J'ai été plusieurs fois auditionné à l'Assemblée nationale et je me réjouis de cette première audition devant une commission sénatoriale, car il est important que les chercheurs publics s'expriment devant les élus. Je crois à l'union de toutes les volontés pour améliorer la situation environnementale. J'ai participé l'an dernier à 84 conférences dans le monde entier, partout l'on me dit que des changements doivent être opérés. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais accepté la présidence du Muséum afin de jouer un rôle en 2010 lors de la conférence de l'Organisation des nations unies (ONU) sur la biodiversité. Nous avions à cette occasion formulé trois questions : qu'est-ce que la biodiversité, pourquoi s'en préoccuper et que faire après le 31 décembre 2010 ? Les 25 et 26 janvier 2010, à Paris, à l'Unesco, nous avons dû reconnaître que nous n'avions pas tenu les engagements fixés en 2002 à Johannesburg et, c'est typique de l'homo sapiens, nous avons reporté l'échéance à 2020. Aussi l'ONU a-t-elle consacré la décennie à la biodiversité.
Il nous faut encore réfléchir sur le climat, la transition énergétique, l'eau, la biodiversité. Je me suis beaucoup rapproché du monde de l'entreprise. Nous devons pouvoir tenir un discours commun. Il convient d'aborder ces sujets avec humilité, d'abord, sans croire que l'homme est sorti de la nature, qu'il n'est plus lié aux considérations biologiques communes à toutes les espèces vivantes - nous portons plus de bactéries que nous n'avons de cellules. Le partage, ensuite, est ici essentiel. L'homo erectus a vécu de cueillette et de chasse pendant 600 000 ans à Tautavel sans nuire à la biodiversité parce qu'il restait en communautés d'une vingtaine de personnes ; nous sommes désormais 7 milliards et bientôt 9 et ne partageons pas. Le respect, aussi, est indispensable pour travailler ensemble. Enfin, ce n'est pas l'équilibre qui caractérise la nature : elle change en permanence, mais revient à une harmonie après un traumatisme.
Ma position à la présidence du Muséum m'a mis en contact avec des communautés que je ne voyais pas dans mon laboratoire. Or, lorsque je suis allé au sommet de Rio, j'ai constaté qu'il fallait 2 heures 30 pour aller du forum du monde politique à celui des peuples... Nous nous heurtons en outre au déni et à la triche - les championnes n'atteignent plus les performances réalisées jadis par les sportives est-allemandes. En revanche, dans la réflexion sur la manière de vivre en harmonie, je crois à l'apport des citoyens à la connaissance - nous avons 25 000 acteurs participatifs. Et pour cela, le Muséum s'emploie à restituer cette connaissance, de manière à fidéliser ceux qui la créent en contrepartie d'une meilleure prise en compte des questions environnementales.