Intervention de Benoist Apparu

Réunion du 2 novembre 2010 à 14h30
Débat sur l'accession à la propriété

Benoist Apparu, secrétaire d’État :

Vous l’avez dit, les crises du logement sont totalement inversées en fonction des territoires. L’Île-de-France connaît une crise de production, de même que la côte méditerranéenne ou l’Aquitaine. À l’inverse, sur d’autres territoires qui connaissent une situation moins tendue, la crise tient à la surproduction qui entraîne un taux de vacance très important. Il nous faut également veiller à ce déséquilibre.

Madame Terrade, oui, je crois à une « France de propriétaires » ! Je crois à cet engagement de campagne du Président de la République !

Selon vous, la volonté d’augmenter la proportion de ménages propriétaires de leur logement démontre que la réforme des retraites est totalement injuste. J’avoue ne pas voir le lien entre les deux termes de votre raisonnement…

Effectivement, d’autres intervenants l’ont dit, devenir propriétaire représente un élément de sécurité pour les retraités, en matière de pouvoir d’achat, car les revenus en période de retraite sont inférieurs à ceux perçus en période d’activité, avec ou sans réforme des retraites !

Si, au moment où elles subissent cette baisse de revenus, les personnes concernées ont fini d’accéder à la propriété, leur taux d’effort consacré au logement chute de façon considérable. Le taux d’effort d’un locataire ou d’un accédant à la propriété représente aujourd’hui 23 % de ses revenus ; il est de 10 % pour celui qui a accédé à la propriété et qui a fini de payer son logement. Il existe donc un écart d’environ quinze points entre le statut d’accédant ou de locataire et le statut de propriétaire. À l’heure de la retraite, la différence est considérable !

Vous évoquez également, madame Terrade, un recul de l’accession à la propriété des classes moyennes. Vous avez raison ! En effet, l’augmentation des prix de l’immobilier étant supérieure à celle des revenus, la classe moyenne s’est trouvée « désolvabilisée ». C’est la raison pour laquelle il faut faire cette réforme pour la resolvabiliser ! Sinon, on se contentera de baisser les bras ou de constater cette baisse de l’accession à la propriété.

Madame Colette Giudicelli, vous affirmez que l’accession à la propriété sécurise la retraite : je ne peux que partager votre analyse, car cet élément est évidemment essentiel.

Vous portez également un jugement très équilibré sur le rôle des bailleurs sociaux. Vous avez raison de le souligner, la plupart d’entre eux font un excellent travail : il faut donc cesser de les prendre pour cible ! Ce n’est pas parce que certains sont peut-être moins efficaces que d’autres qu’il faut en tirer des conclusions générales applicables à l’ensemble de la profession. Je partage votre analyse en la matière, madame la sénatrice : il faut cesser d’opposer les politiques du logement. Si nous voulons réaliser le parcours résidentiel que nous appelons tous de nos vœux, nous avons besoin d’une politique efficace et ambitieuse de production de logements sociaux. Nous ne pourrons pas atteindre cet objectif sans une mobilisation importante des bailleurs et des collectivités locales !

De la même façon, nous avons besoin d’une politique ambitieuse pour créer des logements dans le secteur locatif libre, comme nous avons besoin d’une politique ambitieuse en matière d’accession à la propriété. Ce n’est que dans le cadre de ce parcours global partant du logement social, passant par le développement du secteur locatif libre et aboutissant à l’accession à la propriété que nous parviendrons à répondre aux attentes de nos compatriotes.

Monsieur Jeannerot, votre intervention était très équilibrée – d’autres intervenants l’ont noté. Je vous remercie des propos que vous avez tenus sur la simplification du système, qui est l’un de nos objectifs, et sur son adaptation à la réalité du marché.

Je reviendrai néanmoins sur un point que vous avez évoqué concernant l’universalité. J’ai essayé de répondre à cette question en citant des chiffres concrets et pas simplement des tranches de revenus, qui ne signifient rien pour la vie quotidienne. Je ne considère pas qu’une personne qui, en zone B 1, gagne 2 500 euros par mois soit trop riche pour être aidée.

Si nous voulons cibler les classes moyennes, qui ont été « désolvabiliséés » par l’augmentation des prix de l’immobilier, il faut impérativement maintenir le caractère universel de ce produit.

Vous évoquez également, monsieur Jeannerot, un risque de surendettement. Je ne crois pas qu’il existe. La comparaison que certains – mais pas vous ! – ont faite avec les subprimes me paraît très osée. Nous sommes heureusement très éloignés de cette réalité dans notre pays.

Si nous avons souhaité conserver le dispositif d’aide personnalisée au logement en accession, ou APL Accession, c’est bien parce qu’il constitue une sécurité majeure. Nous avons d’ailleurs pu observer que, pendant la crise, notre pays n’a pas connu une explosion du nombre de sinistres, grâce au caractère très sécurisant de l’APL Accession, qui prend le relais en cas de baisse de revenus de l’accédant.

Monsieur Gouteyron, vous interrogez le Gouvernement sur son engagement en faveur des zones rurales, notamment sur le marché de l’immobilier ancien en zone rurale.

Cet engagement est un des objectifs premiers de cette réforme : elle doit être un outil de production de logements dans les zones les plus tendues, comme Paris ou Marseille ; mais elle doit également nous permettre d’organiser une « reconquête » des centres-bourgs, dans l’ancien, en zones rurales. C’est la raison pour laquelle nous différencions nettement ce nouveau prêt à taux zéro pour les acquisitions dans l’immobilier neuf, afin d’épouser la réalité des marchés, mais la quotité du prêt – soit 20 % du montant de l’opération – sera la même en zone très tendue et en zone rurale.

Les zones rurales, notamment les centres-bourgs, sont donc bien une de nos priorités, notamment en matière de reconquête de l’ancien.

Les zones rurales vivent un drame, nous le savons tous, moi le premier, qui suis originaire d’une zone rurale : la construction d’un logement neuf ou d’une maison individuelle vide une maison en centre-bourg. Nous devons donc conserver un équilibre : il faut aider ceux qui souhaitent acquérir une maison neuve à réaliser leur rêve, mais également pouvoir attribuer un montant de prêt au moins équivalent, si ce n’est supérieur, aux acquéreurs de logements anciens. Favoriser l’immobilier ancien en milieu rural constitue bien l’un des objectifs du Gouvernement dans le cadre de cette réforme.

C’est la raison pour laquelle nous avons effectivement modulé, comme vous le suggériez, les prêts concernés en fonction du revenu, de la composition familiale et, bien évidemment, du zonage. J’en reviens ainsi à votre préconisation : si nous souhaitons organiser la reconquête des centres-bourgs, nous devons privilégier l’aide à l’ancien en milieu rural.

Toutefois, monsieur Couderc, cela ne signifie nullement que nous ne devrions pas aider les villes moyennes. D’ailleurs, ma circonscription d’origine comporte une ville moyenne ; c’est même la commune du président de la Fédération des maires des villes moyennes ! Je mesure donc bien l’intérêt des villes moyennes pour notre territoire… En même temps, comme je vous l’ai indiqué, ma circonscription est aussi extrêmement rurale.

Les aides qui existent aujourd’hui sur notre territoire – je pense notamment au prêt à taux zéro – sont très efficaces, en termes de solvabilité, dans certaines zones rurales et dans des villes situés en zone B2, comme Béziers ou Châlons-en-Champagne, mais ne le sont pas du tout en zone A.

Actuellement, 50 % des opérations du prêt à taux zéro sont effectuées dans des zones C, ce taux atteignant même 75 % si on ajoute les zones B2, alors que ces deux catégories de zones représentent à peine 50 % de la population. Donc, si l’aide de l’État est massive dans les zones B2 et C, elle ne correspond pas à la réalité des besoins dans les zones A et B1.

Le Gouvernement a précisément l’intention de procéder à un rééquilibrage, non pas pour pénaliser les zones B2 et C – l’accession à la propriété doit y être aussi importante que par le passé –, mais pour mieux aider les zones A et B1. L’objectif est que chacun dispose des mêmes chances de devenir propriétaire, quel que soit son lieu d’habitation !

Nous savons aujourd’hui aider nos compatriotes qui vivent dans les zones B2 et C à accéder à la propriété, mais nous ne savons pas aider ceux qui vivent en zones A et B1. Le taux de propriétaires s’élève à 70 % en zone C – la « France des propriétaires » y existe déjà ! –, contre à peine 45 % en zone A. Nous devons donc opérer un rééquilibrage. Chacun, quelle que soit sa zone d’habitation, doit pouvoir devenir propriétaire, tel est l’objectif de cette réforme ; et les aides doivent améliorer la solvabilité des accédants à la propriété dans chacune des zones de notre territoire : c’est tout !

Enfin, madame Des Esgaulx, vous m’avez interrogé sur un point très particulier, la vente de logements HLM.

La règle du maintien pendant cinq années dans le quota de logements sociaux des logements cédés par les bailleurs à leurs locataires a été ajoutée en 2006. Nous sommes ainsi parvenus, me semble-t-il, à un équilibre. À cet égard, je ne partage pas totalement votre analyse, madame la sénatrice, ou plus exactement, je pense que vous y avez déjà répondu vous-même dans votre intervention.

Tout d’abord, les ventes interviennent plus rapidement que vous ne le dites. Les locataires HLM qui achètent leur logement sont bien plus nombreux que vous ne le pensez. De ce point de vue, le délai de cinq années me paraît donc correspondre à la bonne durée.

Surtout, vous conseillez, à juste titre, au Gouvernement de rendre obligatoire l’affectation des produits de la vente à la construction de nouveaux logements sociaux. Mais l’une des raisons pour lesquelles il pousse les organismes bailleurs à vendre une partie de leur patrimoine est bien de leur permettre de constituer une nouvelle offre. Et si un bailleur social vend un logement HLM tout en profitant de cette période de cinq ans pour reconstruire une nouvelle offre de logements sociaux conforme aux principes fixés par la loi SRU, soit un taux de 20 %, la sortie du dispositif à l’issue de cette période ne sera pas pénalisante.

Je rejoins totalement votre conclusion : il faut vendre pour construire. Mais, en l’occurrence, la période de cinq ans est parfaitement adaptée, puisqu’elle permet au bailleur social de reconstituer son offre et de « rester dans les clous » fixés par la loi SRU. Bien entendu, je suis disposé à ouvrir une discussion sur le sujet avec vous ; toutefois, je pense que nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais apporter aux orateurs qui se sont exprimés cet après-midi.

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