Je ne tiendrai pas devant vous le discours traditionnel sur la ruralité ou l’hyper-ruralité, cette pépite de la République française riche de ses forces vives et de ses nombreux projets. Je ne vous dirai pas que le fait urbain est une tendance irréversible, inéluctable, qui écrabouille un peu les ruraux que nous sommes. Je me référerai plutôt à mon expérience passée de conseiller régional pour tenter de vous démontrer que la loi actuellement en vigueur rend impossible, dans certains départements, le plein exercice par les élus régionaux de leurs responsabilités.
En vertu du mode de scrutin en vigueur, les conseillers régionaux sont élus dans le cadre de sections départementales affiliées à une liste régionale, qui servent à la répartition des sièges au prorata des voix obtenues. Si ce dispositif n'avait affecté que la Lozère, j'aurais répugné à vous soumettre la présente proposition de loi. Or il touche également le Cantal, cher à Jacques Mézard, la Creuse, dont est élue notre collègue Renée Nicoux, les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence, autant de départements qui sont faiblement représentés dans leurs assemblées régionales respectives.
Pourquoi dis-je qu’il est impossible pour certains conseillers régionaux d’exercer pleinement leur mandat ? Prenons l’exemple de la Lozère, le plus significatif. Le conseil régional du Languedoc-Roussillon compte 67 élus. La section départementale de vote de Lozère, elle, y compte un élu – soit 1, 49 % du total des élus –, alors que ce département représente 20 % du territoire régional.
De fait, cet élu revêt une importance particulière puisqu'il est le seul représentant de son territoire et de sa population. La loi l’oblige à siéger dans tout un tas d'instances : dans les conseils d’administration des lycées – c'est très important –, dans des organismes compétents en matière d'emploi, notamment les missions locales pour l’emploi, dans les centres de formation d’apprentis, dans les instituts de formation en soins infirmiers, avec les élus de montagne, dans le comité régional du tourisme, dans les comités de massif, dans différents services publics, dont La Poste, à la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, dans les pays, dans les offices publics d’HLM, dans les schémas de cohérence territoriale, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, etc. En tout, j’ai compté 57 organismes ou instances dans lesquels le conseiller régional élu de la section départementale de vote de Lozère doit obligatoirement siéger. Puisqu’il est seul, il faut bien qu’il y aille ! Mais c’est une mission impossible à remplir.
Une région fonctionne avec une assemblée délibérante, une commission permanente et des commissions. La région Languedoc-Roussillon, autrefois présidée par l'excellent Georges Frêche et qui l’est aujourd'hui par le non moins excellent Christian Bourquin, ne fait pas exception :
Commission n° 1 : Éducation-Lycée. Il est indispensable d’y être !
Commission n° 2 : Culture-Patrimoine-Cultures occitane et catalane. C’est indispensable !
Commission n° 3 : Relations internationales-Europe-Francophonie. C’est important !
Commission n° 4 : Transport-Intermodalité-Ports de commerce-Aéroports.
Commission n° 5 : Développement économique-Développement des entreprises-Parcs régionaux d’activités économiques. Il faut y être !
Commission n° 6 : Formation professionnelle et apprentissage. Il faut y être !
Commission n° 7 : Intergénération-Santé-Jeunesse-Handicap et lutte contre les discriminations-Plan « senior »-Vie associative. Il est indispensable d’y être !
Commission n° 8 : Agriculture-Viticulture-Pêche. Il faut y être, et c’est d’ailleurs dans cette commission que je siégeais !
Commission n° 9 : Aménagement du territoire. Indispensable !
Commission n° 10 : Ruralité-Montagne-Élevage. Il faut y être !
Commission n° 11 : Tourisme. Très important dans le milieu rural, monsieur Mézard, il faut y être !
Commission n° 12 : Finances. Le nerf de la guerre : il faut y être !
Commission n° 13 : Sports. Il faut y être ! Même si les sports, monsieur le ministre, donnent parfois lieu à des comportements bien idiots dans notre République.
Commission n° 14 : Développement durable-Agenda 21-Énergie-Parcs naturels régionaux. Il faut y être !
Commission n° 15 : Eau et prévention des risques-Aqua Domitia. Chers amis écologistes, chère madame Lipietz, il faut y être !
Commission n° 16 : Habitat-Logement social. Il faut y être, et Mme Duflot m’obligerait à y siéger !