Notre travail avec les Britanniques pour la mise en place en 2016 d’un corps expéditionnaire conjoint, prévue par les accords de Lancaster House, est un exemple de coopération au niveau opérationnel. Nous coopérons aussi avec les Allemands et avec d’autres pays européens dans le cadre de l’opération Atalante. Accumulons les initiatives croisées pour aboutir à un concept de l’Europe de la défense qui s’imposera de lui-même, parce que l’Europe de la défense devient progressivement une nécessité après avoir été peut-être davantage un vœu. Telle est en tout cas la logique de mon action.
La question de l’Europe de la défense me conduit à celle des alliances, qui lui est liée. À ce propos, je tiens à signaler à plusieurs orateurs, notamment à Mme Demessine, que notre place dans l’OTAN est abordée dans le Livre blanc sur le fondement des suggestions émises par le rapport de M. Védrine.
Il s’agit de constater que nous sommes dans le commandement intégré et, partant, d’y prendre toute notre place. Autrement dit, loin d’être le passager clandestin ou le passager à regret de l’Alliance atlantique et de son commandement intégré, notre pays doit en être définitivement un acteur. Cette attitude change la donne car, dès lors que nous l’adoptons, nous pouvons être en mesure d’infléchir la doctrine et les orientations, tout en conservant notre autonomie stratégique et notre capacité de décision propre, comme nous l’avons fait dans l’opération au Mali. Telle est la voie tracée par le Livre blanc. Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté sur cette question, ni dans un sens ni dans l’autre.
Messieurs Lorgeoux et Berthou, la cybersécurité est inscrite dans le Livre blanc. Dans ce domaine, des priorités essentielles ont été fixées, en particulier l’existence d’une chaîne de commandement opérationnel de la cybersécurité au sein du centre de planification et de conduite des opérations, le CPCO. La nécessité a aussi été affirmée de consolider une base industrielle de bon niveau dans ce domaine. En outre, des ressources humaines notables doivent être affectées à la cyberdéfense ; cet objectif concerne à la fois le recrutement, la formation et la réserve, ainsi que l’expertise citoyenne.
En tout cas, c’est un fait acquis que la cyberdéfense, qui était une indication dans le Livre blanc de 2008, est aujourd’hui reconnue comme une nécessité et une véritable capacité militaire.
À propos de la maritimisation, monsieur Trillard, nous sommes tout à fait en phase sur les grands enjeux de demain. Le Livre blanc réaffirme trois objectifs dans ce domaine : faire respecter le droit et, en particulier, défendre notre souveraineté partout dans notre espace océanique, qui est le deuxième au monde ; s’opposer aux trafics illégaux et lutter contre la piraterie qui se développe, non plus seulement dans la corne de l’Afrique, mais aussi dans le golfe de Guinée ; nous assurer que nous sommes capables de mener des opérations à partir de la mer. Je suis convaincu que les choix qui ont été arrêtés, en particulier le renforcement, évoqué par le Livre blanc, de certaines capacités d’intervention de la marine, nous permettront d’atteindre ces trois objectifs.
D’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous avez bien lu le Livre blanc, vous aurez observé que les inflexions géostratégiques qu’il marque par rapport au Livre blanc de 2008 intègrent, d’une part, l’enjeu maritime et les nouveaux risques maritimes et, d’autre part, la nécessité d’un partenariat stratégique rénové entre la France et l’Afrique.
S’agissant de ce dernier point, monsieur Lorgeoux, je partage entièrement votre position. Il faut que nos prépositionnements et notre présence en Afrique, ainsi que les accords que nous passons avec plusieurs pays africains, soient un outil réactif et flexible. La loi de programmation militaire sera l’occasion de réfléchir à l’évolution de ce dispositif pour le rendre mieux adapté aux besoins. Il s’agit d’une orientation forte du Livre blanc ; elle se traduira aussi dans la loi de programmation militaire.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations que je souhaitais présenter en réponse aux remarques qui ont été formulées dans le débat. Je n’ai pas répondu à la totalité de celles-ci, mais je ne veux pas être trop long. Le dialogue permanent que j’entretiens avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat me permettra de compléter mon propos.
Permettez-moi, pour conclure, d’évoquer les hommes et les femmes de la défense, qui sont pour moi le plus important.
Beaucoup d’orateurs ont fait référence à leur courage et à leur professionnalisme. Ils sont en effet en première ligne pour faire respecter nos intérêts de sécurité et nos valeurs, parfois au péril de leur vie. Ils le font le plus souvent dans l’ombre, la discrétion étant une des conditions de l’efficacité de notre défense.
Le débat que nous venons d’avoir et l’élaboration d’un Livre blanc sont des moments privilégiés pour rendre à ces hommes et ces femmes l’hommage qu’ils méritent. Vous l’avez fait.
Plus encore, nous ne devons cesser de penser à eux au moment de prendre les décisions les plus importantes pour notre défense. C’est ce qui a été fait pour le Livre blanc. Nous avons, dans le cadre de son élaboration, mis en place une plate-forme participative, qui a connu un très grand succès ainsi qu’en attestent les 300 000 visites et 7 000 contributions de militaires recueillies. Nous aurons la même attention à leur égard pour la loi de programmation militaire.
Je sais qu’il faudra réduire l’ensemble du périmètre de 24 000 postes. Nous mettrons en place les moyens d’accompagnement pour que cela se fasse le mieux possible et continuerons, dans le même temps, à recruter et à former ceux qui, de manière exemplaire, assurent la sécurité de notre pays et qui ont fait preuve, tout particulièrement au Mali, d’un courage et d’un professionnalisme reconnus de tous.
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre contribution au Livre blanc. Je vous remercie de votre attention et vous confirme mon souci de poursuivre avec vous une collaboration active, dans l’intérêt bien compris de notre pays. §