raison de supprimer ces structures. D’ailleurs, je le répète, tel n’est pas l’objet de la proposition de loi. En effet, lorsque les sections de commune fonctionnent, le territoire est entretenu. De plus, ces structures permettent le maintien dans les territoires ruraux – montagneux dans la plupart des cas – de femmes et d’hommes indispensables à la survie et au développement de ces espaces.
Les sections de commune constituent un exemple original et presque unique de propriété collective dont chacun est bénéficiaire. Elles doivent perdurer tant qu’elles fonctionnent et n’entravent pas le principe d’intérêt général. Cependant, ces sections-là ne sont pas les plus nombreuses. Il convenait donc d’adopter un texte relatif à l’ensemble des cas problématiques, quitte à concentrer le débat sur les sections qui ne fonctionnent pas en laissant les autres de côté.
Je crois qu’il est important de rappeler les limites de la proposition de loi, tout en soulignant son importance pour les zones qu’elle concerne.
Certains des biens situés sur les sections de commune ont été progressivement dévoyés. Avec le temps, en effet, de nombreux ayants droit ont modifié leur vocation initiale, vous y êtes revenue, madame la ministre. Beaucoup de ces biens ont ainsi quitté le patrimoine collectif pour intégrer des patrimoines privés, dont les ayants droit peuvent se partager les revenus.
Une partie de ces biens, sans doute la plus grande, a par ailleurs été laissée à l’abandon. Leur vocation première, à savoir contribuer à l’entretien des paysages et au maintien des populations agricoles, a été perdue. Dans les faits, les espaces agricoles et forestiers ne sont plus entretenus et ne permettent plus de maintenir la population sur place. Ils deviennent parfois un enjeu de pouvoir à l’origine de conflits entre foyers ou entre un ou plusieurs foyers et la commune sur laquelle ils sont situés. Ils finissent donc par constituer un handicap pour les maires désireux de maîtriser pleinement leur territoire communal et son aménagement.
Concernant ce dernier point, j’avais regretté en première lecture que, contrairement à la proposition de loi initiale, le texte de la commission ne contienne plus la disposition faisant de l’inventaire, la connaissance de l’état des lieux un service rendu au maire par le représentant de l’État dans le département. Je déplore que celle-ci n’ait pu être réintroduite à l’Assemblée nationale.
Les arguments présentés ici en première lecture et que j’ai lus dans les comptes rendus des débats de l’Assemblée nationale ne peuvent nous satisfaire en tant que législateurs. Ils font valoir que les préfectures seraient dans l’incapacité de répondre à la demande, ce que je peux entendre, car un tel travail provoquerait leur engorgement. Et pour cause, pourrions-nous dire ! Les nombreuses années de RGPP, de réduction drastique des moyens, notamment en termes de présence humaine, se traduisent de façon plus dure encore dans les préfectures et les sous-préfectures, à commencer par celles de nos départements de montagne et, plus largement, des départements faiblement peuplés. Par l’effet du nombre, la force de travail des fonctionnaires de l’État dans ces départements se trouve fortement réduite.
J’en conçois plus qu’un regret, et je tiens à le souligner durant cette deuxième lecture. En effet, dans les discussions avec les élus locaux concernés, maires et membres de conseils municipaux, cette question est la première à émerger dans les communes rencontrant des difficultés avec des sections qui ne fonctionnent pas. Une fois encore, soit le dispositif ne présente pas ou peu de difficultés, soit il ne fonctionne pas et le maire a alors besoin d’aide pour appréhender la question et maîtriser son territoire communal. Une fois de plus, les élus retrousseront leurs manches et réaliseront ce travail d’appréhension de leur territoire !
Même si cette branche, importante à nos yeux, a été coupée, nous voterons ce texte. Il doit offrir la simplification qu’attendent nombre d’élus locaux confrontés à des territoires ayant une ou plusieurs sections.
Je souhaite enfin rappeler, afin de répondre à diverses craintes dont j’ai eu connaissance, que le conseil municipal ne pourra pas décider du transfert d’une partie ou de toute la section au territoire communal. C’est le préfet qui prendra, à la demande du conseil municipal, la décision de satisfaire ou non l’intérêt général.
Il me semble important de le souligner en ce moment : les élus locaux sont responsables, mais ne peuvent pas tout. La présence de l’État, seule à même d’assurer l’équité dans l’ensemble de nos territoires, demeure indispensable afin de garantir le droit.