Intervention de Michel Savin

Réunion du 22 mai 2013 à 14h30
Refondation de l'école de la république — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’axerai mon intervention sur deux aspects du projet de loi.

Le premier sujet porte sur l’accueil des enfants dès l’âge de deux ans dans les classes ou les écoles maternelles.

Ce texte prévoit d’ouvrir la possibilité d’accueillir des enfants âgés de deux ans révolus en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, qu’il s’agisse des zones urbaines, rurales ou de montagne ou des départements, collectivités et territoires ultramarins.

J’attire tout d’abord votre attention sur le terme retenu, « priorité », et les dérives auxquelles il pourrait donner lieu. En effet, une interprétation trop peu limitative de ce terme peut être source de confusions, mais surtout être à l’origine de demandes illégitimes de la part de familles à la recherche d’une structure d’accueil pour leurs jeunes enfants.

La question se pose : à qui appartiendra-t-il d’accepter ou de refuser l’inscription d’un enfant de deux ans ? En d’autres termes, qui sera capable de définir les priorités et l’ordre des admissions à l’école ?

Il conviendrait donc de limiter cette mesure uniquement, et non pas prioritairement, aux écoles situées dans un environnement social défavorisé, afin d’éviter toute confusion et de limiter le risque de dérives du dispositif. Je pense que l’objectif de cette disposition n’est pas de transformer l’école en garderie ; les 3 000 postes qu’il est prévu de créer sur cinq ans à cet effet n’y suffiraient pas... C’est d’ailleurs l’objet de l’amendement que j’ai déposé et que j’aurai à cœur de défendre lors de la discussion des articles.

Cette mesure de scolarisation à deux ans ne doit pas être une réponse ou une demi-réponse à la pénurie des structures de garde des jeunes enfants. Aujourd'hui, c’est dans les départements les moins dotés en structures d’accueil de la petite enfance que l’on constate la plus forte demande de scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Ensuite, cette scolarisation précoce fait l’objet d’un débat et d’avis très controversés. Les partisans de cette solution y voient une meilleure scolarisation et une socialisation facilitée de l’enfant, alors que de nombreux pédopsychiatres et psychologues y sont opposés, au regard des conditions actuelles de scolarisation, par exemple le nombre important d’enfants par classe, de 25 à 30.

À deux ans, pour se sentir en sécurité et se développer, les enfants ont besoin de leurs parents ou d’une autre personne avec laquelle ils peuvent créer des liens, par exemple le professionnel d’une crèche qui encadre des groupes de six ou huit enfants ou une assistante maternelle.

Toutefois, et je viens de le rappeler, réserver cet accueil en milieu scolaire aux enfants de moins de trois ans issus de milieux sociaux défavorisés peut certainement être bénéfique. Ce peut être un gage de réussite, notamment, pour les enfants dont les parents ne parlent pas le français à la maison, grâce à un meilleur apprentissage de notre langue.

C’est pour cette raison qu’il semble important, puisque vous souhaitez développer l’accueil scolaire des enfants de moins de trois ans, monsieur le ministre, de limiter dans un premier temps cette mesure aux zones d’éducation prioritaires.

Enfin, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur les conséquences de cette disposition. Assurément, elle exigera une nouvelle fois des communes des moyens supplémentaires en termes de personnel et de locaux, au moment où l’État va réduire ses dotations en direction des collectivités.

Le second sujet que je souhaite aborder concerne les enfants séjournant dans des structures d’accueil d’urgence durant la période hivernale. De plus en plus nombreux, ces derniers ont d’énormes lacunes scolaires, d’autant que la plupart d’entre eux n’ont que de très vagues notions de la langue française. La scolarisation qui leur est actuellement proposée s’apparente davantage à de la garde d’enfants.

Afin que ces mois passés à l’école soient bénéfiques, notamment en ce qui concerne l’apprentissage des enseignements fondamentaux, il conviendrait d’organiser pour ces élèves issus essentiellement de populations migrantes une scolarisation individualisée avec l’aide de professeurs détachés en tout ou partie. Cette proposition vise un double objectif : apporter un enseignement adapté à des enfants en grandes difficultés et réduire dans les classes les perturbations inhérentes à cette cohabitation, qui montre très vite ses limites et ses inconvénients.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à affecter à cette prise en charge pédagogique une partie des 7 000 postes prévus au titre du renforcement de l’encadrement pédagogique dans les zones difficiles. Les enseignants y verraient un réel soutien et les communes qui acceptent l’ouverture d’un centre d’accueil d’urgence se sentiraient soutenues pour faire face aux remarques et aux réticences manifestes de parents d’élèves qui ne voient pas toujours d’un bon œil l’arrivée de ces enfants.

L'amendement que j’ai déposé ayant été rejeté au motif, infondé à mes yeux, que son adoption créerait une charge financière supplémentaire, il est regrettable que ce débat ne puisse avoir lieu au cours de l’examen de ce projet de loi.

Monsieur le ministre, je souhaite que, sur ces sujets importants, vous preniez en considération nos propositions, très largement motivées par l’intérêt de l’enfant, qu’il nous faut savoir ne pas perdre de vue.

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