Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Président de la République a tenu l’engagement, pris en 2012, d’élaborer un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, pour tenir compte des bouleversements géostratégiques mais également économiques qui sont intervenus depuis 2008, et qui placent la France dans la nécessité d’ajuster sa posture de défense et de sécurité.
Je souhaite tout d’abord saluer la qualité des échanges et des consultations qui ont précédé l’élaboration du Livre blanc, en particulier au Sénat, mais également le souci stratégique qu’il incarne. Car cette spécificité française est regardée positivement à l’étranger, rares étant les pays européens dotés d’une analyse stratégique qui débouche concrètement sur une politique de défense nationale.
Le nouveau Libre blanc permet de maintenir la France dans son autonomie stratégique malgré la crise et la contrainte financière que connaît le ministère de la défense. Par conséquent, je suis satisfait que le Président de la République ait pris la décision de conserver un effort de défense au-delà de 1, 5 point du PIB, comme l’avaient demandé les groupes politiques du Sénat, de telle sorte que l’influence de la France et sa capacité à défendre sa place, ses intérêts et ses ressortissants soit maintenue. Aujourd’hui encore, le budget de la défense française demeure, par son montant, le deuxième en Europe et le sixième dans le monde.
Le Président de la République a pris l’engagement d’un effort de défense significatif et stable, avec un budget de la défense en 2014 de 31, 4 milliards d’euros – cela a été dit –, au même niveau qu’en 2012 et 2013 ; cet engagement est comparativement élevé, puisqu’il maintient l’effort sur plusieurs années : c’est une situation favorable par rapport à d’autres obligations.
Cependant, malgré un effort budgétaire important, le Livre blanc prévoit la poursuite de la révision du format des forces et du ministère dans son ensemble, avec la suppression de 24 000 postes au titre de la prochaine loi de programmation militaire, qui sera notamment débattue au Sénat. Bien que cette contraction des effectifs soit sensiblement moins importante que celle qui avait été décidée en 2009, avec la suppression de 54 000 postes sur la période 2009-2015, je m’inquiète de la traduction que pourraient avoir ces réductions d’effectifs sur le format des bases de défense.
En effet, lors des visites de terrain que j’ai pu effectuer dans le cadre de la préparation du rapport sur la mise en place de la réforme des bases de défense que j’ai coécrit avec mon collègue le sénateur André Dulait, j’ai pu constater que la réforme avait été effectuée avec beaucoup de brutalité, et que les militaires avaient vécu une période difficile.
Au-delà des 30 000 personnes qui ont quitté leur armée pour rejoindre la nouvelle organisation interarmées du soutien, c’est à un bouleversement du quotidien de tous les agents du ministère qu’a abouti la réforme, surtout perceptible pour les unités combattantes, qui ont perdu la plénitude de leurs moyens.
L’irruption d’une organisation matricielle dans un univers hiérarchique a bousculé les modes de fonctionnement ancestraux. Par ailleurs, les restructurations de la carte militaire, en densifiant les implantations, ont touché de plein fouet des dizaines de collectivités territoriales, avec la fermeture de classes, de services de la poste, du Trésor public et j’en passe. Dans les petites villes, le choc a été rude, notamment dans l’est de la France.
Au total, là où l’État aura dépensé 320 millions d’euros d’aides à la revitalisation économique, les collectivités en auront déboursé trois fois plus pour créer des activités de substitution, dont la pérennité n’est malheureusement pas avérée.
Aussi, les répercussions que pourraient avoir de nouvelles restrictions d’effectifs sur le stationnement des forces sont préoccupantes. Si le choix était fait dans la loi de programmation militaire de réduire, une fois encore, la carte des bases de défense, cette décision aurait des conséquences dramatiques dans les territoires concernés, et menacerait la croissance et l’emploi.
En effet, les soixante bases de défense que compte notre territoire, ce ne sont pas seulement des militaires, ce sont aussi des civils, ce sont leurs familles qui sont prestataires de services publics, ce sont leurs enfants qui fréquentent les écoles, ce sont des artisans, des commerçants, des PME qui maintiennent l’activité et l’emploi, au plus près des régions.
La fermeture de bases de défense serait synonyme de départ de population et d’augmentation du chômage, dans des territoires déjà en situation de fragilité économique, où la base militaire est le centre du tissu économique local.
Alors que les conditions de vie courante des armées se sont déjà fortement dégradées du fait de la suppression des 54 000 postes que j’ai évoquée voilà un instant, de nouvelles fermetures de bases de défense seraient vécues très douloureusement sur les territoires, pèseraient sur le moral des troupes et risqueraient de saper les efforts déjà consentis, en interarmées, sur la mutualisation et la rationalisation des efforts du dispositif de soutien, d’autant que les économies de la réforme des bases de défense engagée en 2011 restent à démontrer.
Bien que le format actuel des bases de défense ne permette sans doute pas de tirer tous les bénéfices possibles du concept d’embasement, une nouvelle réduction du nombre de bases de défense ne serait pas avantageuse, dans la mesure où elle se traduirait par la transformation d’actuelles bases en antennes, et ne produirait que très peu d’économies.
Mon collègue André Dulait et moi-même avons préconisé de conforter la réforme actuelle, et même de cesser certaines externalisations réalisées plus par idéologie que par pragmatisme.
Bien que la poursuite de la dynamique de réduction des forces soit nécessaire, la réflexion doit être menée en concertation avec les états-majors et les officiers supérieurs, au plus près du terrain, avec des objectifs compréhensibles par tous.
Aussi, je serai très attentif aux dispositions de la loi de programmation militaire qui sera soumise au vote du Parlement dès l’automne prochain, afin d’éviter la désertification militaire et de préserver le lien armée-nation. §