Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 22 mai 2013 à 14h30
Refondation de l'école de la république — Article 3 A

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

L’article 3 A, introduit par notre commission, donne un peu de chair au projet de loi, dont l’article 3 avait été très sèchement supprimé par l’Assemblée nationale. Il est issu d’un amendement présenté par mon groupe et fondé sur l’idée du « tous capables ». Je souhaite m’y arrêter quelques instants.

L’affirmation selon laquelle tous les enfants sont capables d’apprendre et de réussir, soutenue depuis très longtemps par le mouvement pédagogique du Groupe français d’éducation nouvelle, est aujourd’hui reprise par d’autres mouvements, comme ATD Quart Monde. Loin d’être une incantation, elle trouve des fondements dans les travaux menés dans le domaine des neurosciences sur la plasticité du cerveau.

Parce que les différences entre les élèves ne sont pas naturelles, mais socialement construites, et que l’échec scolaire n’est pas une fatalité, l’idée que tous les élèves sont capables d’entrer dans les apprentissages scolaires doit, selon nous, être à la base du projet éducatif.

Les travaux de notre commission ont permis d’introduire dans le projet de loi le principe selon lequel le service public de l’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». C’est un premier pas qui, nous le savons, n’allait pas de soi.

En effet, affirmer que tous les enfants sont capables d’apprendre suppose de rompre avec une conception de l’élève qui fait reposer les différences sur des dispositions naturelles, que l’on parle d’« aptitudes » ou de « rythmes d’apprentissage propres à chacun » – deux expressions dont nous déplorons qu’elles figurent dans le projet de loi.

Pour nous, affirmer que tous les enfants sont capables d’apprendre et de réussir signifie aussi que c’est à l’éducation nationale, donc à l’État, de réunir les conditions propres à leur en donner les moyens. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place des contenus communs et de développer une nouvelle posture professionnelle, ce qui exige une véritable formation continue des enseignants, en lien étroit avec la recherche.

À nos yeux, ce « tous capables » va donc bien au-delà de l’idée d’une l’école bienveillante à l’égard des élèves. Il s’agit d’affirmer que, derrière chaque choix pédagogique, il y a des choix politiques, même si ceux qui enseignent ou éduquent n’en sont pas toujours conscients. Refuser tous les fatalismes, qu’ils soient d’ordre économique, culturel ou social, implique de poser un autre regard sur l’échec scolaire et de s’interroger sur la nature de ce qui fait difficulté. Autrement dit, il faut interroger les implicites et les prérequis scolaires qui ne font pas sens immédiatement chez tous les élèves, au lieu de rejeter la responsabilité des problèmes sur les élèves dits « en difficulté » – comme si la difficulté était en eux – ou sur les enseignants.

C’est pourquoi l’école doit donner à tous, dès la maternelle, ce que certains ont pu commencer à acquérir au sein de leur milieu social et familial. Car devenir élève, c’est-à-dire entrer dans un rapport au monde et aux objets du monde où la réflexivité est centrale, ne se décrète pas ; c’est le fruit d’une construction qui, à nos yeux, relève de la mission première de l’école !

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