Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 15 mai 2013 à 14h30
Représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, le mode de scrutin régional a mis du temps à se stabiliser : pas moins de trois modes de scrutin, dont un mort-né, en cinq élections ! Outre la représentation de la diversité des opinions, il s’agissait de faciliter l’émergence de majorités de gestion, ainsi qu’un sentiment d’appartenance régionale, condition de possibilité d’un projet de développement ne se résumant pas à la somme des projets départementaux.

Le système adopté en 2003 semble avoir donné satisfaction, puisque si la nouvelle majorité a innové – ô combien ! – en matière d’élections départementales et modifié substantiellement le scrutin municipal, elle s’est bien gardée de toucher au mode d’élection des conseillers régionaux. Celui-ci a donné satisfaction en termes de résultats électoraux, certainement. Toutefois, ce fut au prix d’une grande complexité et en continuant à ignorer que ce mode de scrutin peine à assurer la représentation des territoires ruraux dans les départements où la répartition de la population est très hétérogène, à garantir une représentation minimale des départements ruraux au sein des régions où l’écart démographique entre départements est très grand.

Je développerai ces différents points.

Tout d'abord, le système est complexe. Il n’est pas immédiatement compréhensible, en effet, que le nombre de conseillers régionaux élus dans un département soit différent du nombre de sièges potentiel dont celui pourrait disposer, et qui varie d'ailleurs d’une élection à l’autre.

Il est encore plus surprenant que ce mode de scrutin permette l’élection du personnel politique d’un département dans un autre. Je citerai l’exemple de mon département, le Var.

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, deux Varois sont élus, l’un au titre des Bouches-du-Rhône, l’autre des Alpes-Maritimes, et, en contrepartie, une conseillère des Alpes-de-Haute-Provence est élue au titre du Var. Il ne s’agit pas de conseillers flottants, pour reprendre l’expression qui a été citée, mais au minimum de conseillers itinérants ! Je vous avoue que l’électeur a un peu de mal à s’y retrouver…

Vous le savez, mes chers collègues, un tel « mercato » est seulement à la portée d’appareils partisans bien rodés, ce qui peut expliquer, au moins en partie, l’attachement à ce mode de scrutin qui interdit, de fait, les candidatures et les listes indépendantes.

Il est difficile d’assurer la représentation des territoires ruraux dans les départements où la population est répartie de manière très hétérogène.

Pour reprendre l’exemple de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les résultats des élections de 2010 montrent une sous-représentation au conseil régional des zones non densément urbanisées dans le Var et les Alpes-Maritimes. Ce n’est pas le cas dans les Bouches-du-Rhône, ni dans le Vaucluse.

Dans le Var, sur treize élus de gauche, neuf sont issus de la communauté d’agglomération toulonnaise, trois du reste du Var littoral, dont deux de la communauté d’agglomération Fréjus-Saint-Raphaël. Un seul sur treize est issu du Var intérieur, et encore est-ce d’une ville, Brignoles.

Même tableau à droite, dont un seul élu sur huit représente le Var intérieur, le président de la communauté d’agglomération dracénoise, qui compte 100 000 habitants. C’est un résultat qui ne s’explique ni par un déficit de population ni par un manque de supporters, je suis prêt à en faire la démonstration, qu’il s’agisse de la gauche et encore plus de la droite !

Il est difficile d’assurer une représentation minimale des départements ruraux dans les régions où l’écart entre le département le plus peuplé et le moins peuplé est fort, ce qui est spécifiquement l’objet de la proposition de loi de notre collègue Alain Bertrand.

Dans ces régions, telles que le Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur, faute d’un nombre minimal de sièges attribué aux départements, l’application de la proportionnelle à une population en évolution pourrait aboutir à ce que certains n’aient plus du tout de représentants au conseil régional.

À cela s’ajoute, Alain Richard l’a rappelé tout à l’heure, le mode de répartition des sièges entre sections départementales. Je n’y reviens pas.

Constatons que les trois conseillers régionaux de la Lozère d’avant la réforme de 2003 n’étaient plus que deux en 2004 et un seul en 2010, tandis que les Alpes-de-Haute-Provence, qui disposaient de cinq représentants avant la réforme de 2003, doivent se contenter de quatre représentants aujourd’hui.

Le risque, c’est que l’évolution démographique ne diminue encore la représentation de ces petits départements, voire ne la réduise à néant, ce qui serait paradoxal à l’heure où la région est censée jouer un rôle plus stratégique dans le développement des territoires.

Constatons enfin, autre paradoxe, que feu la réforme de décembre 2010, avec ses quinze conseillers territoriaux minimum par département, même au sein de conseils régionaux généralement plus nombreux, était autrement plus favorable aux départements ruraux.

À ce propos, cela a été souligné mais je ne me lasse pas d’insister, le Conseil constitutionnel avait validé la disposition, ce qui tendrait à prouver que des accommodements avec le principe de la « représentation essentiellement proportionnelle », éteignoir commode de toute discussion de la parole officielle, sont possibles. Je rappelle tout de même que le Conseil constitutionnel a validé un rapport démographique de 1 à 3, 7 pour les départements de la région Languedoc-Roussillon. Ce n’est pas 20 %, 30 % ni 33 % !

La proposition d’Alain Bertrand entend être une réponse à ces difficultés aussi souvent occultées que bien réelles. Le problème, cela a été dit, c’est qu’elle crée d’autres difficultés. Notamment, en départementalisant l’élection, elle fait disparaître le caractère régional de celle-ci. C’était le principal défaut de la réforme de décembre 2010, qui transformait le conseil régional en réunion de conseils généraux.

Personnellement, j’aurais préféré que la suppression du conseiller territorial ait été suivie d’un réexamen du mode de scrutin non seulement départemental, mais aussi régional, car il y a des raisons de revenir sur ce dernier. Je l’avais dit alors, avec le succès que l’on sait.

La tâche est donc toujours devant nous, mais il n’y a aucune chance qu’elle soit traitée aujourd’hui, d’autant que l’on approche des élections.

C’est pourquoi la proposition réaliste de notre rapporteur et de la commission des lois mérite à mon sens d’être soutenue. Elle ne règle, certes, qu’un aspect d’un seul problème – garantir une représentation minimale des départements dans les conseils régionaux –, mais sa parfaite compatibilité avec la logique du système existant la rend facilement applicable. Elle apporte une amélioration qui est tout à fait intéressante. Je crois que, en la votant, nous ferons tous acte utile.

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