… que je salue et auquel je tiens à rendre hommage. Dans la première, il interrogeait déjà le ministre de l’époque, Benoist Apparu, sur le problème des recours abusifs et dilatoires. J’entends encore Benoist Apparu l’assurer de la publication imminente d’un décret en Conseil d’État.
Avec la ténacité et la pugnacité qu’on lui connaît, notre collègue vous a posé la même question, madame la ministre, à l’occasion de l’examen par le Sénat d’une proposition de loi visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. Vous aviez alors promis de rechercher des solutions efficaces à ce problème lancinant, aujourd'hui à l’origine d’un déficit de construction de quelque 25 000 logements chaque année en France – 5 000 dans la seule ville de Marseille !
Madame la ministre, en recourant à un groupe de travail présidé par M. Daniel Labetoulle, juriste hors pair et ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, et composé de tous les professionnels concernés par ces problèmes, vous avez choisi la meilleure des méthodes ; je vous en donne acte ! La commission des lois a apprécié et la méthode, et les propositions de ce groupe de travail.
Les mesures préconisées par ce dernier s’inscrivent en totale cohérence avec l’action que vous menez, depuis l’été 2012, pour lever les freins à la construction dans notre pays et encourager la production de logements. Du reste, j’ai compris que vous comptiez les reprendre – du moins vous ai-je entendue annoncer, à l’Assemblée nationale, votre intention de vous en inspirer lorsque vous recourrez aux ordonnances –, à l’exception des restrictions à l’action en démolition, qui semblent vous inspirer quelque réticence Elles ont toutes reçu un avis plus que favorable de la commission des lois. Permettez-moi de les rappeler.
La première recommandation vise à clarifier les règles de l’intérêt pour agir. À ce sujet, il est utile de rappeler qu’avant même que le groupe de travail présidé par M. Labetoulle ne se réunisse des restrictions figuraient déjà dans le code de l’urbanisme, notamment sur la qualité pour agir des associations qui se constitueraient spécifiquement pour intenter un recours postérieurement à l’affichage en mairie.
La proposition du groupe de travail vise à aller plus loin, en permettant au juge de veiller à ce qu’existe un bon équilibre entre le droit au recours et le droit à construire et, pour cela, de « resserrer » l’intérêt à agir aux cas d’atteinte directe aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien possédé ou occupé. Une telle évolution me paraît aller dans le bon sens.
La deuxième recommandation vise à introduire ce que le groupe de travail appelle une procédure de « cristallisation des moyens ». Grâce à cette dernière, le juge, maître du calendrier de la procédure contentieuse, pourrait, à partir d’une certaine date qu’il fixerait, refuser que de nouveaux moyens soient soulevés pour la première fois devant lui, à l’exception, bien sûr, des moyens d’ordre public. Cette procédure présente l’avantage de compliquer et donc d’annihiler l’effet dilatoire d’une distillation bien comprise des moyens. Dans ces conditions, nous aurions tort de ne pas l’expérimenter.
La troisième piste consiste à instituer un mécanisme de régularisation en cours d’instance à l’initiative du juge. Pour les juristes de mon âge, à qui l’on a enseigné que le droit applicable se cristallisait le jour de la requête, une telle proposition est tout à fait novatrice. Elle consiste à permettre au juge qui constate un vice de forme ou de procédure d’octroyer un délai pour le dépôt d’un permis modificatif de nature à faire disparaître la cause d’illégalité et donc le risque d’annulation. Ce mécanisme de régularisation est extrêmement constructif et novateur.
Le quatrième dispositif envisagé par le groupe de travail pour lutter plus efficacement contre les recours abusifs permet au défendeur, c’est-à-dire à la victime du recours abusif, de présenter immédiatement des demandes en indemnité devant le juge administratif, juge de l’annulation et de l’excès de pouvoir. C’est l’entrée de la dissuasion nucléaire dans le contentieux de l’acte !
Du reste, cette voie nous semble plus pertinente que le relèvement de 3 000 à 10 000 euros du plafond de l’amende proposé par Annick Lepetit, rapporteur à l’Assemblée nationale. En effet, quel que soit le montant de l’amende, c’est toujours l’État qui en encaisse le produit ! En revanche, les membres de la commission des lois ont trouvé extrêmement intéressant que ce soit la victime – autrement dit, le promoteur n’ayant pas pu construire et s’étant exposé, par exemple, à des agios bancaires – qui bénéficie effectivement des dommages et intérêts prononcés. Cette mesure nous semble mériter d’être expérimentée.
Toutefois, la commission des lois a fait observer que son adoption par ordonnance ne devait pas interdire à la victime la possibilité d’une éventuelle action contentieuse a posteriori devant le juge civil : à défaut, un problème constitutionnel de partage des ordres juridictionnels – administratif et judiciaire – risquerait de se poser. Cela n’a d'ailleurs pas échappé à votre sagacité, madame la ministre !
La cinquième recommandation, extrêmement efficace, concerne ceux que j’appelle les « rançonneurs », …