Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 15 mai 2013 à 14h30
Droit du consommateur à la parfaite connaissance de son alimentation — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

Stéphane Le Foll, ministre :

De manière plus globale, la vigilance que vous demandez porte sur toutes les possibilités d’extension de l’utilisation de ces protéines. Les évaluations qui seront conduites sur le poisson seront de nature à nourrir le débat qui pourrait s’engager à l’échelle européenne.

La France sera alors là pour rappeler les règles de sécurité et de sûreté et, surtout, les risques de confusion ou de « fongibilité » sur un certain nombre de produits et sur les espèces. À cet égard, j’ai pris bonne note, madame le rapporteur pour avis, de ce que vous avez dit. Cette question exige une vigilance toute particulière, et la France sera là pour faire valoir cette position.

Compte tenu de ce qui s’est passé avec les farines animales, même s’il ne s’agit pas tout à fait de la même chose, il importe d’être extrêmement vigilant et scrupuleux quant à l’application de la décision qui a été prise, notamment sur le poisson.

Comme cela a été rappelé, le Président de la République avait pris une position en la matière. La filière aquacole française s’est engagée, comme la filière bovine d’ailleurs, à ne pas recourir à ces protéines. Comme il s’agit de poissons carnivores, qui ont donc besoin de protéines, le ministre chargé de la pêche a lui-même pris l’engagement de travailler sur le développement de protéines à base de poisson destinées à l’alimentation de poissons.

Telle est la ligne directrice qui est la nôtre, sachant que l’aquaculture française est aujourd'hui en voie de développement : la part de la consommation de poissons issue de cette production est actuellement de 15 %. Nous devons suivre cette stratégie pour développer une aquaculture de qualité, qui ne recourra pas aux protéines animales transformées.

Cette proposition de résolution européenne a donc un objectif d’alerte et de vigilance, que je partage. Sur tous ces sujets, il importe de réunir toutes les conditions de sécurité et toute la vigilance nécessaire.

Vous avez ensuite évoqué la question de l’étiquetage, notamment les conséquences à tirer de l’affaire de la viande de cheval retrouvée en lieu et place du bœuf dans des produits transformés.

Aujourd'hui, la réglementation européenne ne permet pas de fournir, pour les produits transformés, l’origine des produits. C’est ainsi que, faute de traçabilité, on a retrouvé, dans les lasagnes incriminées, du cheval à la place du bœuf.

Dès que ce scandale a éclaté, la France a été très claire et très ferme tant à Bercy, par la voix de Benoît Hamon, qu’au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, par celle de Guillaume Garot : il fallait retirer les produits incriminés, trouver les sources de la fraude en remontant l’ensemble de la filière, sanctionner et remettre la filière en ordre de marche. En effet, les entreprises concernées sont aujourd'hui, il faut le savoir, dans de grandes difficultés économiques.

Toutefois, il convenait avant tout de protéger le consommateur. Et il est inacceptable de faire croire à un consommateur qu’il achète des lasagnes à base de bœuf quand il s’agit en fait de cheval !

Nous avons saisi l’Europe sur cette question, car la fraude constatée dans les entreprises françaises provenait d’une fraude menée à l’échelle européenne, dans laquelle deux traders des Pays-Bas étaient notamment en cause.

Aussi avons-nous sollicité une réunion de crise exceptionnelle, qui s’est tenue le 13 février dernier, au cours de laquelle nous avons demandé à la Commission européenne d’accélérer, d’une part, les processus de contrôle en mobilisant Europol pour ce qui concerne les questions de police et de coordination des contrôles à la fois sanitaires et économiques et, d’autre part, la présentation du rapport qu’elle devait élaborer sur l’étiquetage des produits agroalimentaires transformés.

Le commissaire européen Tonio Borg a pris cet engagement, à la demande de la France. Lorsque je l’ai rencontré, il y a un mois, avec Delphine Batho, il a confirmé le fait que la Commission européenne présenterait son rapport en septembre prochain, accélérant ainsi le calendrier prévu : le rapport était censé être remis à la fin de l’année, ce que, dans les circonstances en question, nous ne pouvions accepter.

De plus, dans une lettre qu’il nous a adressée le 20 mars dernier, il a fixé des orientations qui correspondent aux demandes de la France, ainsi que d’autres pays d’ailleurs, notamment l’Allemagne, à savoir que serait dorénavant indiquée, pour les produits transformés, l’origine des ingrédients utilisés.

Toute la discussion a porté ensuite sur des questions techniques, l’origine étant, pour ce qui est des viandes animales, le lieu de la production, et non pas celui de l’abattage. Sur ce point, nous sommes d’accord avec l’Allemagne.

Le rapport portera sur l’ensemble des questions d’étiquetage, afin non pas simplement d’assurer une traçabilité – on finit toujours par retracer l’origine du produit, et ce fut bien le cas, en l’espèce –, mais de donner au consommateur les éléments lui permettant d’être sûr de l’origine de production de la viande qu’il achète.

Tel est, à nos yeux, l’enjeu et tel est le débat que nous aurons avec la Commission européenne.

Je me félicite donc des orientations fixées par le commissaire européen. Je soutiendrai la Commission européenne, bien entendu, si elle va dans le sens souhaité par l’Allemagne et la France.

Mais nous n’avons pas fait que cela. Car nous voulons, dans le même temps, favoriser l’essor des activités considérées dans notre pays. Aussi, comme après la crise de la vache folle, nous allons chercher à assurer des débouchés aux filières françaises concernées par les protéines animales transformées et à la filière aquacole, avec un cahier des charges tenant compte de la qualité sanitaire, de l’origine de la production – c’est le logo « viande bovine française ».

Lors du salon de l’agriculture, un certain nombre de grands distributeurs se sont engagés à vendre des produits transformés à base de viande bovine française. Je m’efforce d’étendre cet engagement aux viandes ovines et porcines. À cet égard, je proposerai, au début du mois de juillet, une grande réunion avec les professionnels concernés pour fixer le cahier des charges qui s’appliquera à l’ensemble des viandes françaises.

Lorsque l’on appose une étiquette « viande bovine française », « viande porcine française » ou « viande ovine française », le consommateur doit savoir que cela a été fait conformément à un cahier des charges respectueux des conditions sanitaires, du bien-être animal et aussi, il ne faut pas l’oublier, des conditions sociales de production qui ont cours chez nous. En effet les conditions sociales de production ne sont évidemment pas toujours respectées de la même manière dans le monde, ni même partout en Europe.

Il convient donc de fixer ce cahier des charges pour structurer et renforcer les filières animales françaises. Tel est, en tout cas, l’objectif que nous nous sommes fixé.

Eu égard aux enjeux que vous avez posés et aux problèmes que vous avez évoqués, cette question revêt, comme je l’ai dit précédemment, une dimension culturelle. Nous devons rester vigilants sur la représentation de l’aliment, qui est très importante. La France est un modèle en la matière, et nous devons nous appuyer sur la conception du repas à la française, sur la gastronomie française, ainsi que sur la qualité et la diversité de la production française. Au-delà de la question des protéines animales transformées et de la crise que nous connaissons, nous devons faire en sorte que nos filières de production soient un atout pour la France. C’est un engagement que je prends devant vous.

Je le répète, je souscris aux orientations retenues dans cette proposition de résolution européenne quant aux problèmes posés par les protéines animales transformées et par le scandale de la viande de cheval. En la matière, le Sénat fait œuvre utile et permettra au Gouvernement français de peser – c’est bien ce que souhaite la représentation nationale – dans le débat européen pour aller vers plus de qualité et de sécurité, tout en valorisant, dans le même temps, le mieux possible les productions agricoles de notre pays. §

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