… à savoir une progression « zéro valeur », qui traduit de facto une diminution en termes réels des dépenses de défense.
Mon collègue député UMP Christophe Guilloteau et moi-même aurions dû alors démissionner. Néanmoins, par respect pour nos soldats, face à l’importance des enjeux et conscients de l’intérêt national, nous ne l’avons pas fait, contrairement à ce qui s’était passé en 2008.
Cinquième et dernière série de considérations : il nous faudra modifier – ensemble – la manière dont s’écrira le prochain Livre blanc.
Mes chers collègues, si vous le permettez, je vous livrerai quelques éléments de réflexion à cet égard.
Première proposition : la commission du Livre blanc ne doit plus perdre son temps à redécouvrir l’état du monde et à refaire chaque fois la prospective de défense.
L’atlas des menaces, des risques et des opportunités est la synthèse d’un ensemble d’analyses réalisées en permanence par des organismes dont c’est le métier. Lorsque la commission commence ses travaux, la prospective de défense doit donc être sur la table, les principales ambitions définies et la trajectoire budgétaire affichée. Les membres de la commission ne sont pas et ne doivent pas être des spécialistes de géopolitique ou de polémologie. Leur rôle n’est pas celui-là. Leur plus-value n’est pas celle-là. Ils doivent avant tout être indépendants. Leur rôle est d’élaborer des choix construits. Il faut donc que chacun fasse ce pour quoi il est le mieux placé et ce qu’il sait faire de mieux.
Le temps que la commission a perdu à refaire la prospective de défense s’est révélé d’autant plus dommageable que cette prospective venait d’être actualisée par le SGDSN, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. À quoi donc a servi ce document ? À rien. Fallait-il l’écarter au seul prétexte qu’il avait été conduit sous la précédente présidence ?
Deuxième proposition : il faut réfléchir à la création d’une structure légère mais permanente, permettant la synthèse et le croisement des exercices de prospective et capable de fournir à tout moment et dans la durée une prospective de défense. En effet, comme nous l’avons vu, le monde évolue en permanence.
Troisième proposition : les membres de la commission doivent travailler le plus possible ensemble. Limiter leur réflexion à tel ou tel aspect de la situation au travers de groupes de travail, c’est réduire artificiellement la portée de leur horizon et réserver toute vision d’ensemble au président et au rapporteur général ainsi qu’à ceux qui les assistent.
S’il faut créer des groupes de travail, il faut que ces instances agissent en synergie et s’enrichissent les unes les autres. Délibérer sur le format des forces ou sur l’industrie de défense n’a aucun sens ni aucun intérêt tant que l’analyse globale n’est pas achevée. Cette situation ne peut qu’aboutir à une succession de plaidoyers pro domo, tous très convaincants, mais qui font perdre le fil de l’intérêt général.
Quatrième proposition : il faut déterminer une meilleure articulation entre le moment de la commission et celui du politique. Il est légitime et incontestable que le Président de la République ait le dernier mot. Néanmoins, les exercices de « rétropédalage » de dernière minute doivent absolument être proscrits.
Enfin, – je conclurai ainsi pour ne pas excéder davantage mon temps de parole – le prochain Livre blanc doit être un document beaucoup plus bref et plus dense que le document actuel. La stratégie américaine tient en huit pages et celle du président russe sur une double page. Je rappelle par ailleurs que la stratégie élaborée par Ben Gourion pour Israël tenait en une seule page et qu’elle est toujours valable !
Au pays de Blaise Pascal, prenons donc le temps de faire court. Écrire un Livre blanc n’est ni un exercice intellectuel dont il faudrait comprendre les subtilités entre les lignes, ni un exercice pédagogique pour propager l’esprit de défense. C’est un document public destiné à être lu par nos amis comme par nos ennemis potentiels. Seul l’essentiel doit être dit !