Intervention de Manuel Valls

Réunion du 15 mai 2013 à 14h30
Représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Manuel Valls, ministre :

Cependant, si je n’oserais dire que cette proposition de loi est un texte de circonstance, je considère qu’elle marque l’attachement que vous portez aux départements. D'ailleurs, vous connaissant, je ne doute pas de votre capacité à faire entendre la voix de la Lozère au sein de la région Languedoc-Roussillon…

Dans l’exposé des motifs du texte est évoqué, à juste titre, le principe d’égalité du suffrage. Toutefois, c’est justement sur ce fondement que le texte risquerait d’être censuré par le Conseil constitutionnel ! En effet, le mode de scrutin issu des travaux de votre commission des lois ne me semble pas permettre de garantir l’égalité des suffrages. S’il était appliqué, au moins un département se trouverait surreprésenté au regard de la jurisprudence constitutionnelle, et ce dès les élections régionales de 2015.

Ainsi, sur la base des chiffres de la population de 2010, la Lozère bénéficierait de trois conseillers régionaux, donc d’un conseiller régional pour 25 694 habitants, alors qu’un conseiller de la région Languedoc-Roussillon représenterait, en moyenne, 38 208 habitants. La Lozère présenterait donc un écart de représentation démographique de 33 % par rapport à la moyenne régionale, ce qui ne correspond pas aux critères posés par la jurisprudence constitutionnelle.

Ce risque a d’ailleurs été bien perçu par le rapporteur. Selon lui, la fixation d’un nombre minimal de trois conseillers régionaux par département « pourrait conduire à une représentation excessive de certains départements par rapport à leur poids démographique, ce qui serait contraire à la jurisprudence, constante et ancienne, du Conseil constitutionnel, qui a toujours rappelé que la répartition des sièges devait reposer sur des bases essentiellement démographiques ».

Vous estimez que ce nombre de trois pourrait être accepté par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où une telle exception au critère démographique serait motivée par un impératif d’intérêt général. Pour ma part, je considère qu’un risque demeure, d’autant que le Conseil constitutionnel a déjà, dans des circonstances certes différentes, censuré la fixation d’un tel seuil.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’histoire de notre démocratie locale, c’est aussi celle d’une autonomisation et d’une émancipation de chaque niveau de collectivité, par rapport à l’État, bien sûr – tel est le sens des grandes lois républicaines sur les collectivités, jusqu’aux lois de décentralisation –, mais aussi les uns par rapport aux autres.

Chaque espace a son rôle, sa pertinence. Avec l’abrogation du conseiller territorial et l’adoption du mode de scrutin binominal dans les départements, nous avons voulu donner un nouveau souffle à la démocratie départementale et, ainsi, réaffirmer pleinement la place du département. Ce souci de clarté, de répartition des rôles et des compétences, nous devons également l’avoir pour les régions ; je sais que vous en discutez aussi sur un certain nombre d’autres sujets.

Le Gouvernement connaît et partage l’attachement de votre assemblée aux territoires, les régions autant que les départements. Il connaît également votre souhait d’asseoir la démocratie locale dans les territoires et d’en assurer partout la vitalité.

Pour ces raisons, au-delà des quelques précautions que j’ai prises, et faisant confiance à la qualité de vos travaux, le Gouvernement s’en remet, sur ce texte, à la sagesse du Sénat.

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