Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 5 mérite une attention toute particulière. En modifiant l’article L. 113-1 du code de l’éducation, vous énoncez que, « dans les classes enfantines ou les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l’âge de deux ans révolus ». Or c’est déjà le cas aujourd’hui : cette possibilité figure dans la loi.
Vous précisez également que cet accueil sera « organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les départements, collectivités et territoires ultramarins ». Or cette priorité est, elle aussi, déjà inscrite dans la loi.
Je ne comprends donc pas la rédaction de l’article 5. Elle donne l’impression qu’il s’agit de réguler l’accueil des enfants âgés de deux ans révolus, alors que, si l’on suit l’exposé des motifs de votre projet de loi, l’objectif est de « généraliser la possibilité d’accueil en maternelle des enfants de moins de trois ans dans des conditions particulières et adaptées à cette scolarisation précoce ». C’est comme si votre ambition d’acter cette généralisation n’était pas assumée.
Vous semblez vouloir définir le cadre dans lequel les enfants seront accueillis. Cela me paraît assez flou. Il est précisé que l’accueil des enfants se fera « dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif », mais ces conditions ne sont pas encore définies. On a presque le sentiment que la nouvelle rédaction ne figure dans le projet de loi que par souci d’affichage.
Au-delà de ce problème, nous nous opposons à l’adoption de l’article 5 pour des raisons de fond. Tout d’abord, depuis la création par la loi Jospin de 1989 de zones prioritaires pour un accueil précoce, cet accueil n’a pas progressé. Le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans sur le territoire national, qui fut longtemps de 35 %, n’est plus que de 13, 6 % aujourd'hui, avec bien entendu des différences assez importantes entre les régions. En outre, cette scolarisation n’a pas contribué à un rééquilibrage en faveur des zones défavorisées. En effet, sa mise en œuvre n’a pu progresser que dans les départements en perte de vitesse démographique.
Mais, surtout, je crois que les dispositions de l’article 5 sont dangereuses, car elles participent à la diffusion de l’idée selon laquelle la lutte contre la grande difficulté scolaire et les inégalités scolaires passe nécessairement par la scolarisation dès l’âge de deux ans.
Les enquêtes les plus récentes conduites par les services du ministère de l’éducation nationale, dans le cadre du panel d’élèves entrés en CP en 1997, le démontrent.
Certes, les enfants ayant accédé à deux ans à l’école maternelle parviennent en CP avec un niveau de compétences supérieur en moyenne à celui des autres élèves. C’est incontestable, mais cela ne dure pas, car, dès l’entrée en sixième, on ne constate plus de différence.
Je n’en suis pas étonné, cette absence de lien entre l’accueil des enfants de moins de trois ans et les résultats scolaires ayant été soulignée dans un rapport d’information remis en 2008 par Mme Papon et moi-même. Celui-ci montrait que l’école maternelle n’était pas le cadre le plus favorable à l’accueil des très jeunes enfants de deux ans.