Intervention de Georges Patient

Réunion du 22 mai 2013 à 21h30
Refondation de l'école de la république — Article 5

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Guyane est-elle vouée à demeurer l’académie des « plus mauvais résultats de France sur tous les plans », pour reprendre les propos tenus par le recteur Frédéric Wacheux, en 2009, lors de son audition par une mission sénatoriale, ou bien encore celle « des pires élèves, donc des pires profs », comme on ne cesse de le répéter dans le film Les Profs, qui passe actuellement dans les plus grandes salles de cinéma ?

Plus grave encore, cette phrase terrible d’un enseignant en poste : « On est une machine à fabriquer de l’échec et de l’exclusion. »

Échec scolaire et échec social sont liés. Exclus d’un système éducatif inadapté, des milliers de Guyanais, enfants français ou étrangers vivant en Guyane, se sont retrouvés au fil des années au ban d’une société qui n’a pas su comprendre et encore moins prendre en charge de façon efficace les besoins d’instruction et d’éducation.

Un chiffre saisissant illustre bien cela : plus de 6 000 enfants de trois à six ans ne sont pas scolarisés en Guyane. Pourtant, nos sociétés démocratiques ont depuis longtemps intégré dans leur discours et leurs pratiques socio-éducatives la notion d’égalité des chances.

Qu’est-ce qui rend si difficile l’atteinte de ces objectifs en Guyane ?

Je n’ai pas de réponse simple à cette question, bien sûr ; ce serait trop facile !

Pour qui veut parler d’école et de système d’éducation, la Guyane n’est comparable, dans le contexte français, à rien : la croissance démographique scolaire y est importante, de l’ordre de 3 %, voire de 8 % par an pour certains établissements, comme ceux situés dans l’Ouest guyanais. Elle serait la contrainte majeure de l’académie.

S’y pose aussi le problème du multilinguisme et du multiculturalisme : beaucoup d’enfants arrivent à l’école monolingue en parlant une langue amérindienne ou bushinenge, le hmong, mais aussi le créole haïtien ou même le brésilien.

On y recense également des disparités territoriales fortes, puisque coexistent une Guyane du littoral, avec un pôle centre littoral, assez bien développée, et le reste moins bien pourvu.

Le taux de non-scolarisation y est trois fois supérieur à celui de la France métropolitaine, avec une accentuation à partir du niveau collège, contrairement à la situation qui prévaut en métropole.

Monsieur le ministre, pourquoi n’essaierions-nous pas de voir ces difficultés, que l’on appelle plus souvent chez nous des spécificités, comme des richesses, des défis à relever, des atouts à valoriser ?

Vos orientations dans le rapport annexé au projet de loi évoquent l’innovation et l’expérimentation pour contribuer à refonder l’éducation. Si l’on veut effectivement créer pour tous les conditions de la réussite scolaire en Guyane, il faut engager dans l’aventure des forces considérables, et ce sur plusieurs fronts, simultanément et sans retard.

Il faudra participer davantage, à côté des collectivités, au financement d’investissements trop lourds pour elles seules.

La qualité d’un système éducatif tenant d’abord à celle de ses enseignants, il est nécessaire de reconsidérer la formation des enseignants amenés à exercer en Guyane, de leur faire acquérir des compétences linguistiques solides, de les spécialiser, d’une certaine manière, pour enseigner dans le contexte particulier du multilinguisme et du multiculturalisme guyanais.

Il importe de poursuivre et de développer le recrutement et la formation des médiateurs culturels bilingues et, c’est impératif, de pérenniser ces emplois. Parallèlement, nous devrons créer, multiplier et diffuser les supports et les outils d’une pédagogie renouvelée.

Nous aurons à bousculer certaines certitudes, tout en nous accordant sur des objectifs concrets et en faisant ensuite preuve de pragmatisme contre le dogmatisme des grosses machines construites sur des théories trop abstraites.

Monsieur le ministre, il nous faut du volontarisme, de l’audace, de l’ambition pour permettre la réussite des élèves de Guyane, ce qui est un devoir de la République ! Je ne doute point de votre volonté de vous atteler à ce beau défi !

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