Intervention de Jean-Pierre Kieffer

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 25 avril 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Pierre Kieffer président et frédéric freund directeur de l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir oaba

Jean-Pierre Kieffer, président de l'OABA :

L'abattage rituel sans étourdissement soulève deux problèmes majeurs : la tromperie du producteur et du consommateur, et la souffrance de l'animal.

Sur le premier point, comme vient de l'exposer M. Freund, l'éleveur ne sait pas toujours quel sera le sort de ses animaux. Nous avons reçu des lettres particulièrement émouvantes de professionnels qui appliquent des normes européennes très strictes en matière d'élevage et de transport et qui ne comprennent pas que leurs animaux puissent être abattus selon une procédure qui ne correspond pas à la réglementation - d'autant plus lorsque la production est destinée à des consommateurs qui n'ont pas une exigence halal ou casher. Nous constatons aussi des réactions très fermes de la part de la confédération des boucheries artisanales et des charcutiers traiteurs, qui se voient obligés de mentir à leurs clients, ainsi qu'il l'ont exposé dans un récent communiqué de presse. Les professionnels comme les consommateurs réclament de la clarté.

C'est pourquoi la liste des abattoirs pratiquant l'étourdissement que nous avons éditée constitue une défense des professionnels de l'élevage. Notre association ne prône pas le végétarisme et son but n'est pas de nuire à l'élevage français. Nous souhaitons indiquer aux consommateurs qui le souhaitent qu'ils peuvent consommer de la viande produite en France et issue d'un animal abattu avec étourdissement dans un abattoir respectant la réglementation qui prévoit l'étourdissement des bêtes. Selon cette liste, 44 % des établissements d'abattage sont dans cette situation. Cette liste a été établie sans l'appui du ministère de l'agriculture, à partir d'une compilation des arrêtés préfectoraux qui sont nécessaires depuis le mois de mars 2012 pour qu'un abattoir puisse exercer son activité sans pratiquer systématiquement l'étourdissement. Particulièrement complète, elle est très précise sur les espèces animales concernées dans chaque abattoir.

Sur la question de la souffrance animale, il faut se représenter concrètement la scène d'abattage afin de bien saisir les enjeux. L'animal immobilisé soit debout, soit renversé, a la gorge tranchée par un opérateur plus ou moins habile, le plus souvent avec plusieurs coups de couteau. Il en résulte une plaie béante puisqu'on a coupé la peau, les muscles, les vaisseaux, la trachée, l'oesophage. L'animal est alors toujours vivant, et après une première chute, il retrouve ses esprits, se relève est commence une douloureuse agonie qui dure en moyenne de deux à cinq ou six minutes - quatorze minutes étant une durée extrême, qui concerne plutôt les vaches laitières qui se saignent plus lentement. La bête étant debout, elle plie le cou, ce qui a pour effet de ralentir la fuite sanguine et prolonge d'autant l'agonie. Lorsque des caillots se forment, il est parfois nécessaire de soulever à nouveau son cou pour trancher de nouveaux vaisseaux.

Je ne souhaite pas faire de sensiblerie, mais il faut avoir conscience que la souffrance animale existe bel et bien. Une souffrance même de quelques minutes est inacceptable dès lors que nous considérons dans un texte de loi que l'animal est un être vivant sensible.

Il existe aujourd'hui une vraie dérive de l'abattage sans étourdissement. De nombreuses querelles de chiffres ont eu lieu à ce sujet, notamment lors de la campagne présidentielle. Le chiffre de 14 % alors avancé par l'ancien ministre de l'agriculture Bruno Le Maire est faux. Il renvoyait au tonnage de viandes issues des animaux abattus sans étourdissement, et non au nombre de têtes d'animaux abattus - la distorsion est importante, puisque les ovins pèsent beaucoup moins lourd que les bovins. Or ce n'est pas la viande qui souffre, mais les animaux que l'on abat ! Nous avons pu établir des chiffres réels et actualisés en visitant 225 des 280 abattoirs français. Selon notre enquête, 60 % des ovins, 35 à 40 % des veaux et 20 à 25 % des gros bovins sont abattus sans étourdissement.

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