Vous le savez, lorsqu’il est question de la loi dite « loi MOLLE », de 2009, nous sommes extrêmement vigilants. Nous en avons très souvent demandé l’abrogation, considérant qu’elle plaçait le logement dans une logique exclusivement marchande et les organismes HLM dans une logique purement comptable. Nous sommes donc, a priori, méfiants !
Ce projet de loi a été étoffé, lors de sa discussion à l’Assemblée nationale, par l’ajout du présent article 5, qui prolonge de cinq années la durée d’application de la procédure de conception-réalisation au bénéfice des organismes HLM prévue par la loi MOLLE.
Qu’en est-il, au juste, de cette procédure ? Elle déroge à la loi dite « loi MOP » – relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée – et au principe d’indépendance du concepteur vis-à-vis de l’entreprise. En effet, ce marché particulier permet au maître d’ouvrage de confier simultanément la conception – c'est-à-dire les études – et la réalisation d’un ouvrage à un groupement d’opérateurs économiques ou à un seul opérateur.
Elle avait été strictement encadrée en raison de nombreuses dérives constatées dans les années quatre-vingt-dix, lorsqu’elle était largement utilisée.
En réalité, ce marché dérogatoire se traduit par une réduction drastique de la concurrence, restreignant aux seules grandes entreprises l’accès à la commande publique.
Dans ce cadre, le choix architectural est également limité et le maître d’ouvrage est rendu tributaire des intérêts de l’entreprise qui est son mandataire – entreprise qui, bien souvent, est un major du secteur du BTP.
Les principes d’égalité de traitement des candidats et de libre accès à la commande, fondements de la commande publique, sont considérablement affaiblis par ces dispositions dérogatoires.
La loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009, dite « loi Boutin », avait permis aux opérateurs de logement sociaux d’utiliser la procédure de conception-réalisation sans devoir justifier de motifs techniques, dans le but – théorique – d’accélérer et d’augmenter temporairement la production, cela jusqu’à la fin de l’année 2013.
Prolonger de cinq ans cette possibilité, sans qu’aucun élément le justifiant nous ait été présenté, ne peut nous convenir.
Cette dérogation revient à privilégier les entreprises générales et les grands groupes du BTP au détriment du tissu économique constitué par les artisans et les PME dans nos territoires. Si elle permet de diminuer le temps de consultation de quelques semaines, ce gain est négligeable au regard d’une durée d’usage de plusieurs décennies.
Comme nous vous l’avons dit plusieurs fois, l’urgence, à notre sens, ne doit pas nous conduire à légitimer des dérogations multiples au droit, mais bien à le réécrire pour que celui-ci réponde à l’exigence de construction, permettant une production de logements qui soit guidée par une démarche ambitieuse, y compris sur le plan qualitatif.
Le choix des concepteurs de notre cadre de vie doit s’effectuer sur le critère de la compétence et sur concours, privilégiant ainsi la meilleure opération et la satisfaction des usagers sur la durée de vie du bâtiment.
Nos concitoyens méritent d’avoir un logement, c’est certain, mais ils méritent également une architecture de qualité. Ils méritent que l’on conçoive des logements remarquables, et le logement social s’est souvent trouvé, à ce titre, à la pointe de l’innovation.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article.