Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 28 mai 2013 à 14h30
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat qui vient de se dérouler montre toute l’importance des choix qui sont énoncés dans le Livre blanc et qui définissent la stratégie de défense et de sécurité nationale. Ces choix sont fondamentaux car il y va de notre indépendance et de notre souveraineté, de la sécurité de nos concitoyens et de la défense de nos intérêts en France et dans le monde. Ces choix engagent la nation dans toutes ses composantes.

Cette stratégie a été approuvée par le Président de la République le 29 avril. Il en a confirmé les orientations vendredi dernier 24 mai devant I’IHEDN. Elle nous est présentée aujourd’hui.

Ce débat constitue également une étape dans un processus de participation accrue du Parlement au suivi et au contrôle des questions de défense, domaine traditionnel de l’exécutif, « domaine réservé », disait-on au début de la Ve République. Les décisions annoncées par le Président de la République le 24 mai vont dans le sens d’une plus grande implication parlementaire et d’une plus grande transparence. Je ne peux que m’en féliciter.

Notre commission a engagé sa réflexion sur le futur Livre blanc très en amont, dès le mois d’octobre 2011, alors qu’il n’était question encore que d’une revue du Livre blanc de 2008. En juillet 2012, nous avions adopté dix rapports qui ont été autant de contributions à la commission réunie en août et dont les travaux se sont achevés au début de cette année. Avec Daniel Reiner et Jacques Gautier, nous avons représenté le Sénat tout au long de ses travaux.

Il me semble important de rappeler que ces dix rapports ont été adoptés à l’unanimité par notre commission. Ce consensus qui dépasse les clivages partisans est une des caractéristiques de la commission que j’ai l’honneur de présider. Il témoigne, non d’un affadissement des opinions, ainsi que certains le prétendent, mais, au contraire, d’un esprit de responsabilité dès lors que l’intérêt national est en jeu.

Les décisions qui ont été prises, et qui trouveront leur concrétisation dans la loi de programmation militaire, n’étaient pas évidentes dans le contexte du nécessaire redressement des finances publiques, dont dépend aussi notre indépendance.

Grande était la tentation d’appliquer une logique comptable et de réduire drastiquement un budget qui atteint un peu moins de 10 % des dépenses publiques. C’était oublier que la défense n’est pas une dépense publique comme les autres, puisqu’elle est le garant de notre sécurité et, donc, de notre prospérité, maintenant et dans le futur.

C’est la raison pour laquelle, le 14 mars dernier, nous avions repris à notre compte la célèbre et quelque peu truculente apostrophe de Danton en 1792, en disant qu’aujourd’hui « La patrie est en danger », car sa défense l’est.

Nous avions néanmoins fixé à 1, 5 % du PIB le plancher en deçà duquel notre outil de défense et l’influence de notre pays dans le monde connaîtraient un véritable déclassement. Ce cri a été entendu, puisque, fait assez exceptionnel, tous les groupes politiques du Sénat, à l’exception du groupe écologiste, et avec l’abstention positive du groupe CRC, ont solennellement soutenu la position unanime de la commission. Je veux saluer ici l’engagement personnel du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui a mené la bataille du côté de l’exécutif avec le résultat que l’on sait.

L’arbitrage rendu par le Président de la République fait prévaloir l’intérêt supérieur de la nation. Il ne nous étonne pas puisqu’il correspond à ce que le candidat à l’élection présidentielle avait affirmé : la défense n’est pas une variable d’ajustement, mais elle se doit de participer, au niveau adéquat, à l’effort de redressement des finances publiques. Elle est la décision d’un homme d’État, qui rassure nos alliés et crédibilise l’action de la France à l’extérieur.

Cet effort est important. Nous en sommes d’autant plus persuadés que l’un de nos rapports de juillet dernier portait un titre un peu provocateur, mais qui décrivait bien notre réalité : Forces armées : un format juste insuffisant. §

Cet effort porte sur le budget global puisque celui de la défense est maintenu à son niveau actuel, mais il affecte aussi les forces armées, dont la déflation des effectifs devra se poursuivre encore. Un ajustement est nécessaire, incluant une réduction des coûts et du fonctionnement du ministère.

Nous avons, malgré tout, réussi à préserver l’essentiel, à fixer un plancher à la baisse des dépenses militaires. J’insiste sur le mot « plancher », car il est évident que le niveau actuellement arrêté n’est pas suffisant. Il donne, certes, un coup d’arrêt à la dégradation, mais n’a de sens que s’il s’inscrit, à terme, dès que l’environnement économique le permettra, dans une perspective de progression. Nous ne renonçons en aucune façon à l’objectif de consacrer à notre défense 2 % du PIB en norme OTAN ! §

Le chemin passe, nous le savons, par l’Europe et les partenariats. Nous y travaillons dans la perspective du Conseil européen qui sera consacré à la défense en décembre prochain. Ce sera, du reste, le thème central de nos prochaines universités d’été de la défense qui se tiendront en septembre, à Pau, et auxquelles j’ai l’honneur de vous inviter à participer nombreux ! Notre commission entend être une force de proposition en vue de ce Conseil. Il faut, comme vous le disiez, monsieur le ministre, que la France tire le meilleur parti, pour sa défense, de la construction européenne et de son insertion au sein d’alliances. Il faut être pragmatique. §

Pour autant, nous sommes bien conscients que le débat d’aujourd’hui est une étape importante, mais une étape dans un processus qui va demander toute notre vigilance, cher Xavier Pintat, dans les mois et les années à venir. Mais le cap est fixé par le Président Hollande : « assurer le meilleur entraînement, le meilleur équipement, le meilleur renseignement pour nos armées ».

La loi de programmation militaire sera présentée à l’Assemblée nationale en octobre, puis au Sénat. Nous serons particulièrement attentifs à ce que les orientations arrêtées dans le Livre blanc soient scrupuleusement respectées. Mais je sais, monsieur le ministre de la défense, que vous y veillerez. En particulier, il faut que nous disposions d’une garantie que les recettes exceptionnelles, qui doivent permettre, tout au long de la programmation, le respect des décisions du Président de la République, soient bien au rendez-vous. Je veux dire ici à Mme Aïchi que les recettes exceptionnelles prévues dans la précédente durée du Livre blanc ont été encaissées, même au-delà des 3 milliards d’euros qui étaient indiqués, et ne se sont donc pas résumées à 900 et quelques millions d’euros.

Il est clair, dans mon esprit, que, si les recettes exceptionnelles ne pouvaient se réaliser conformément à ce qui sera inscrit dans la loi, ce sera au budget général, sous la forme d’une réserve, comme pour ce qui concerne les OPEX, ou sous toute autre forme, d’abonder à due concurrence.

Selon moi, il sera également nécessaire d’inscrire une clause de contrôle en 2016, …

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