Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 22 mai 2013 à 14h30
Refondation de l'école de la république — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Vincent Peillon, ministre :

Je ne partage donc pas vos arguments, monsieur Savin, même si le fond de votre interrogation est juste. Il faudra veiller – cela relève aussi de votre responsabilité de parlementaire – à ce que nous tenions nos engagements.

Les postes doivent être accompagnés. On ne peut pas recourir à n’importe quelle pédagogie. Il faut être extrêmement vigilant sur l’accueil des enfants de moins de trois ans. Il y aura 3 000 postes, vous l’avez fort bien dit. Si on fait le calcul sur cinq ans, on se rend compte le nombre de 60 000 postes ne nous permet pas d’aller aussi loin que nous le souhaiterions. En tout cas, des postes seront réservés aux zones en difficulté.

J’en viens à la prise en charge pédagogique des enfants qui sont dans les centres d’accueil d’urgence. Je suis convaincu de la générosité de votre intention, mais je ne pense pas qu’il soit utile de séparer ces enfants des autres. Je ne crois pas aux séparations. Je crois que nous devons en permanence nous rassembler. Je crois même que c’est la mission de l’école : cesser de singulariser et d’individualiser, afin de produire du commun. C’est ce qui manque à notre société : on ne rassemble pas assez, on ne produit pas assez de commun.

Ma collègue George Pau-Langevin, actuellement retenue par les questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale, a émis plusieurs circulaires à ma demande. L’administration de l’éducation nationale est donc mobilisée plus qu’aucune autre. Vous pouvez juger que c’est encore insatisfaisant, mais, dans un récent avis, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a rendu hommage, comme je le fais moi-même, aux fonctionnaires de l’éducation nationale pour la manière dont ils ont répondu aux demandes d’accueil de ces enfants, formulées au nom de la dignité humaine et de nos principes partagés.

Même en nous mobilisant au maximum, nous nous sommes heurtés à des difficultés venant des populations qui accueillent d’autres missions, d’autres services de l’État, comme vous pouvez vous-mêmes en rencontrer dans vos activités d’élus responsables. L’éducation nationale est présente à ce rendez-vous. S’il y a des problèmes, il ne faut pas hésiter à nous les signaler, avant bien entendu que des évaluations ne soient menées.

Madame Bouchoux, la coéducation est au centre de notre projet. Vous le savez, elle doit beaucoup aux apports du groupe écologiste. Tel fut aussi le cas pour la reconnaissance des alliances avec les familles, comme avec le mouvement d’éducation populaire et le mouvement associatif.

En même temps, nous avons voulu faciliter les expérimentations pédagogiques et faire en sorte que les équipes puissent être reconnues.

S’agissant du collège unique, permettez-moi de vous dire qu’il y a un malentendu. À ce sujet, je vous recommande de relire l’article le concernant. Non, nous ne croyons pas qu’il faille séparer les enfants à l’âge de treize ou quatorze ans ; nous ne pensons pas qu’existe un destin s’imposant aux enfants. Nous considérons donc – je vous remercie d’ailleurs du travail réalisé sur la notion de socle, sur laquelle je vais revenir – qu’il faut les élever au maximum d’éducation, de connaissance et de compétences possible, ce qui, à mon sens, sous-tendait le principe de l’école obligatoire et l’idée de socle.

Non, nous n’avons pas supprimé l’apprentissage à quinze ans. Là encore, ayons la précision de ceux qui aiment l’école, qui la connaissent et lisent les textes. Nous avons seulement supprimé un premier dispositif dit « d’apprentissage junior », figurant à l’article L. 337-3 du code de l’éducation, voté en 2005, dont le Gouvernement avait d’ailleurs, dès 2007, annoncé vouloir la suppression, sans donner suite. Cet article permettait à des jeunes de quatorze ans d’entrer dans un programme les menant, dès quinze ans, à la signature d’un contrat d’apprentissage.

Ce dispositif n’a d’ailleurs concerné personne. Pourquoi ? Tout simplement parce que la difficulté est de trouver des stages d’apprenti ! Xavier Bertrand a passé des années à nous parler d’un objectif de 800 000 apprentis fixé par le président Sarkozy. Or, en cinq ans, nous avons assisté à une augmentation de 15 000 du nombre d’apprentis, qui reste bloqué à 450 000. Il faut donc s’interroger sur ce point.

Concernant l’initiation aux métiers en alternance, ce que nous supprimons en abrogeant le dispositif dit « Cherpion », qui datait de 2011, c’est uniquement la possibilité, pour ceux qui ont moins de quinze ans, d’aller en apprentissage. Ceux qui ont quinze ans le peuvent toujours, mais je souhaiterais – je pense que vous pouvez partager ce souhait, puisque vous avez l’air attachés au socle commun – qu’ils le fassent en ayant la maîtrise des connaissances fondamentales.

Ce dispositif de 2011 a concerné 7 000 jeunes pour l’ensemble du pays. À ceux qui ne comprennent pas et qui ont notamment affirmé dans deux interventions publiques inscrites au Journal officiel que j’avais supprimé un dispositif d’apprentissage à partir de quinze ans, je répète que c’est faux : le dispositif demeure à partir de quinze ans. Seul est supprimé le dispositif applicable à partir de quatorze ans, que vous aviez mis en place et qui n’a jamais concerné personne. Il s’agit donc d’un débat très idéologique.

À cet égard, je tiens à dire qu’aucune entreprise de France – vous le verrez avec le conseil économie-éducation que nous mettons en place – ne réclame ce dispositif. En effet, les entreprises ont besoin de salariés qualifiés, capables d’évoluer, ayant un niveau d’instruction suffisant. Je veux être précis sur ce point.

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