Mes chers collègues, après les développements de notre collègue sur le ferroviaire, je vais, pour ma part, évoquer les problèmes du secteur routier.
Je vous rappelle que, jusqu'au début des années 70, le réseau routier national comportait environ 80 000 km, dont 40 000 km de voies départementales intégrées au domaine public national en 1930 pour soulager les finances locales. Sur la base d'un schéma directeur établi par la Direction des routes en collaboration avec la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), la loi du 29 décembre 1971 a prescrit la décentralisation de 53 500 km. L'action de l'Etat s'est alors concentrée, parallèlement au développement du réseau autoroutier concédé, sur un réseau de 27 500 km assurant les relations entre Paris, les « métropoles d'équilibre » et les agglomérations de plus de 40 000 habitants, ainsi que sur et les itinéraires supportant, en 1965, au moins 2 000 véhicules/jour sur plus de 75 km.
Puis, le réseau national a été marqué par l'augmentation du réseau autoroutier concédé. La loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 a fait évoluer le réseau routier national avec un transfert aux départements de 16 947 km en 2006, de 340 km en 2007 et, depuis 2008, le reclassement supplémentaire de 574 km dans la voirie départementale ou communale. Ce transfert important aux départements avait été accompagné de l'engagement public de M. Gilles de Robien, alors ministre des Transports, que l'Etat ne solliciterait pas les collectivités territoriales pour le réseau étatique restant, dénommé PDMI. La réalité a été tout autre, car les demandes de l'Etat ont été multiples et pressantes.
Le réseau routier national comptait donc, au 1er janvier 2013, 20 938 km, dont 12 136 km non concédés et 8 802 km concédés. L'Etat a consacré 433 millions d'euros à l'entretien courant, et il est prévu que l'investissement devrait être de 770 millions d'euros en 2013.
Globalement, le bilan des trente dernières années est très contrasté en matière d'infrastructures routières : alors que les grandes voies au départ de Paris ont été considérablement améliorées par le développement des autoroutes, ou leur équivalent pour l'ouest de la France, certaines zones peu peuplées du territoire, dont le grand Massif Central ont été délaissées. L'équité a été abandonnée au profit de la compétitivité, dans un contexte de renoncement à la politique d'aménagement du territoire « dissoute » dans celle de décentralisation.
Cependant, il n'y a pas de fatalité de déclin pour les territoires à faible densité, pour peu que soient mobilisées à bon escient toutes les possibilités financières disponibles pour renforcer leur desserte par des services de transport diversifiés. Ceux-ci sont d'abord composés d'un indispensable renforcement du réseau routier de proximité. En effet, le maintien en bonne condition du réseau routier et autoroutier est indispensable à l'accessibilité et à la croissance économique, et la modernisation du réseau routier de proximité est une priorité à réaliser à un coût raisonnable.
Les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ont remplacé, en 2009, les contrats de plan Etat-Régions (CPER). Le ministère de l'Écologie et du Développement durable les présente comme des programmes recouvrant l'ensemble des opérations de modernisation du routier non concédé existant, sans créer de nouvelles fonctionnalités et sans augmenter substantiellement la capacité du réseau, ce qui fige ces infrastructures et constitue l'annonce très claire que le réseau existant ne sera pas développé.
Les orientations de l'Etat en matière d'entretien, de modernisation et de développement des réseaux portent, dans cet ordre, sur la réduction des impacts environnementaux et de la consommation des espaces agricoles et naturels, et, enfin, les aides apportées aux collectivités territoriales pour le développement de leurs propres réseaux.
Les nouvelles priorités dégagées en matière de modernisation du réseau routier consistent donc à améliorer la qualité environnementale des infrastructures et le cadre de vie des riverains (quand ils existent !), à optimiser leur fonctionnement en améliorant la fiabilité des temps de parcours pour les usagers, et la sécurité routière, le renforcement de l'accessibilité des territoires n'étant qu'un impératif secondaire.
Ce programme avait deux objectifs essentiels : remédier au « mitage » des itinéraires en les achevant, et réduire la congestion dans les zones périurbaines. Mais rien n'était prévu, concrètement, pour prévenir l'aggravation de la fracture territoriale. La question est de savoir quels financements mobiliser dans la période actuelle de tension des finances publiques. En effet, de fortes tensions sur les finances publiques, qu'il s'agisse des budgets de l'Etat ou des collectivités territoriales, poussent à envisager pour les transports publics des moyens de financement alternatifs.
Plusieurs réflexions ont été menées en la matière, portant sur un rééquilibrage des contributions respectives des usagers et des contribuables, les avantages procurés par la mise en place de péages urbains, les possibilités offertes par une prolongation de quelques années des concessions autoroutières - le débat est d'ailleurs en cours avec les sociétés concessionnaires sur le contenu des travaux qu'elles s'engageraient alors à effectuer. L'extension du versement transport (VT) acquitté par les entreprises est également étudié, mais le secteur productif est déjà très taxé. Le recours aux partenariats public-privé (PPP), qui sont complexes à utiliser correctement, et les financements européens sont également à envisager. Le financement public de l'AFITF, qui contribue puissamment à la rénovation du réseau routier, doit être pérennisé, car le produit de l'écotaxe poids lourds est incertain. La piste de la prolongation des concessions autoroutières me semble intéressante, à condition que les sociétés d'autoroutes s'attachent à améliorer les connexions entre ce réseau et les routes secondaires.
Les partenariats public-privé peuvent également être explorés. Du fait de leur spécificité, ces contrats doivent être réservés à des opérations coûteuses et complexes, pour lesquelles la concession de travaux publics n'est pas adaptée. Pour en avoir mal mesuré les risques, certains acteurs publics y ont eu recours de façon inappropriée, ce qui a conduit à des désillusions dont l'actualité s'est fait l'écho. En tout état de cause, les PPP ne sont pas une solution pour financer des tronçons routiers à faible rendement.
Nous nous félicitons que le Président de la République ait annoncé le 16 mai dernier, que la France lancerait en juin 2013 « un grand plan d'investissement sur dix ans, portant sur quatre grandes filières : numérique, transition énergétique, santé et grandes infrastructures de transport ». Ainsi, des crédits publics viendront appuyer les projets qu'il est nécessaire de réaliser dans l'amélioration des transports publics existants et le lancement de nouveaux axes prioritaires. Cette nécessité est ainsi reconnue au plus haut niveau de l'Etat.