Vous comprendrez que je ne peux résister au plaisir de rappeler que c’est ce lien de proximité avec le terrain qui a permis de faire émerger une proposition de loi, certes peu médiatique – ce n’est pas le genre de texte qui intéresse Le Monde, Libération ou Mediapart –, mais qui facilitera la vie de nos collectivités et donc celle de nos concitoyens.
En déposant cette proposition de loi, le groupe que j’ai l’honneur de présider avait pour objectif non seulement d’appeler l’attention du législateur sur les difficultés que rencontrent plus de 3 000 communes dans plus de trente départements – essentiellement ruraux, il faut bien le dire – dans leurs relations avec les sections de commune ou dans la gestion des biens sectionaux situés sur leur territoire, mais également de moderniser le fonctionnement des sections de commune en facilitant la tâche des maires, qui, très souvent, pendant leur mandat, rencontrent des difficultés considérables en matière de gestion des biens sectionnaires. D’ailleurs, à la fin de leur mandat, certains d’entre eux crient « halte au feu ! » Ils n’en peuvent plus et ne veulent pas se représenter tellement la tâche peut être ardue dans certains cas.
Après le vote unanime du Sénat en première lecture et le vote de l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité – je remercie notre collègue Cécile Cukierman d’avoir indiqué que le groupe CRC a une position différente de celle du groupe communiste à l’Assemblée nationale –, notre objectif a été, en grande partie, atteint dans la mesure où le législateur a beaucoup travaillé, et bien travaillé, pour apporter des réponses satisfaisantes et juridiquement opératoires au service des élus locaux.
À cet égard, je tiens à saluer l’investissement de Mme la ministre, à l’origine cosignataire de cette proposition de loi. Son obstination constructive nous a facilité la tâche : le laps de temps qui s’est écoulé entre la première lecture et la deuxième a été relativement court. Je remercie les deux rapporteurs, Pierre-Yves Collombat, qui est devenu un spécialiste incontestable de la question, même si le département du Var a peu de biens de section, et Pierre Morel-A-L’Huissier, qui a œuvré, je tiens à le souligner à l’intention de nos collègues de l’UMP, avec un souci de l’intérêt général tout à fait évident. Tous deux ont travaillé de concert pour aboutir à un texte équilibré et, à notre sens, tout à fait pertinent.
Je tiens également à remercier mes collègues et amis cantaliens, Pierre Jarlier, sénateur, qui a beaucoup contribué à améliorer le texte par ses amendements, et Alain Calmette, député, qui a œuvré efficacement pour que ce texte soit rapidement examiné par l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’historique des sections, sauf pour souligner que cet héritage du droit féodal – il faut dire les choses telles qu’elles sont – n’a pu subsister dans notre droit moderne dans toute sa diversité qu’au prix d’un régime juridique complexe, morcelé et ambigu, qui se caractérise par une stratification des normes le plus souvent illisible pour ceux qui en sont les destinataires.
À rebours de leur finalité initiale, qui visait à donner des moyens de subsistance aux habitants des feux grâce au partage des fruits des biens mis en commun, de nombreuses sections se sont ainsi transformées avec l’usage en quasi-propriétés privées, où l’accaparement de biens publics et l’opposition d’intérêts particuliers furent souvent érigés en règle de vie contra legem.
À côté de ces dérives, la grande majorité des sections est aujourd’hui tombée en déshérence, ce qui ne simplifie pas pour autant la vie des communes chargées de gérer les biens subsistants. Il était donc évident qu’il fallait que le législateur intervienne de nouveau, après les tentatives infructueuses de rationalisation et de simplification opérées en 2004 et en 2005. La procédure de transfert, introduite en 2004, n’est ainsi aujourd’hui que peu utilisée.
Comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, la décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 a changé la donne de manière décisive. C’est en partant du raisonnement du juge constitutionnel que nous avons souhaité, d’une part, faciliter le transfert aux communes des biens des sections tombées en déshérence et, d’autre part, mettre à la disposition des communes une nouvelle procédure de transfert à titre gratuit, sous réserve naturellement de l’indemnisation des droits de jouissance existant. Je ne dis pas que nous sommes arrivés à un texte parfait : quelques difficultés subsistent, que notre collègue Alain Richard a signalées, mais elles pourront être résolues ultérieurement.
À l’issue de la navette, la version initiale de notre proposition de loi a été largement complétée. Nous aboutissons à une réforme d’ensemble du régime des sections de commune, qui peut être résumée en deux mots : simplification et rationalisation.
La ligne directrice de cette modernisation indispensable a consisté à faciliter la gestion des sections pour parvenir à un fonctionnement apaisé des sections dynamiques et à un transfert sans heurt des biens des sections tombées en désuétude.
Je tiens à insister une nouvelle fois sur ceci : contrairement à ce que d’aucuns ont pu prétendre, il n’a pas été question de spolier les ayants droit des sections. Bien au contraire, les sections qui fonctionnent trouvent toute leur utilité dans la gestion et la mise en valeur de nos territoires ; elles doivent disposer des outils pour prospérer en bonne intelligence avec les communes.
De la même façon, il ne s’agit nullement de détourner les terres agricoles de leur affectation. Les exploitants agricoles doivent pouvoir continuer à travailler dans des conditions satisfaisantes. Cette proposition de loi le leur permettra sans difficulté, en particulier grâce aux dispositions tout à fait heureuses qui ont été introduites sur l’initiative de Pierre Jarlier.
Ainsi, cette proposition de loi prévoit de nombreuses simplifications, fruits du travail complémentaire de nos deux assemblées : consolidation du caractère public de la personnalité morale des sections, clarification de la définition des membres des sections, rationalisation de la répartition des compétences entre la commune et la commission syndicale, sans oublier la simplification des règles budgétaires, dont certains d’entre nous savent particulièrement bien avec quelle insistance elle était demandée par nos collectivités.
Elle prévoit également des avancées importantes, que les élus locaux sauront mettre à profit pour approfondir leurs politiques de développement des territoires. Je pense en particulier à l’introduction d’une procédure de sortie du régime d’indivision à la demande d’un indivisaire ; celle-ci permettra de résoudre les problèmes, parfois inextricables, qui surgissent lorsqu’une section comporte des biens sur le territoire de plusieurs communes. Je pense aussi au renforcement de la règle d’interdiction du partage des biens entre les membres de la section ou à l’affectation du produit de la vente de biens sectionaux.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est un fait que les sections de commune sont peu connues de nos compatriotes. Reste que, là où elles existent, elles ne doivent pas affecter la vie municipale au point de devenir un sujet de litige permanent, comme c’est le cas aujourd’hui dans de nombreuses communes. La diminution progressive du nombre des sections simplifiera la vie quotidienne de milliers de maires, qui pourront pleinement se consacrer aux autres projets intéressant la vie de leur commune.
Nous ne doutons pas que, dans quelques instants, le Sénat entérinera définitivement cette grande avancée pour nos collectivités. Nous espérons qu’il manifestera la même unanimité qu’en première lecture !