Le gouvernement précédent s’était appuyé sur l’article L. 131-1 du code de l’éducation pour se prévaloir du caractère facultatif de la scolarisation des moins de trois ans et la réduire très largement.
L’inspecteur d’académie, selon la volonté du ministère, ne prenait pas en compte les enfants de moins de trois ans dans le calcul des effectifs des enseignants des écoles maternelles, ce qui permettait également d’arguer d’un recul effectif de leur scolarisation. L’objectif était évidemment économique, puisqu’il s’agissait de justifier la diminution des effectifs enseignants, et ce même en zone prioritaire, rendant de facto impossible la scolarisation des deux-trois ans, conditionnée par la limite des places disponibles.
Une rupture avec les politiques dévastatrices précédentes était donc particulièrement nécessaire et attendue.
L’annonce de la création des 3 000 postes supplémentaires pour l’accueil des enfants de moins de trois ans à l’école maternelle est un signal que nous accueillons de manière positive, de même que la volonté de développement de la scolarisation des moins de trois ans contenue dans cet article.
Enfin, l’introduction dans le code de l’éducation de la notion de « conditions d’accueil éducatives et pédagogiques spécifiques visant le développement moteur sensoriel et cognitif » est une avancée que nous avons demandée et dont nous nous félicitons.
Pour autant, au-delà de la volonté affichée, force est de constater que l’article 5 du projet de loi n’opère pas de modifications suffisantes sur la scolarisation des deux-trois ans, laquelle est limitée, comme vous l’avez indiqué, aux zones défavorisées.
Pour notre part, nous souhaitons, ainsi que nous l’avions développé dans notre proposition de loi, que soit affirmée la possibilité de scolarisation à partir de deux ans pour tous les enfants qui sont prêts et dont les familles en font la demande.
Il faut permettre à tous les parents qui le souhaitent d’inscrire leur enfant, quels que soient leur lieu d’habitation et leur milieu social. Ainsi serait encouragée la mixité sociale dès la petite école, ce que cette loi n’autorisera pas : en effet, les 3 000 postes supplémentaires correspondent à la création d’une classe par école classée en zone d’éducation prioritaire ou de revitalisation rurale. La priorité donnée aux zones défavorisées est très positive, mais il faudrait aller au-delà.
Enfin, je regrette que le Gouvernement ne profite pas d’une loi de refondation de l’école pour rendre l’instruction obligatoire dès trois ans, au lieu de six ans actuellement. C’est également une disposition de notre proposition de loi.
Je rappelle que le constat partagé du rôle fondamental de l’école maternelle avait conduit notre collègue Françoise Cartron, aujourd’hui rapporteur du projet de loi, à déposer une proposition de loi en ce sens, et que cette dernière avait reçu le soutien de l’ensemble de la majorité de gauche du Sénat.
Nous souhaitons protéger l’école maternelle et affirmer son importance, en traduisant dans la loi ce qui est aujourd’hui une réalité : la quasi-totalité, à savoir plus de 99 % des enfants de trois à six ans, sont effectivement scolarisés en maternelle.
Cela permet donc de reconnaître à sa juste valeur les apports fondamentaux de la maternelle au sein de notre système scolaire sans grever les finances de l’État.
Cette institution joue un rôle décisif dans la diminution de l’échec scolaire et dans la lutte contre les inégalités, particulièrement pour les enfants issus d’un milieu social défavorisé. Elle a un impact positif sur le niveau de compétence comme sur la probabilité de redoublement. Son utilité n’est plus à démontrer et, si une réflexion doit être engagée, elle doit davantage porter sur les moyens à mettre en œuvre pour faire perdurer ses effets positifs tout au long de la scolarité.
Au passage, je signale que la Bretagne scolarisait les petits à 50 % et que les résultats de cette région au baccalauréat sont parmi les meilleurs de France.