Pour ce qui concerne l’espace militaire, une chose est certaine : c’est l’une des composantes essentielles de l’autonomie d’appréciation de la France. Il est donc indispensable de veiller à ce que la chaîne fonctionne, depuis les lanceurs jusqu’aux satellites de télécommunications, en passant par le renseignement optique, l’écoute électromagnétique, l’imagerie radar, ou encore l’alerte spatiale. Dans ce domaine, notre pays dispose d’un maître d’ouvrage remarquable, le Centre national d’études spatiales, le CNES, et d’industriels de toute première qualité, Astrium et Thales Alenia Space. Comme composante du renseignement, l’alerte spatiale apporte une contribution indispensable au suivi de la prolifération et à la détection de l’agresseur en soutien de la dissuasion.
Nous savons, au Sénat, qu’Astrium a mis de nouvelles propositions sur la table. Celles-ci visent à permettre à notre pays de se doter d’une capacité d’alerte autonome, dans le prolongement du démonstrateur SPIRALE, qui a donné des résultats extrêmement intéressants, et avec un coût réduit de moitié par rapport au satellite initialement envisagé. Il faut être extrêmement vigilant quant au maintien des compétences uniques acquises sur le démonstrateur SPIRALE, sous peine d’un déclassement important. Monsieur le ministre, ces propositions méritent sans doute d’être étudiées attentivement.
J’en viens à ma troisième et dernière observation, qui concerne la défense antimissile balistique, ou DAMB. Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même avons rédigé un rapport sur ce sujet. Nos conclusions sont simples : la DAMB est une menace, non pas militaire, mais économique. C’est la menace d’un déclassement de nos industriels en matière de technologies qui constitueront les technologies génériques de demain. Or j’ai le sentiment que cette menace a été sous-évaluée dans le Livre blanc, sans doute pour d’évidentes raisons budgétaires, mais peut-être aussi parce que les militaires ne voient que les enjeux strictement militaires de la DAMB et s’interrogent, avec raison, sur la réalité de la menace qui pèse sur nous. Pourtant, des solutions existent, dont le coût, qui se chiffre à quelques dizaines de millions d’euros, demeure à notre portée. Je ne les développe pas, mais sachez simplement que nous sommes quelques-uns, au Sénat, à nous inquiéter du traitement de ce dossier.
Monsieur le ministre, même si nombreux sont les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à apprécier la régularité, la franchise et la transparence des réunions que nous avons avec vous, même si nous sommes conscients des difficultés du moment, nous ne pouvons que nous interroger sur le point de savoir si les moyens seront au rendez-vous de vos ambitions.
La supériorité de nos armes reste la clé pour appartenir encore au club très restreint des puissances militaires qui comptent. Or nos militaires ne pourront indéfiniment faire mieux avec moins. Aussi, je reste circonspect.
Le maintien d’un effort minimal de défense à hauteur de 1, 5 % du PIB est une absolue nécessité. C’est une bonne chose que vous l’ayez obtenu et le Sénat vous en a remercié, par la voix du président de la commission.
Il est un message que nous comptons défendre, budget après budget, sur la plupart des travées de cette assemblée : la défense ne peut servir de variable d’ajustement budgétaire pour pallier, il faut bien l’avouer, l’absence de réformes de structures que nous n’avons pas toujours le courage de faire.
Aussi, le fait d’intégrer 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles dans la trajectoire financière de la loi de programmation militaire fragilise la crédibilité des objectifs affichés.
Notre devoir, en ces temps de crise, est de concentrer nos ressources sur « l’essentiel national », dont fait partie la défense, pour continuer à disposer des moyens que requièrent notre rang et notre rôle dans le monde.
Monsieur le ministre, vous trouverez de nombreux soutiens, ici, au Sénat, en matière de défense, dans l’intérêt bien compris de la Nation.
Comme le disait déjà Jules Ferry : « le Sénat ne saurait jamais être un instrument de discorde ni un organe rétrograde. Il n’est point l’ennemi des nouveautés généreuses ni des initiatives hardies. Il demande seulement qu’on les étudie mieux. » §