Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 2 novembre 2010 à 14h30
Nécessaire réforme des dispositifs « amiante » — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons aujourd’hui est douloureux et difficile.

La mission d’information présidée par Jean-Marie Vanlerenberghe et dont Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy étaient rapporteurs a montré les négligences, les erreurs et les dénis qui ont abouti au drame de l’amiante.

Trop longtemps, la question de la santé au travail a été reléguée à l’accessoire, alors même que la notion légale de maladie professionnelle existe en France depuis 1919.

L’amiante, utilisé durant plus d’un siècle, est à l’origine de la forte croissance du nombre de maladies professionnelles reconnues depuis dix ans. En 2009, elle a causé 66 % des décès liés à une maladie professionnelle en France et 80, 7 % des cancers professionnels en Europe.

Face à ce drame, des mesures ont été prises. La création du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs exposés à l’amiante a constitué une réponse que chacun reconnaît comme positive et qui place la France parmi les pays les plus avancés en matière de prise en charge des victimes. Comme nous venons de le voir, les dépenses d’indemnisation, à travers le FIVA, ont atteint 2, 4 milliards d’euros depuis 2000 : il s’agit, là aussi, d’un effort sans précédent.

Mais ces dispositifs montrent aujourd’hui certaines limites. Plusieurs rapports officiels, cités par notre collègue Jean-Pierre Godefroy, les ont précisément mises en lumière et ont formulé des recommandations.

Les premières concernent les conditions d’éligibilité au FCAATA.

Tous les rapports s’accordent à dire que le système actuel n’est pas satisfaisant. Il crée surtout des inégalités, qui s’ajoutent aux drames humains engendrés par le développement de maladies trop souvent mortelles.

Comment, en effet, justifier qu’entre deux salariés exposés à l’amiante, l’un ne puisse prétendre au bénéfice d’une réparation simplement parce que l’entreprise qui l’employait n’est pas répertoriée sur une des listes fixées par arrêté ministériel ou parce que la période à laquelle il a été exposé n’est pas cataloguée, ou encore parce qu’il n’est pas affilié aux régimes visés par le dispositif ? Certes, la justice peut imposer de lui accorder le bénéfice de l’ACAATA, mais il lui revient alors de prouver le caractère fondé de sa demande.

Ces victimes exclues ne comprennent pas qu’à situation identique il n’y ait pas traitement similaire.

Le Gouvernement a envoyé des signes positifs en revalorisant de 20 % le montant minimum de l’ACAATA et en acceptant de maintenir les conditions actuelles d’âge de cessation d’activité et de perception d’une retraite à taux plein pour les anciens travailleurs de l’amiante. Ce dernier point a fait l’objet d’un large débat dans le cadre de la réforme des retraites, et je me félicite du résultat.

Cela étant, monsieur le ministre, je crois qu’il convient aujourd’hui d’aller plus loin et d’étudier sérieusement les propositions de réforme qui ont été faites. Il faut prendre en compte la question de la sous-traitance et uniformiser les règles de prise en charge entre les différents régimes de sécurité sociale.

La mission d’information de l’Assemblée nationale proposait d’établir une liste de bénéficiaires du FCAATA croisant une liste de métiers et de secteurs d’activité à risque, sur la base de travaux d’experts, notamment de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail. Un amendement du député Guy Lefrand a été déposé en ce sens dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Quelles suites y avez-vous données ?

Par ailleurs, a été maintes fois évoquée la possibilité de créer une voie d’accès individuelle au FCAATA. C’est en effet une solution, mais il est clair qu’il faut connaître le nombre de personnes concernées. L’exemple de l’Italie, qui, après avoir mis en place un tel dispositif, s’est retrouvée complètement engorgée, avec plus de 240 000 demandes déposées, doit nous inciter à la prudence. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoyait un rapport pour le 30 septembre 2010. Qu’en est-il de ce rapport ?

Monsieur le ministre, tous ceux qui sont ici présents conviennent que le système a permis de venir en aide à beaucoup de salariés, mais il comporte des failles. Saisi de nombreuses réclamations, le Médiateur de la République lui-même demande avec constance depuis plusieurs années qu’il soit réformé. Je mesure bien entendu toute la difficulté de la tâche dans un contexte financier contraint, mais la valeur humaine ne se discute pas et impose des responsabilités.

Toutefois, je reconnais que des avancées ont eu lieu depuis un an sur le dossier de l’amiante.

Vous avez notamment pris différentes mesures pour réorganiser le fonctionnement du FIVA et créé une « cellule d’urgence » chargée d’apurer le stock des dossiers. Les délais de traitement étaient en effet très préoccupants dans la mesure où les victimes touchées par les pathologies les plus graves ont malheureusement une espérance de vie très courte.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, vous revenez sur une récente décision de la Cour de cassation en créant un délai de prescription de dix ans propre aux demandes d’indemnisation présentées devant le FIVA. Cela va dans le bon sens.

Le renforcement des effectifs de la « cellule amiante » de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique est également un point positif.

S’agissant du suivi médical des victimes d’expositions professionnelles, l’article 25 de la réforme des retraites consacre le carnet de santé au travail et la création d’une fiche individuelle. La Haute Autorité de santé avait par ailleurs préconisé la mise en place d’un suivi professionnel spécifique pour les personnes exposées à l’amiante, avec, comme examen de référence, le scanner thoracique. Cette recommandation a-t-elle été suivie ?

Enfin, s’agissant des fibres courtes et fines présentes dans les bâtiments publics, des études complémentaires ont-elles été conduites ? Le décret d’application précisant les modalités de réalisation des constats d’amiante, obligatoires depuis la loi HPST du 21 juillet 2009 a-t-il été pris ?

Je vous saurai gré, monsieur le ministre, de répondre à toutes ces questions. De nombreux chantiers ont été ouverts depuis l’an dernier et soyez convaincu que nous en suivrons avec attention la mise en œuvre.

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