La question ne se pose pas uniquement en cas de séisme. Nous prenons le postulat d'un accident grave, quelle qu'en soit la cause. La disposition améliore significativement la sûreté et met le réacteur de Fessenheim au niveau des autres réacteurs. Je crois me souvenir que dans nos premières discussions avec EDF, nous n'avions évoqué que l'épaississement du radier. EDF est venue nous présenter une solution plus astucieuse, qui ressemble à un récupérateur de corium, sans en être un. Cette solution se révèle sans doute meilleure qu'un épaississement plus important du radier.
Quant à l'EPR de Flamanville, nous n'avons pas enregistré d'événement de sûreté majeur sur le chantier en 2012. L'enjeu auquel nous devons faire face aujourd'hui tient à la phase dite des essais de démarrage, qu'il faut préparer et qui exige un travail de l'exploitant et des autorités de sûreté. Quatre réacteurs EPR sont actuellement en construction. Nous avons donc prévu d'organiser, au mois de juin prochain, un séminaire conjoint, en Chine, avec les Finlandais et les autorités de sûreté chinoises, pour codifier ensemble le contrôle des essais de démarrage d'une telle installation.
Christian Bataille, député, vice-président. - À ce stade, je ne poserai que de brèves questions afin de ne pas être redondant avec l'ensemble des sujets déjà abordés. Je tiens tout d'abord à féliciter Monsieur Chevet et son équipe de l'ASN pour le rapport très intéressant qu'il nous a présenté aujourd'hui. Je regrette par ailleurs que l'ASN reste mal connue du grand public. Ainsi, voilà peu, Greenpeace a mené une campagne à grand spectacle, en donnant un avis sur les centrales. L'ASN rend des avis sérieux. Ce sont ces avis qui devraient être connus du grand public.
Je souhaiterais vous poser deux questions. S'agissant de la durée de vie des réacteurs, vous avez évoqué les Américains d'une manière plutôt critique. Ils exploitent pourtant un parc de 110 réacteurs, suivant des règles différentes des nôtres. Ils explorent une durée de vie plus importante que celle des réacteurs français. Tournez-vous le dos aux Américains ou échangez-vous avec eux sur le sujet la sûreté de leurs centrales ?
Ma deuxième question portera sur la sous-traitance dans les centrales. Voilà deux ans, nous avions présenté un rapport sur la sécurité des centrales, que j'avais cosigné avec Bruno Sido et Claude Birraux. Ce rapport avait mis l'accent sur les risques induits par les cascades de sous-traitance, à la fois en terme de sûreté des travailleurs et de perte de compétences. Nous avions formulé quelques recommandations, invitant EDF à ré-internaliser certaines fonctions. Vous n'avez pas évoqué ce problème. Constitue-t-il un sujet de préoccupation pour vous ?
Greenpeace possède une plus grande notoriété que nous, grâce à des modes d'action différents des nôtres. Nous avons analysé leurs avis et leur rapport. Ce rapport est construit sur de nombreux éléments que nous avons identifiés et rendus publics. Nous l'examinons plus attentivement pour mettre en évidence d'éventuels éléments qu'il conviendrait de corriger, amender ou valider. L'analyse de Greenpeace est centrée sur les critères de localisation et de conception. Il ne prend pas en compte la qualité de l'exploitation. Notre rapport, avant tout ciblé sur l'exploitation, peut d'ailleurs souffrir de la critique symétrique car nous n'avons pas encore réussi à établir une approche entièrement intégrée.
Nos contacts avec les Américains sont extrêmement fréquents. C'est probablement l'autorité de sûreté avec laquelle nous avons noué, historiquement, les relations les plus suivies. Une partie de nos réacteurs présente en effet des modes de conception très proches. De plus, les États-Unis disposent d'une autorité de sûreté de référence. Nous échangeons sur tous les sujets, en temps réel. Le fait d'être en relation permanente ne signifie pas pour autant que nous nous accordions sur tous les sujets. Par exemple, sur la durée de fonctionnement des centrales, à tort ou à raison, nous ne retenons pas la même approche. J'en ai indiqué la raison. L'alternative nucléaire à la prolongation de la durée de fonctionnement d'un réacteur repose aujourd'hui sur la construction d'un nouveau réacteur. Or ce nouveau réacteur ne sera pas construit suivant les anciens standards mais répondra aux nouveaux standards. C'est la raison pour laquelle nous considérons que l'extension de la durée de vie doit être vue au regard des meilleures techniques disponibles et des nouveaux standards. La position française ne constitue pas une position isolée. Le club des autorités de sûreté européennes, WENRA, a adopté et rendu publique, en 2010, avant Fukushima, une position évoquant les objectifs pour les nouveaux réacteurs comme l'EPR et formalisant l'idée que la doctrine d'amélioration au regard des critères de génération 3 devait être appliquée aux réacteurs existants. Cette position a été approuvée par l'ensemble des autorités européennes de ce club. Je pense que cette position repose sur un certain nombre de fondements. Sur des sujets comme le stockage final des déchets ou le choix entre cycle ouvert et fermé, nous n'avons pas non plus les mêmes positions que les Américains mais nous restons en liaison permanente. Il s'avère essentiel d'agir ainsi pour des autorités de sûreté, qui doivent rester informées des pratiques étrangères.