Intervention de Odette Terrade

Réunion du 2 novembre 2010 à 14h30
Débat sur l'accession à la propriété

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Cela s’apparente à une forme d’aveu sur la baisse évidente des pensions que va générer la réforme en cours et donc sur la nocivité sociale de celle-ci, nocivité qui donne raison aux millions de gens qui manifestent. Mais tel n’est pas notre sujet aujourd’hui.

En se faisant l’apôtre d’une France de propriétaires, en consacrant pour ce faire des dispositifs fiscaux avantageux, sans aucune prise en compte de la problématique sociale, le Président de la République a pourtant commis un manquement grave. Il faut d’ailleurs se souvenir que, avant la crise des subprimes, il ne tarissait pas d’éloges sur les crédits hypothécaires ; c’est dire la pertinence qui caractérisait son jugement sur les solutions à mettre en œuvre pour répondre à la crise du logement que connaît notre pays !

Pourtant, la crise des subprimes a largement démontré que vouloir ainsi favoriser à tout prix l’accession à la propriété indépendamment de la question du pouvoir d’achat ne pouvait produire que des catastrophes humaines, puisqu’une telle politique pousse les gens à s’endetter sur plusieurs générations pour le plus grand bonheur des banques.

C’est d’ailleurs un tel mécanisme qui conduit à ce que, aujourd’hui, 778 000 personnes bénéficient d’une procédure de surendettement. Pas étonnant que, dans ces conditions, comme l’a rappelé notre collègue tout à l’heure, 83 % de nos concitoyens pensent qu’il est impossible de devenir propriétaire !

En effet, comment parler d’accession à la propriété en dehors de toute considération humaine ? Ainsi, pour devenir propriétaire aujourd’hui, il faut non seulement disposer de ressources suffisantes mais également pouvoir témoigner d’une certaine stabilité dans son parcours professionnel. Or, les préceptes libéraux et la politique menée par le Gouvernement conduisent la plupart de nos concitoyens à la précarité et à l’instabilité, notamment par une mobilité professionnelle accrue.

Je rappellerai ici le propos de Mme Parisot, présidente du MEDEF, qui s’interrogeait en ces termes : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »

Peut-être a-t-il échappé à la patronne des patrons qu’il est justement demandé aux accédants à la propriété de justifier d’un travail et de revenus non précaires pour obtenir un prêt bancaire.

Par ailleurs, comment se porter acquéreur d’un logement alors même que le pouvoir d’achat est en berne et que l’État, au nom de la rigueur, n’assume plus ses missions de service public et particulièrement celle du logement ?

Ainsi, les propriétaires, comme les locataires, doivent faire face à des dépenses courantes de logement qui augmentent plus vite que leurs revenus, que ce soit en termes de charges d’eau, de gaz ou d’électricité.

Aujourd’hui, d’après l’association CLCV, la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, « 500 000 ménages présenteraient des impayés [de loyers] de deux mois ou plus, soit une augmentation de 96 % en quatre ans dans le parc privé et de 58 % dans le parc public ». En onze ans, le nombre de jugements pour impayés a ainsi progressé de 25 %.

Selon la lettre « Conjoncture logement » : « Pour devenir propriétaire de son logement en France, il vaut mieux être jeune ou vieux mais avec des revenus supérieurs à la médiane des salaires français, […]. » Seule une petite minorité de nos concitoyens peut donc prétendre au statut de propriétaire. Les chiffres sont d’ailleurs accablants : entre 2007 et 2009, l’accession à la propriété des personnes à revenus moyens a ainsi reculé de 37 % !

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