Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 22 mai 2013 à 14h30
Refondation de l'école de la république — Articles additionnels après l'article 4 ter

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Cet amendement vise à rendre effective la liberté de choix du mode de scolarisation pour les parents d’enfants sourds.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin que nous comprenions l’enjeu de cet amendement, dont l’objet semble en contradiction avec les droits demandés par les parents d'enfants qui souffrent d'un autre handicap, et pour que nous ayons tous bien conscience de la particularité que représente la surdité profonde pour les jeunes enfants, je sollicite votre attention quelques instants.

Pour les enfants sourds nés de parents entendants ou les enfants devenus sourds très précocement avant l’âge de la motricité socialisée, le problème majeur est que la fonction symbolique continuellement en activité chez l’être humain à l’état de veille n’a pas d’éléments sémiotiques pour s’alimenter lorsqu’ils se trouvent au milieu d’enfants et d’adultes dans un cadre extra-familial.

Le langage gestuel, qu’il s’agisse de la langue des signes ou du langage parlé complété, avec ses codifications discriminatives, est le seul accès que peut avoir l’enfant sourd à la symbolisation utilisable dans ses relations, à partir de sa relation privilégiée à sa mère, à son père et à ses familiers.

La langue des signes ou le langage parlé complété est l’indispensable préparation au langage parlé et écrit qui pourra être enseigné à cet enfant, au plus tôt après ses trois ans. Elle alimente et suscite la fonction symbolique, elle permet à l’enfant de communiquer avec tous ceux qui ont connaissance des rudiments de cette langue, encore plus avec ceux qui la parlent parfaitement.

Il est vrai que l’apprentissage du langage oral et écrit apporte aux sourds le moyen de communiquer avec tous les entendants – tel est l’objectif de la scolarisation. Mais si, dès la plus petite enfance, l'enfant n'a que ce repérage flou du sens par les mouvements des lèvres de ses mère et père pour recevoir d’eux des messages, il est soumis à l'inflation, la survalorisation du masque dans le visage et de la bouche dans ce visage. Il n'a donc pas de communication symbolique avec les autres.

La langue des signes dûment codée ou le langage parlé complété, enseigné aux enfants sourds, est le garant de l'assurance de la sécurité de l'enfant dans son identité, le garant de sa puissance émettrice et réceptrice de langage ; c'est la vitalité entretenue avec et pour les autres de sa fonction symbolique et de sa fonction imaginaire.

Voilà ce qui plaide pour l'apprentissage précoce de la langue des signes et aussi pour la conservation de cette langue pour les sourds alors qu'ils sont initiés à la compréhension et à l'émission de la langue orale, laquelle les introduit à la culture par l'écriture et la lecture de la langue orale.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai pris la peine de lire cet extrait d'une définition extrêmement scientifique pour préciser la volonté des parents d'enfants sourds et des sourds eux-mêmes.

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