Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux, au terme de ce débat, remercier les uns et les autres de la qualité des interventions que nous avons entendues et de la pertinence de celles-ci.
Mes remerciements vont tout particulièrement à Daniel Reiner, à Jacques Gautier ainsi qu’au président Carrère, qui ont siégé au sein de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, à laquelle ils ont apporté leurs contributions, souvent très argumentées. Concernant le déroulement des travaux, je partage certaines de leurs remarques, y compris sur le temps de latence qu’ils ont constaté à un moment donné.
Contrairement à ce qu’a affirmé M. Jacques Gautier, il n’était pas évident d’obtenir l’engagement financier tel qu’il a été indiqué. Des débats et des négociations ont eu lieu avant le choix du Président de la République.
La tâche était très difficile. En effet, l’enjeu était à la fois de tracer des perspectives stratégiques et de tenter de résoudre deux impératifs de souveraineté, sur la durée.
Le premier impératif avait trait à la souveraineté budgétaire. Les crises économique et financière successives que nous avons traversées font peser sur notre dette une pression inédite. Le règlement de la dette est devenu un enjeu de souveraineté.
Le second impératif était lié à la nécessité de garantir notre souveraineté stratégique en raison de l’ampleur des bouleversements géopolitiques et géostratégiques intervenus depuis 2008.
Face à la diversité des menaces pesant sur notre sécurité, il fallait éviter de baisser la garde, même s’il était sans doute nécessaire d’apporter quelques inflexions aux orientations du Livre blanc de 2008.
Il nous fallait donc résoudre une équation très difficile, qui supposait, si elle était validée, des engagements financiers définitifs et garantis.
Monsieur Jacques Gautier, les discussions budgétaires et financières se sont poursuivies pendant toute la durée des travaux, jusqu’à l’arbitrage opéré par le Président de la République. Par conséquent, je suis tenté de dire en cet instant que tous les propos entendus alors sur les risques de déclassement financier et budgétaire sont aujourd'hui passés à l’arrière-plan.
On avait dit : la défense ne sera pas une variable d’ajustement. Elle ne l’est pas ! On avait également dit : la défense contribuera ni plus ni moins à l’effort de redressement des comptes publics. Elle y contribue plutôt moins que d’autres départements ministériels.
C’est donc un résultat équilibré que le Président de la République a approuvé au terme des travaux de la commission du Livre blanc.
Ainsi, le budget de la défense est stabilisé à hauteur de 31, 4 milliards d’euros, non pas uniquement pour l’année 2014, monsieur Chevènement, mais pour les années 2014, 2015 et 2016.
La loi de programmation militaire qui sera débattue ici à l’automne prochain prévoira l’inscription dans le temps des engagements capacitaires et financiers. J’espère qu’il sera possible d’inscrire une révision de la trajectoire à la fin de l’année 2016, pour constater une reprise de la croissance et, donc, une situation meilleure.
Avec ces engagements, monsieur le président Carrère, en norme OTAN, nous consacrerons 1, 76 % du PIB à la défense. Vous y avez vous-même fait référence. En effet, concernant le pourcentage du PIB, il y a une série d’écoles. Pour ma part, je m’en tiens à celle-là, parce qu’elle nous permet de comparer avec d’autres pays. Certains souhaitent, comme vous-même, que nous puissions aller à un niveau supérieur, et même jusqu’à 2 % en norme OTAN. Nous nous en tenons à 1, 76%, mais c’est beaucoup mieux que les références qui étaient diffusées à l’automne dernier.
Cela constitue, me semble-t-il, une avancée significative. Le Livre blanc permet, je le répète, de parvenir à un équilibre.
Le Livre blanc est aussi de nature à maintenir les grandes missions de notre sécurité – une mission de protection, une mission de dissuasion et une mission d’intervention –, ainsi que certains d’entre vous l’ont rappelé au cours du débat.
À cet égard, je répondrai aux orateurs qui se sont interrogés sur les missions de dissuasion et d’intervention.
Je veux le dire à Mmes Demessine et Aïchi ainsi qu’à M. Chevènement, la dissuasion est maintenue dans sa capacité, dans la stricte suffisance. C’est l’une des trois grandes missions assignées à nos armées dans ce Livre blanc, parce qu’elle constitue la garantie ultime contre les agressions ou les menaces d’agression d’origine étatique qui cibleraient nos intérêts vitaux – nous ne pouvons pas les exclure – et permet d’écarter tout chantage qui voudrait paralyser la liberté d’appréciation, de décision et d’action de la France.
Cette mission fondamentale de notre défense est évidemment garantie dans le Livre blanc qui a été proposé. C’est peut-être un point de divergence entre nous, mais je le dis ici avec force.
Concernant le désarmement, je suis tenté de dire que la France a fait son devoir depuis plusieurs années. En effet, nous avons démantelé nos installations de production de matières fissiles, ainsi que nos sites d’essais nucléaires, et réduit notre arsenal à 300 têtes maximum.
Avec les deux composantes, nous sommes dans la stricte suffisance pour assurer la mission de dissuasion que je viens d’évoquer et à propos de laquelle je tiens à réaffirmer le choix fondamental opéré par le Président de la République, un choix qu’il avait d’ailleurs annoncé avant son élection. Cette décision s’inscrit dans la continuité de ce qui constitue les fondamentaux de la défense de notre pays depuis de nombreuses années.
C’est d’autant plus nécessaire maintenant que, dans le panorama géostratégique que nous connaissons, nous devons faire face – M. le Premier ministre l’a affirmé dans son propos introductif – à la fois aux menaces de la force et aux risques de la faiblesse, que l’on a évoqués à plusieurs reprises. S’y ajoute le risque de surprise stratégique, qui a été abordé par M. Pintat.
La meilleure garantie contre l’ensemble de ces risques et de ces menaces, c’est bien la dissuasion, dans ses deux composantes. La situation est désormais claire pour ceux qui s’interrogeaient à cet égard.
Je le sais, mesdames Demessine et Aïchi, certains experts militaires – d’ailleurs, ils l’écrivent – ne partagent pas ce point de vue. Mais le choix est fait, il est maintenu, il est garanti et il sera respecté dans la future loi de programmation et, j’en suis convaincu, dans la loi de programmation suivante.
Concernant les missions d’intervention, certains d’entre vous ont exprimé des inquiétudes sur l’armée de terre et se sont interrogés sur nos capacités d’intervention.
La France est le seul pays qui maintient ses trois missions fondamentales – plusieurs d’entre vous l’ont dit –, et qui possède la capacité d’entrer en premier et de tenir des interventions dans la durée en cas d’opérations de coercition ou de crise.
Avec les 66 000 hommes de la force terrestre projetable, qui sont inscrits dans le Livre blanc et qui figureront dans la loi de programmation, nous permettons la mobilisation de 6 000 à 7 000 hommes dans la durée, projetables et renouvelables, sur deux ou trois théâtres de crise. Dans le même temps, nous pouvons mobiliser 15 000 hommes en cas d’opération de coercition majeure, avec un préavis significatif.
Nous avons donc réduit l’effectif de 30 000 hommes prévu dans le précédent Livre blanc et la précédente loi de programmation, c'est-à-dire sur le papier – on s’est très rapidement rendu compte que cet effectif ne pouvait pas être mobilisé dans son ensemble ! –, à 15 000 hommes, qui s’ajoutent aux 7 000 hommes. On oublie souvent de les additionner !
Pour notre part, nous avançons des chiffres réels ; cet effectif permettra d’assurer le maintien des missions d’intervention dans toute leur diversité, ainsi que le renouvellement des forces projetées. Du reste, ceux qui évoquaient un déclassement stratégique n’en parlent plus : toutes les missions sont maintenues, comme le sont les moyens afférents.
Permettez-moi de formuler une remarque sur les recettes exceptionnelles.
Le maintien des trois missions fondamentales exige une mobilisation financière.
Je n’ai pas les inquiétudes que certains ont pu exprimer quant à la réalité des recettes exceptionnelles qui pourraient être mobilisées au cours des échéances budgétaires à venir.
Tout d’abord, parce que l’exercice budgétaire 2013 montre que les recettes exceptionnelles annoncées, à hauteur de 1, 3 milliard d’euros, sont au rendez-vous.
Ensuite, parce que les engagements du Président de la République et du Premier ministre, dans son discours introductif, apportent une garantie sur la durée.
D’où viendront ces recettes exceptionnelles ? De trois sources différentes : les opérations immobilières, les ventes de fréquences et les cessions d’actifs. Ces cessions, qui ne concerneront pas seulement des actifs militaires potentiels, ne pourront être réalisées qu’à la condition que les garanties de souveraineté indispensables soient maintenues dans les industries de défense.
Mon ministère est en train de travailler sur ces trois orientations avec le ministère du budget et le ministère de l’économie et des finances ; nous aboutirons à un résultat qui nous apportera les garanties nécessaires, comme le Président de la République et le Premier ministre s’y sont engagés. Je sais bien qu’on peut toujours s’interroger. Pour ma part, en tout cas, je n’ai pas d’inquiétudes graves.
Je ne pourrai pas, ce soir, répondre à l’ensemble des questions qui m’ont été posées, mais mon assiduité devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat me permettra de compléter mon propos au cours des prochaines semaines.
Monsieur Gautier, j’ai pris bonne note de vos six commandements.