Le retour des farines carnées évoque donc des pratiques que l’on aurait voulu pouvoir oublier.
Il y a, enfin, une raison culturelle. Ce retour des farines animales a été globalement accepté, voire encouragé par la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, à l’exception de la France. Comment expliquer ces réticences françaises dans un contexte d’accord presque général ?
Les familiers de l’Union européenne peuvent l’expliquer par des raisons culturelles. Quand, au nord de l’Europe, on parle de « nourriture », en France, on parle d’« alimentation ». La nourriture évoque un ingrédient et une nécessité biologique. L’alimentation, une façon de faire et un moment de sociabilité.
Or parler de la nourriture des poissons, c’est parler de l’alimentation des hommes. En France, plus qu’ailleurs, c’est un sujet sensible, une question qui touche à la culture, et pas seulement à la santé publique.
Ce n’est ni la première ni sans doute la dernière fois que le Sénat intervient. Notre assemblée a été à l’origine de la fronde sur un projet de réglementation européenne concernant les profils nutritionnels. La Commission avait alors dû reculer. Elle vient de faire connaître son intention de reprendre ce dossier, et nous serons à nouveau vigilants comme nous le sommes aujourd’hui.
Au reste, le débat de ce soir est une nouvelle illustration de cet ancrage culturel.
J’en viens à la proposition de résolution, modifiée par notre collègue Jean-Jacques Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques.
Il me faut d’abord saluer son travail, tant sur la forme que sur le fond. En tant que rapporteur de la commission des affaires européennes d’un texte que j’avais cosigné, je m’étais efforcée de donner un éclairage juridique et politique à cette proposition de résolution. Notre collègue a complété cet éclairage, et les nombreuses auditions qu’il a conduites l’ont amené à faire évoluer le texte.
Je suis, je dois le dire, quelque peu embarrassée par cette évolution puisqu’elle inclut à la fois une adhésion à notre proposition telle qu’elle a été adoptée par la commission des affaires européennes, et une certaine distance, notre collègue proposant les modifications dont il vient de faire état.
La plus importante concerne la question d’un moratoire sur la décision de la Commission européenne. La proposition initiale présentée par notre groupe, comme la proposition adoptée par la commission des affaires européennes à l’unanimité, retenait cette idée de moratoire, tandis que notre collègue Jean-Jacques Lasserre et la commission des affaires économiques ont préféré y renoncer.
Je n’ignore pas que cette demande de moratoire est, au regard des exigences posées par le droit européen, une source potentielle de contentieux.