La Cour des comptes vient de montrer les carences et les failles de l’État actionnaire de défense. Le constat est accablant. N’en jetons plus !
Au moment où la crise n’en finit pas, ces milliards d’euros de participation seraient plus utiles s’ils étaient consacrés à l’emploi, aux technologies de pointe, à la compétitivité de notre industrie et à nos exportations.
Certes, les privatisations sont un fusil à un coup, mais ce coup de fusil nous donnera le temps de mettre nos finances en ordre et de prendre les mesures structurelles de réduction des déficits sans lesquelles tout effort serait vain et toute souveraineté illusoire.
Pour toutes ces raisons, l’actuel Livre blanc est trop vague en termes de format des armées et trop pauvre pour ce qui concerne la stratégie d’acquisition. L’essentiel figurera donc dans la future loi de programmation et dans chacune des lois de finances qui la mettront en œuvre.
Je souhaite vous faire part sans attendre, monsieur le ministre, de cinq préceptes, sur lesquels le Sénat, en particulier le groupe UMP, aura à cœur de veiller.
Premier précepte : la recherche tu chériras. Cela se passe de commentaires, car tout le monde est convaincu dans cette enceinte de l’utilité de la recherche et développement pour la défense.
Deuxième précepte : l’entraînement tu maintiendras. La force d’une armée réside en grande partie dans son entraînement. Là encore, il n’est nul besoin de disserter.
Troisième précepte : les pièces de rechange tu commanderas.
Je citerai un exemple. Nous avons acquis quarante hélicoptères Tigre HAP, déjà livrés, mais nous n’avons commandé de pièces de rechange que pour vingt d’entre eux. Seuls vingt Tigre HAP sont donc opérationnels, les autres servant, en quelque sorte, de magasin de pièces de rechange. Vous n’êtes pour rien dans cette décision, monsieur le ministre, mais il faut éviter qu’elle ne se répète.
Nous attendons la livraison de quarante autres Tigre dénommés HAD. Nous vous demandons d’intégrer, dans vos négociations avec l’industriel, la nécessité de fournir les pièces de rechange car, au final, il vaut mieux réduire légèrement la cible, mais accroître la disponibilité.
Quatrième précepte : les grands programmes en coopération tu maintiendras. C’est l’un des engagements du « code de conduite » de l’Agence européenne de défense.
L’avion A400M, dont l’absence nous a cruellement fait défaut au Mali, vole sous les couleurs tricolores, et les trois premiers exemplaires devront être livrés cette année. Sur cinquante appareils commandés, trente-cinq devraient arriver dans les forces avant 2025.
Si nous voulons vraiment faire des économies sur ce programme, fixons-nous comme objectif prioritaire de convaincre nos partenaires de mettre en commun les pièces de rechange et de faire du pooling and sharing dans le soutien ! Cela est d’autant plus important que pour un euro dépensé dans l’équipement en matière aéronautique, il faut dépenser deux euros dans le soutien.
Cinquième précepte : les lacunes tu combleras. Ou, du moins, tu essaieras de le faire.
Le transport stratégique et tactique est l’une de ces lacunes ; je n’y reviens pas. Le ravitaillement en vol en est une autre. Enfin, dans le domaine du renseignement, il nous faudra des drones MALE. À cet égard, je salue votre décision d’acheter des drones Reaper, mais vous devez aussi préparer l’avenir et engager, à l’échelon européen, les études pour un drone MALE de troisième génération.
De même, nous devons encourager l’étape suivante, celle, à l’horizon 2030, de l’UCAV, le drone de combat, dont un démonstrateur construit par un consortium européen emmené par Dassault a déjà volé. Je sais que, sur ce point, nous sommes en harmonie de pensée puisque, de votre aveu même, vous n’avez fait que suivre les recommandations énoncées par notre assemblée.
Cela me conduirait presque à formuler un sixième précepte : le Sénat tu gagneras à écouter ! §